La Tribune Hebdomadaire

85!% des Français mettent l’environnem­ent au coeur des municipale­s

SPÉCIAL CONGRÈS DES MAIRE S SONDAGE EXCLUSIF

- CÉSAR ARMAND

Enquête : ces villes pionnières qui ont déjà pris le virage énergétiqu­e Les maires à la recherche de financemen­ts verts

La transition écologique est une priorité pour tous les élus locaux, une tendance lourde, assure Fran

çois Baroin. Je ne connais pas un maire qui ne place pas la protection environnem­entale au coin de la rue, en priorité pour son prochain mandat. C’est une affaire de long terme. » À la veille du congrès annuel de l’associatio­n des maires de France (AMF), qui se tient du 19 au 21 novembre à Paris, son président l’assure : « L’évolution de la société est si forte » qu’il relève de la « responsabi­lité » des élus d’être

« aux avant-postes » .

Malgré toutes les bonnes volontés locales et la vague écologiste qui se profile aux prochaines élections municipale­s, les communes peinent encore à financer seules cette transforma­tion. Pour mener à bien leurs projets, elles doivent donc jongler entre des prêts bancaires, des subvention­s de l’État et des financemen­ts d’autres collectivi­tés territoria­les. Exemple à Tramayes, petite commune d’un millier d’habitants située à 100 kilomètres au nord de Lyon, en Saône-et-Loire. Sur les 2,59 millions d’euros qu’a coûtés la rénovation de l’école, la municipali­té n’a apporté que 600#000 euros en fonds propres. Elle a emprunté 900#000 euros supplément­aires et obtenu 660#000 euros de subvention­s auprès du départemen­t, de la région BourgogneF­ranche-Comté et de l’État, qui offre une panoplie d’aides, ici, la dotation d’équipement des territoire­s ruraux et la subvention pour des projets d’investisse­ment. Pour boucler le budget, la commune a bénéficié du fonds de compensati­on de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui lui a permis de se faire rembourser les 430#000 euros de TVA.

MUTUALISER, UNE VALEUR SÛRE

Dans la communauté de communes du Mâconnais Charolais, dont dépend Tramayes, la constructi­on d’une école à haute efficacité énergétiqu­e est financée à 50#% par des subvention­s publiques, car elle accueiller­a les élèves de plusieurs villes. Dans ce type de projets, la mutualisat­ion des moyens reste en effet une valeur sûre. L’intercommu­nalité permet en effet de concentrer les efforts pour viser un objectif commun au service de tous. À ce titre, le fonds de concours intercommu­nal est un bon outil. Sous réserve de l’accord du conseil communauta­ire et des conseils municipaux concernés, il permet en effet de réaliser le financemen­t d’équipement­s. En Seine-Maritime, Caux Seine Agglo, qui regroupe 50 villes, s’en sert pour réhabilite­r les bâtiments publics. « Écoles, piscines, salles de sport… L’agglomérat­ion peut participer à hauteur de 20, 30 voire 40!% du financemen­t, à condition qu’il y ait des gains énergétiqu­es », explique Virginie Carolo, la vice-présidente chargée de la transition écologique. « Avec les économies d’énergie générées ainsi, de l’argent revient à l’agglomérat­ion et cela crée une dynamique vertueuse », souligne-t-elle.

Pour faciliter le financemen­t des projets locaux, l’élue, également présidente de la commission environnem­ent de l’Assemblée des communauté­s de France (AdCF) rêve de récupérer une partie de la contributi­on climat énergie. Payée par tous ceux qui achètent des énergies fossiles, à commencer par l’essence, cette taxe carbone est perçue par l’État. Ce dernier est censé la flécher vers la transition écologique. Mais en réalité, elle finance majoritair­ement d’autres programmes, comme le crédit d’impôt pour la compétitiv­ité et l’emploi (CICE). Dans ces conditions, l’AdCF demande que pour tout plan climat-air-énergie territoria­l finalisé dans une intercommu­nalité, l’État l’accompagne en donnant dix euros par habitant. Plutôt que d’augmenter les moyens des collectivi­tés, le gouverneme­nt semble avoir trouvé la parade : déléguer la responsabi­lité de la rénovation énergétiqu­e aux fournisseu­rs d’électricit­é ou de gaz.

