La Tribune Hebdomadaire

5G : la France accélère, les opérateurs passent à la caisse

Le régulateur des télécoms a donné le coup d’envoi de l’attributio­n des fréquences aux opérateurs prévue au printemps 2020. Partout dans le monde, le déploiemen­t de cette technologi­e a une portée stratégiqu­e.

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INNOVATION L’Arcep, le régulateur des télécoms, a enfin donné le coup d’envoi de l’attributio­n des fréquences 5G au printemps 2020. Le prix de 2,17 milliards d’euros, fixé par l’État pour lancer ces enchères, est jugé indécent par les opérateurs qui vont devoir financer de lourds investisse­ments.

Ce n’est pas trop tôt!! Après des mois de difficiles négociatio­ns, la France s’est enfin lancée dans la course à la 5G. En fin de semaine dernière, l’Arcep, l’Autorité de régulation des communicat­ions électroniq­ues et des Postes, a publié les modalités d’a"ribution des fréquences destinées à cette nouvelle génération de communicat­ion mobile aux opérateurs. La vente de ces actifs devrait avoir lieu au printemps prochain. Dans la foulée, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free commencero­nt à déployer leurs nouvelles antennes à travers le pays, avec un objectif d’au moins deux villes couvertes par opérateur d’ici à la fin 2020.

Le cahier des charges de ce"e vente de fréquences, qui comprendra des enchères financière­s, a été laborieux à définir. D’où son retard : sa publicatio­n était initialeme­nt prévue pour le mois d’octobre, pour une a"ribution des fréquences début 2020. Leur vente va constituer un moyen pour l’État d’encaisser un gros chèque, toujours bienvenu en ces temps de disette budgétaire. Les opérateurs, quant à eux, se sont mobilisés pour demander au gouverneme­nt de ne pas se montrer trop gourmand, arguant qu’un euro investi dans les fréquences ne l’est pas dans le déploiemen­t des réseaux, et donc dans la couverture du pays. Dans le cadre du processus d’attributio­n, l’État a finalement fixé un prix de réserve à 2,17 milliards d’euros.

RISQUE D’EMPRISE D’ORANGE ET DE SFR

Ce élevé tarif par plancher les opérateurs. est jugé trop « Nous sommes dans une équation inédite avec des opérateurs qui n’ont jamais eu autant d’obligation­s d’investisse­ment [dans les territoire­s les moins peuplés et les moins rentables, ndlr] et un montant potentiell­ement engagé dans les fréquences aussi important »,

déplore Arthur Dreyfuss, le président de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), par ailleurs secrétaire

général de SFR. « Ce!e équation n’est pas cohérente avec ce qui a été avancé ces derniers mois par le gouverneme­nt », dézingue-t-il. De son côté, l’Arcep, par la voix de son président, Sébastien Soriano, estimait qu’un montant de 1,5 milliard d’euros était « un

grand maximum » à ne pas dépasser. Et ce pour éviter un scénario où Orange et SFR, aux poches plus profondes que celles de Free et Bouygues Telecom, ne remportent beaucoup plus de fréquences que leurs rivaux, et soient in fine en mesure de proposer un bien meilleur service 5G. Il n’a, visiblemen­t, pas été entendu. Dans un entretien aux Échos, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, maintient que l’État n’a pas mis le curseur trop haut. Ce prix plancher est « raisonnabl­e. Nous ne maximisons pas le montant des enchères », a-t-elle jugé. Quoi qu’il en soit, la France sera le dernier des grands pays de l’Union européenne à octroyer ses fréquences 5G. L’Italie et l’Allemagne ont depuis longtemps a"ribué les leurs. Les opérateurs transalpin­s et d’outre-Rhin ont dû casser leur tirelire, déboursant dans chacun des deux pays 6,5 milliards d’euros. En parallèle de l’Europe, les ÉtatsUnis et la Chine mettent les b o uchées d o ubl e s p o ur déployer la 5G. Dans l’empire du Milieu, la 5G vient d’être commercial­isée dans les 50#principale­s villes du pays. Et les opérateurs souhaitent en couvrir pas moins de 300 d’ici à la fin 2020. Pourquoi la 5G fait-elle l’objet d’une course de vitesse aussi effrénée!? Pourquoi attiset-elle autant les convoitise­s et est-elle jugée aussi stratégiqu­e aux yeux des gouverneme­nts du monde entier!? Parce que ce"e technologi­e est considérée comme cruciale pour la compétitiv­ité des pays développés. À la différence des précédente­s génération­s de communicat­ion mobile, la 5G ne concernera pas que le grand public. Elle est considérée comme l’un des futurs piliers de l’économie dans les prochaines années. De fait, elle est calibrée, développée pour les profession­nels et les industriel­s de tous les secteurs d’activité. En permettant de connecter à la fois les hommes, les produits et les services (via différents capteurs), les lieux de vente (via des caméras intelligen­tes en boutiques), les actifs (comme les machinesou­tils et les véhicules) et autres infrastruc­tures (les réseaux d’électricit­é, ferrés ou routiers), cette technologi­e est perçue comme un puissant catalyseur de la numérisati­on des entreprise­s. Lesquelles pourront s’en saisir pour doper leur activité, faire des économies ou développer de nouveaux services.

PIERRE MANIÈRE «!Ce prix plancher est raisonnabl­e. Nous ne maximisons pas le montant des enchères!»

AGNÈS PANNIER"RUNACHER,

SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Aux États-Unis, ce!e perspectiv­e ne fait guère de doute. De nombreux observateu­rs se réfèrent au passé. Pour beaucoup, c’est la mise à dispositio­n rapide de la 4G qui a permis aux géants du Net, les fameux Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), de connaître un essor fulgurant et d’asseoir leur domination sur tout le globe. Il y a tout juste un an, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, n’y allait pas par quatre chemins. Dans nos colonnes, il estimait que la 5G serait

« un saut technologi­que. Il!est certain que ce sera un facteur de compétitiv­ité essentiel pour l’a"ractivité des capitaux, des talents. »

C’est ce qui explique pourquoi les États-Unis, la Chine, et dans une moindre mesure l’Europe, cherchent à bénéficier au plus vite, et en premier, de cette technologi­e. C’est aussi une des raisons qui expliquent les sanctions américaine­s à l’égard de Huawei.

METTRE UN FREIN À LA CHINE

L’équipement­ier télécom chinois est leader dans ce domaine, et l’un des fers de lance pour perme!re à l’empire du Milieu de profiter de cette technologi­e avant les Américains. Soupçonné d’espionnage pour le compte de Pékin par Washington, Huawei a été empêché de déployer ses infrastruc­tures 5G de l’autre côté de l’Atlantique. Au printemps dernier, Donald Trump a même signé un décret pour interdire au groupe de Shenzhen de se fournir en technologi­es américaine­s. Au-delà des raisons sécuritair­es, ce!e a!aque est largement perçue comme un moyen, pour la Maison-Blanche, de freiner les ambitions chinoises dans la 5G, perçues comme une menace pour la domination économique du pays de l’Oncle Sam. Au regard des enjeux, le bras de fer entre les deux superpuiss­ances est loin d’être terminé."

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"ROMUALD MEIGNEUX/SIPA# Pour Sébastien Soriano, président de l’Arcep, le développem­ent de la 5G constitue un facteur de compétitiv­ité majeur.
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"DR# UN CATALYSEUR DE LA NUMÉRISATI­ON DES ENTREPRISE­S En permettant de connecter à la fois les hommes, les produits et les services, la 5G représente un saut technologi­que sans précédent.

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