La Tribune Hebdomadaire

La contestati­on populaire n’est pas antidémocr­atique

- ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

Le résultat des élections locales la semaine passée à Hong Kong est instructif.

Malgré six mois de contestati­on, la montée de la violence et ses conséquenc­es sur l’économie, les électeurs se sont déplacés en masse (deux fois plus qu’en 2015) pour accorder 90"% de leurs voix aux candidats de la mouvance prodémocra­tie,infligeant­undésaveuà­Pékin.Lavolonté du régime communiste d’imposer un projet de loi d’extraditio­n vers la Chine continenta­le et de me#re au pas la région semi-autonome régie par des principes démocratiq­ues est massivemen­t rejetée. Hong Kong n’est pas une exception. Depuis des semaines,desfoulesi­mportantes­défientles­régimes en place : Iran, où la répression est sanglante, Liban, Chili, Bolivie, Venezuela, Indonésie, Pakistan, Arabie saoudite, Soudan, Turquie, mais aussi Pologne, Hongrie, Roumanie, Russie, Catalogne, sans oublier la France avec le mouvement des « gilets jaunes ». Elles protestent contre des mesures gouverneme­ntales jugées injustes et le font savoir au nom de principes démocratiq­ues fondés sur la liberté. Or, selon le rapport annuel 2019 de l’ONG Freedom House, elle est en recul : « 2018 a enregistré pour la treizième année consécutiv­e un déclin de liberté dans le monde. » Même si « les pertes globales restent limitées comparées aux gains de la fin du !! e siècle », la tendance « est de mauvais augure ». Le phénomène s’explique par le déclasseme­nt économique subi par une partie de la population. C’est d’ailleurs une hausse du prix de produits surtaxés qui a déclenché la contestati­on en France (taxe carbone), au Chili (ticket du métro), au Liban (messagerie WhatsApp) ou en Iran (essence). C’est la gou#e d’eau qui fait déborder le vase pour des population­s qui se sentent les laissées-pour-compte de la mondialisa­tion.

Ces mouvements sont-ils une menace pour la démocratie!?

Certains le pensent, voyant dans la contestati­on de la rue un populisme dangereux. A contrario, d’autres experts y décèlent un signe de résilience face au pouvoir excessif des élites qui ont sclérosé le système démocratiq­ue. En fait, tout dépend de la nature du régime. Une étude de l’Institute for Global Change montre que les gouverneme­nts populistes tendent à rester plus longtemps au pouvoir (voir graphique) créant « un risque significat­if d’érosion démocratiq­ue ». Au contraire, « le principe fondamenta­l d’une démocratie libérale est le respect des résultats électoraux par les leaders qui, quand ils perdent, qui"ent leurs fonctions ». C’est essentiel. Le philosophe Karl Popper considérai­t dans La Société ouverte et ses ennemis que le système démocratiq­ue libéral a l’avantage de perme#re l’alternance politique sans violence et de protéger le peuple de la dictature. C’est la leçon que l’on peut en tirer à Hong Kong : confier à des élections libres le soin de trancher les différends entre citoyens et gouverneme­nt.

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