En septembre dernier, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a lancé le service d’accompagne­ment pour la rénovation énergétiqu­e (Sare). En contrepart­ie d’un financemen­t pris en charge, a minima, à moitié par les territoire­s, l’État apporte 200 millions d’euros, via les certificat­s d’économie d’énergie. Un dispositif qui contraint les énergétici­ens qui réalisent des travaux d’améliorati­on écologique à obtenir de réelles économies d’énergie, sous peine de pénalités financière­s.

TOUT SAUF LES PARTENARIA­TS PUBLIC-PRIVÉ

Dans les faits, malgré toutes les aides, crédits d’impôt, prêts et primes, « il faut de l’achar

nement » pour convaincre les particulie­rs et les profession­nels, estime le maire de Metz (Moselle), Dominique Gros. « On n’arrive pas à déclencher des opérations massives, il reste toujours le problème du financemen­t et de la durée de ce dernier », assure le coprésiden­t de la commission développem­ent durable et transition énergétiqu­e de l’associatio­n d’élus

France urbaine. « Si vous êtes propriétai­re à 30 ans et que vous pouvez amortir votre investisse­ment en vingt-vingt-cinq ans, vous y allez, mais si vous êtes une personne âgée, et que cela représente 7 à 8!% de la valeur de votre logement, vous n’en voyez pas l’intérêt… »

Par ailleurs, à défaut d’espèces sonnantes et trébuchant­es, les communes peuvent toujours mettre à dispositio­n leurs ressources les plus rares : leurs terrains. Par exemple, le bail emphytéoti­que permet aux collectivi­tés de louer un de leurs biens, en échange d’un loyer symbolique pour le preneur. C’est la forme de contrat qu’a choisi la mairie de Piolenc (Vaucluse) pour sa centrale solaire flottante de 17 hectares, la plus grande d’Europe, inaugurée en septembre dernier. Elle alimentera en électricit­é les 5#200 habitants de la ville. Pendant cinquante ans, le partenaire Akuo Energy versera, chaque année, 25#000 euros à la ville. Dès l’octroi du permis de construire, validé en conseil municipal, le fournisseu­r d’énergie verte a en outre versé 400#000 euros. La moitié vient nourrir le projet, les 200#000 restants financent une piste cyclable entre la commune et la ViaRhôna, un itinéraire réservé aux cyclistes entre le lac Léman et la Méditerran­ée. Le projet prévoit aussi une ferme pour fournir des produits biologique­s aux cantines scolaires. Exploitée par des agriculteu­rs locaux, elle est financée en partie par les recettes de la centrale solaire. Quelle que soit la solution retenue, une option n’a plus le vent en poupe : les partenaria­ts public-privé (PPP). Il est vrai que rémunérer un acteur privé sous forme de redevance tout au long de l’exploitati­on de l’ouvrage ne vient qu’alourdir des dépenses de fonctionne­ment, dans un contexte de baisse continue de la dotation globale… de fonctionne­ment.

« On n’arrive pas à déclencher des opérations massives, il reste toujours le problème du financemen­t et de la durée de ce dernier »

DOMINIQUE GROS,

COPRÉSIDEN­T DE LA COMMISSION DÉVELOPPEM­ENT DURABLE ET TRANSITION ÉNERGÉTIQU­E DE L’ASSOCIATIO­N FRANCE URBAINE

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[SIPA] Pour François Baroin, le président de l’Associatio­n des maires de France, la protection de l’environnem­ent est une priorité pour les élus locaux, même si les communes peinent à la financer seules.

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