La Tribune Hebdomadaire

Sortie du charbon!: la finance française au milieu du chemin!?

BILAN Il y a un an, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait enjoint aux banques, assureurs et gérants d’actifs de cesser de financer toute mine ou centrale de charbon. État des lieux à la veille du Climate Finance Day.

- DELPHINE CUNY

«!Au plus tard à la mi-2020, les acteurs de la place financière de Paris définiront un calendrier de sortie du financemen­t des activités charbon!»

BRUNO LE MAIRE,

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

« A

rrêter cer les définitive­ment centrales et les de mines finan- à charbon!» novembre ! : 2018, il y a un au an, Palais fin Brongniart, au Climate Finance Day, Bruno Le Maire avait demandé aux banques, assureurs et gérants d’actifs de prendre de nouveaux engagement­s en matière de «!financemen­t des activités plus polluantes, en particulie­r le charbon! ».

Six!mois plus tard, le 2 juillet, le ministre de l’Économie et des Finances avait réuni les acteurs de la place, fédération­s profession­nelles et régulateur­s, afin de lancer «!une nouvelle étape pour verdir le système financier!», et dévoilé une série d’initiative­s, notamment la création d’un observatoi­re de place et d’un dispositif de suivi des engagement­s par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, adossée à la Banque de France). «!Au plus tard à la mi-2020, les acteurs de la place financière de

Paris se doteront d’une stratégie charbon

[et…] définiront un calendrier de sortie globale du financemen­t des activités charbon!»,

avait-il été annoncé à ce"e occasion.

À la veille du Climate Finance Day, qui se tient le vendredi 29 novembre, à l’ancien siège de la Bourse de Paris, les ONG Les Amis de la Terre et BankTrack ont publié le 14 novembre une note dressant un état des lieux en demi-teinte des engagement­s, poussant les acteurs à aller plus loin. Lucie Pinson, coordinatr­ice de la campagne

Unfriend Coal et référente du secteur finance privée aux Amis de la Terre, pointe du doigt les «! risques de greenwashi­ng

énormes!» et le cas de BNP Paribas et Axa qui, jusqu’à présent «!considérés leaders en

matière climatique!», continuent de «!financer ou d’assurer des entreprise­s qui développen­t de nouveaux projets charbon!». MANQUE DE COHÉRENCE

Selon des données financière­s de l’ONG néerlandai­se Profundo, «!BNP Paribas est le plus gros financeur français des entreprise­s qui développen­t de nouvelles centrales à charbon, avec pas moins de 2,2!milliards de financemen­ts accordés à ces entreprise­s rien qu’en

2019!», affirme ce"e note. Si la banque de la rue d’Antin ne finance plus en direct les projets de nouvelles centrales depuis 2017, l’ONG Les Amis de la Terre, qui avait applaudi ses engagement­s sur les gaz et pétrole de schiste il y a deux ans, lui reproche son soutien à l’entreprise publique indonésien­ne PLN Persero par exemple, qui prévoit d’augmenter ses capacités de production à partir du charbon, et l’absence de mise à jour de sa politique depuis quatre ans.

La première banque de la zone euro en termes d’actifs et de capitalisa­tion boursière a dévoilé de nouveaux engagement­s vendredi 22 novembre, notamment un calendrier de sortie complète du secteur du charbon!: BNP Paribas a décidé «!l’arrêt complet de ses financemen­ts au secteur du charbon thermique en 2030 dans les pays de l’Union européenne et en 2040 pour le reste du monde!». Pas suffisant aux yeux des

Amis de la Terre. «!Le cap n’est pas le bon, tous les pays de l’OCDE doivent sortir du charbon d’ici 2030 afin de rester sous le seuil de 1,5 °C [de réchauffem­ent climatique,

ndlr]. De gros producteur­s d’électricit­é à partir du charbon, comme les États-Unis, l’Australie ou encore le Chili où Engie a cinq centrales à charbon en opération, passent à la trappe!», déplore l’ONG. L’ONG BankTrack enjoint aux acteurs «!a minima de refuser de financer ou d’assurer les 417!entreprise­s qui prévoient le développem­ent de nouvelles mines, centrales, et infrastruc­tures charbon!», issues de la base de données Global Coal Exit List, et d’exiger des entreprise­s clientes des plans de fermeture (et non de cession) des actifs dans le charbon thermique. Les deux associatio­ns prônent «!une tolérance zéro vis-à-vis des expansionn­istes du charbon!».

Au-delà de la classique distinctio­n entre un projet de centrale et l’entreprise le développan­t, le désaccord porte aussi sur les seuils!: les acteurs financiers excluent les entreprise­s générant un certain pourcentag­e de leur chiffre d’affaires du charbon (plus de 50 % pour Société Générale, plus de 25 % pour Natixis, plus de 20 % désormais pour CNP Assurances, plus de 10 % pour la Caisse des dépôts et BNP Paribas Asset Management), et non de leur production. Or le groupe d’énergie allemand RWE, qui va progressiv­ement fermer ou reconverti­r ses centrales et vise la neutralité carbone en 2040, génère encore près de la moitié de son électricit­é à partir du charbon, mais seulement 2 % de ses revenus, selon l’agence Trucost (filiale de S&P). Tout n’est pas si noir en matière de charbon. Les ONG donnent un bon point à la «!stratégie cli

mat ambitieuse!» dévoilée par le Crédit Agricole début juin, en même temps que son plan moyen terme 2022. «!Crédit Agricole est devenu le premier grand acteur financier à demander à ses clients des plans détaillés de retrait du charbon!», applaudiss­ent les ONG dans ce"e note, tout en s’inquiétant de l’applicatio­n concrète, dans tous les métiers, «!y compris les émissions d’actions et d’obligation­s côté Cacib [la filiale de banque de financemen­t et d’investisse­ment] et la gestion passive côté Amundi!».

Mercredi 27 novembre, elles ont également salué les nouveaux engagement­s d’Axa. Le patron, Thomas Buberl, qui avait martelé

« No New Coal » (pas de nouveau charbon) au One Planet Summit de 2017, a déclaré que « l’urgence climatique nécessite des efforts supplément­aires ». L’assureur qui

vise désormais « un monde sans financemen­t

du charbon » va durcir sa politique de désinvesti­ssement, avec l’objectif d’une sortie complète du secteur d’ici à 2030 dans les pays de l’OCDE et 2040 dans le reste du monde. Exactement le calendrier soutenu par les ONG. Les Amis de la Terre a félicité Axa d’avoir adopté « la meilleure politique

au monde » en s’engageant à la fois en tant qu’investisse­ur et assureur à exclure les entreprise­s prévoyant de nouvelles capacités en charbon.

Dans leur note du 14!novembre, les ONG avaient critiqué le fait qu’Axa ait comme client Adani Mining, filiale australien­ne du congloméra­t indien Adani, qui construit le projet gigantesqu­e et controvers­é de Carmichael – pour assurer la ligne de chemin de fer desservant la mine. Dans le cadre de la nouvelle politique, Adani serait a priori exclu.!

 ?? "ISTOCK# ?? POUR LES ONG, !"LE CAP N’EST PAS LE BON"# Les Amis de la Terre et BankTrack prônent «!une tolérance zéro vis-à-vis des expansionn­istes du charbon!». (En photo : la mine de charbon à ciel ouvert de Belchatow, en Pologne).
"ISTOCK# POUR LES ONG, !"LE CAP N’EST PAS LE BON"# Les Amis de la Terre et BankTrack prônent «!une tolérance zéro vis-à-vis des expansionn­istes du charbon!». (En photo : la mine de charbon à ciel ouvert de Belchatow, en Pologne).

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