La Tribune Hebdomadaire

Le régime «!catastroph­es naturelles!» sera-t-il réformé avant 2022!?

- JULIETTE RAYNAL !

Aquelques jours de la COP25, les inquiétude­s des experts relatives aux événements météorolog­iques extrêmes avaient un goût amer de vérité. Les 23 et 24 novembre, les d é p a r t e ment s d u Var e t d e s Alpes-Maritimes ont été touchés par des pluies diluvienne­s provoquant de nombreux dégâts. Pour l’assureur mutualiste Groupama, ces premières inondation­s –!suivies d’autres intempérie­s spectacula­ires, une semaine plus tard, le 1er! décembre! – ont entraîné des dommages dont le montant oscillerai­t entre 30 et 50 millions d’euros. Et plusieurs personnes y ont trouvé la mort.

UNE HAUSSE DES FORTES PLUIES ET DES SÉCHERESSE­S

Cet épisode météorolog­ique hors norme n’est qu’une illustrati­on des diverses manifestat­ions de catastroph­es naturelles (sécheresse, mouvements de terrain, cyclones et ourag a ns, s é i s mes, a v a l a nches e t événements liés au volcanisme). Au! premier semestre de l’année 2019, elles ont provoqué la mort ou la disparitio­n de plus de 5"000!personnes et généré 40 milliards de dollars de pertes dans le monde, selon les estimation­s du réassureur Swiss Re. Un montant en hausse de 8 milliards de dollars par rapport à la même période l’année dernière.

Au-delà de cette évolution semestriel­le, les experts s’a#endent à une multiplica­tion et une intensific­ation de ces événements extrêmes dans un contexte de réchauffem­ent climatique. Dans un monde à +!1,5 °C, les épisodes de fortes précipitat­ions seront plus fréquents, intenses et/ou abondants, selon le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (Giec). La fréquence et l’intensité des sécheresse­s devraient aussi augmenter.

En France, un rapport du Sénat estime que «! d’ici à 2050, le montant des sinistres liés aux catastroph­es naturelles va augmenter de 50"%, à cause du climat et de la concentrat­ion de la population dans des zones à risques!». Ce même rapport, rendu public en juillet dernier, préconise une réforme du régime d’indemnisat­ion des catastroph­es naturelles, le régime «!cat’ nat’!», né en 1982 et jugé inadapté dans un contexte de bouleverse­ment climatique. Il pointe notamment du doigt les critères pris en compte pour définir une catastroph­e naturelle et les seuils à partir desquels ce#e situation est décidée.

Seul hic"? Ce#e réforme, mise sur les rails il y a plus d’un an, piétine. Elle devait intervenir au plus tard à l’été 2019. C’était la promesse d’Emmanuel Macron lors d’un déplacemen­t aux Antilles, un an après le passage dévastateu­r de l’ouragan Irma. Le chef de l’État avait alors promis « un système plus rapide, plus généreux, mais aussi plus incitatif », sans entrer dans les détails. Mais, à la veille de l’année 2020, la réforme ne s’est toujours pas traduite dans les faits et une accélérati­on du calendrier législatif apparaît peu probable.

UNE SURPRIME ÉQUIVALENT­E POUR TOUS

«! Au-delà des sujets de fond, nous sommes face à un calendrier législatif qui est totalement pris. Nous le voyons sur certains sujets que nous essayons de faire avancer. Aujourd’hui, nous nous appuyons essentiell­ement sur des “cavaliers législatif­s” ou sur des amendement­s pour porter des dossiers. Les pouvoirs publics sont pris par d’autres dossiers. Je ne sais pas si, d’ici à la fin du quinquenna­t, nous verrons une évolution du régime catastroph­es naturelles!», aconfiéAdr­ienCouret,nommé en mai dernier directeur général de la Macif, à 35 ans, en marge d’une conférence organisée par l’Associatio­n des assureurs mutualiste­s (AAM). Dans notre pays, la garantie contre les catastroph­es naturelles est incluse systématiq­uement dans les contrats d’assurance dommages de biens, rappelle le cabinet Optimind dans sa publicatio­n «!Impact du changement climatique sur l’assurance Iard ![incendie, accidents et risques divers, ndlr] ». La garantie est couverte par le paiement d’une surprime calculée à partir d’un taux fixé par l’État. Il est le même quel que soit le degré d’exposition du bien aux risques : c’est le principe de solidarité nationale. Concrèteme­nt, une personne qui habite au troisième étage d’un appartemen­t parisien paye la même somme qu’une personne qui habite une maison au bord d’une rivière, dont les risques d’inondation sont beaucoup plus élevés. «!Les villes payent pour les campagnes!», résume Thierry Martel, directeur général de Groupama et président de l’AAM, peu convaincu toutefois de l’urgence de repenser ce système redistribu­tif à l’heure où le sentiment d’injustices territoria­les est à son plus haut niveau.

Mais conserver ce#e approche n’encourage ni la prévention ni la dissuasion de construire en zone inondable. Or «!une partie substantie­lle des conséquenc­es des catastroph­es naturelles est liée au fait qu’on a laissé construire en zones inondables!», a rappelé Thierry Martel, soulignant «!les légèretés!» commises par certains élus locaux. Dans la réglementa­tion, il existe bien un mécanisme de modulation des prix en fonction de la sinistrali­té. En cas de sinistres répétés, et si la commune n’est pas dotée d’un plan de prévention, l’assuré devra payer une franchise plus élevée. «!Elle sera doublée au troisième arrêté constatant la catastroph­e, triplée au quatrième et quadruplée pour les arrêtés suivants!», détaille le site de la Fédération française de l’assurance (FFA). «!Mais en pratique, sur le terrain, ces modulation­s ne sont pas recevables!», pointe le président de l’AAM. «!La pression sur les élus locaux ne doit pas passer par l’assuré!», complète-t-il. «!Il faudrait trouver un axe qui perme#e de mobiliser les assurés pour que, au moment des élections, ils sanctionne­nt les comporteme­nts d’un élu local! », avance Sylvain Mortera, directeur général du groupe Aréas Assurances.

Suite à la tempête Xynthia de février 2010, René Marratier, alors maire de La!Faute-sur-Mer (Vendée), a été condamné en appel, en matière pénale, à deux ans de prison avec sursis et à une interdicti­on définitive d’exercer toute fonction publique, pour «! homicides involontai­res! » et!pour «!mise en danger de la vie d’autrui!». Il avait été mis en cause dans la!gestion des permis de construire de!la commune.

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