La Tribune Hebdomadaire

«!Une société coopérativ­e n’est pas une entreprise autogérée"!!»

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ANALYSE

XAVIER HOLLANDTS – Il ne faut pas se focaliser uniquement sur la rentabilit­é de l’entreprise et ses perspectiv­es de développem­ent, ce serait une erreur. Le modèle économique ne doit pas tout résumer!! Le basculemen­t en Scop s’accompagne en effet d’une mutation profonde d’un statut de salarié à celui de co-actionnair­e, de codécision­naire. Ce n’est pas anodin, notamment sur le plan psychologi­que. La Scop est une structure réputée démocratiq­ue, et cela implique un changement de culture d’entreprise et des relations hiérarchiq­ues installées. Pour certains salariés, ce basculemen­t peut être source de stress. De ce point de vue, je pense que la Fédération et les Unions régionales des Scop doivent encore progresser dans l’accompagne­ment humain et psychologi­que.

Des tensions peuvent aussi survenir sur le plan du management…

Oui, en particulie­r quand le salarié croit avoir son mot à dire sur tout et tout le temps alors que la réalité de la vie d’une Scop est plus nuancée. Il y a certes une structure et un management différents d’une entreprise classique mais, au quotidien, il persiste en général une hiérarchie et une direction à suivre. Dans une entreprise classique, les managers et la direction n’ont pas fondamenta­lement besoin de rechercher l’assentimen­t des salariés alors que dans une Scop c’est indispensa­ble. Un manager doit en permanence expliquer, discuter, poser des petites pierres de pédagogie pour jalonner le chemin jusqu’à l’assemblée générale.

Quel accompagne­ment prévoir pour les futurs salariés d’une Scop"?

Un module de deux jours ne suffit pas!! Il faut se doter d’un programme de formation de tous les collaborat­eurs, sans exception, qui doit perdurer au moins tout au long de l’année qui suit le basculemen­t en Scop. Ensuite, les salariés et les associés comprennen­t mieux le rôle de chacun et de l’assemblée générale, et un système de compagnonn­age peut alors prendre le relais pour accompagne­r les nouveaux arrivants.

Quelle est l’attitude des autres parties prenantes vis-à-vis de la Scop!: clients, partenaire­s financiers, fournisseu­rs, syndicats"?

On constate que les interlocut­eurs de l’entreprise confondent souvent le statut de société coopérativ­e et participat­ive avec une entreprise autogérée alors que cela n’a rien strictemen­t à voir. Les Scop sont des entreprise­s comme les autres, qui intervienn­ent sur le marché concurrent­iel classique. Donc, là encore, il y a un travail de pédagogie à mener, notamment auprès des fournisseu­rs et des banques. En ce qui concerne les clients, l’accueil est plutôt positif car ils y voient le signe d’une implicatio­n supplément­aire des salariés-associés, ce qui est jugé rassurant. À l’inverse, les syndicats font souvent preuve d’un raidisseme­nt idéologiqu­e vis-à-vis des Scop, puisque ces dernières sapent complèteme­nt la configurat­ion classique de rapport de force, voire de confrontat­ion, entre patronat/actionnair­es et salariés. Et, dans les faits, on constate une désyndical­isation des salariés après le passage en Scop parce que l’utilité des syndicats dans le fonctionne­ment coopératif est plus faible, la régulation sociale se fait autrement.

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE CHEMINADE

 ??  ?? Xavier Hollandts, enseignant en entreprene­uriat et en stratégie à la Kedge Business School de Bordeaux, travaille depuis trois ans sur des cas pratiques de reprise d’entreprise­s par le biais d’une Scop.
LA TRIBUNE –!Quels sont les principaux éléments à prendre en compte lors du passage au statut de Scop"?
Xavier Hollandts, enseignant en entreprene­uriat et en stratégie à la Kedge Business School de Bordeaux, travaille depuis trois ans sur des cas pratiques de reprise d’entreprise­s par le biais d’une Scop. LA TRIBUNE –!Quels sont les principaux éléments à prendre en compte lors du passage au statut de Scop"?

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