Les gouvernements devront bâtir des villes africaines plus connectées et plus productives
Générant environ 80!% du produit intérieur brut (PIB) planétaire, selon la Banque mondiale, les villes sont devenues le moteur des économies. Alors que deux individus sur trois seront citadins en 2050 – contre un sur deux actuellement –, 60!% de la population africaine résidera en métropole, contre 39!% aujourd’hui, d’après l’ONU-Habitat. De fait, la smart city, ou ville intelligente, est une réponse à l’urgence qu’impliquent les objectifs de développement durable (ODD), dont les échéances ont été fixées à l’horizon 2030.
« En commençant par des réformes des marchés fonciers et des réglementations, puis en effectuant des investissements anticipés et coordonnés dans les infrastructures, les gouvernements peuvent prendre le contrôle de l’urbanisation et construire des villes africaines plus connectées et plus productives : des villes qui ouvrent leurs portes au monde!», estime la Banque mondiale. Une telle ouverture catalyserait les investissements. « Les villes plus intelligentes prouvent qu’elles sont en mesure d’attirer davantage d’investissements directs à l’étranger!», remarque la BAD dans le rapport « State of African Cities 2018 », ajoutant que l’affluence des investissements dans une smart city élargit la marge de manoeuvre financière des municipalités au bénéfice de projets à la pointe de la technologie. Dans un tel environnement, les affaires prendraient une autre dimension. Mc K i n s e y p r é v o i t q u e 100" villes compteront plus de 1" million d’habitants en 2025 en Afrique. Pour qu’elles soient intelligentes et favorisent durablement le business et les citoyens, les pays doivent relever plusieurs défis, en particulier l’électrification dont le taux n’était que de 43!% en 2016. En d’autres termes, 57!% de la population du Continent vit sans un accès régulier à l’électricité. Or smart city rime avec accès maximisé à ce#e énergie. « L’expérience des économies du Nord démontre que plus un pays dispose de réseaux rapides d’Internet, plus le PIB augmente. C’est cela le talon d’Achille des économies africaines. Dans plusieurs pays, la connexion Internet est encore très coûteuse et de mauvaise qualité. Il faut donc que les États fassent des efforts pour améliorer l’approvisionnement en électricité », explique Jérôme Chenal, expert en smart cities, directeur du programme Excellence in Africa à l’École polytechnique de Lausanne. C’est pour faire face à ces besoins que les smart grids, ou réseaux électriques intelligents, sont de plus en plus recommandés.
La formation est l’autre maillon central du développement des smart cities. Plusieurs initiatives voient le jour": au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, au Nigeria ou encore au Kenya. Mais alors que leur concrétisation implique souvent d’importants investissements, la main-d’oeuvre locale n’est pas souvent en mesure d’en assurer la maintenance. « Plutôt que de faire venir les entreprises étrangères à chaque fois qu’il y a des pannes techniques, il faut former les Africains », explique l’urbaniste Mohammed El Ke#ani.
Au Bénin, Jérôme Chenal intervient sur le méga-projet Sèmè City en tant que formateur. «!Les smart cities requièrent des compétences un peu différentes de celles de l’urbanisme conventionnel, fait-il remarquer. Il faudra donc massivement former des ingénieurs dans le domaine de l’urbanisme digital et des systèmes urbains, afin qu’ils soient capables de gérer ce"e mine numérique et technologique. »
Une formation des ingénieurs africains à grande échelle, et de qualité, déboucherait sur la création de solutions africaines « sans faire du copier-coller » des économies développées, souligne Mohammed El Ke#ani, ce qui pourrait renforcer la résilience, l’inclusivité et la durabilité des villes d’Afrique.