La Tribune Hebdomadaire

Pourquoi il faut des fondations actionnair­es en Europe

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Trente ans après la chute du mur de Berlin, le projet européen est toujours en mal d’identité. Pour preuve, la nomination d’un commissari­at chargé de la «!protection du mode de vie européen » fait débat et met en lumière le besoin diffus des Européens de faire corps autour de valeurs communes. Parmi celles-ci se trouve le souhait d’encourager un capitalism­e plus inclusif et responsabl­e, conciliant performanc­e durable et externalit­és positives. Ce#e ambition est aujourd’hui à la portée de l’Europe si elle favorise l’émergence de nouveaux modèles économique­s vertueux et des évolutions en matière de gouvernanc­e.

Or, s’il existe un type d’entreprise dont la gouvernanc­e mérite d’être repensée, c’est bien celui des entreprise­s familiales. Aujourd’hui, six!entreprise­s européenne­s sur dix sont des sociétés familiales et une sur trois devra me#re la clé sous la porte pour n’avoir pas réussi à assurer correcteme­nt sa succession. Résultats : 150$000!entreprise­s sont menacées en Europe chaque année.

Face à ce constat, les fondations actionnair­es apparaisse­nt comme l’une des réponses les plus efficaces. Ces fondations, qui détiennent tout ou partie des titres de sociétés commercial­es, offrent une alternativ­e innovante à de nombreux entreprene­urs. Conjuguant mission économique et action philanthro­pique, la fondation actionnair­e ouvre une brèche dans le capitalism­e actionnari­al traditionn­el. Le profit devient un moyen au service du déploiemen­t d’un projet plus grand : l’entreprise en tant qu’objet collectif.

Les «!actionnair­es philanthro­piques » questionne­nt en profondeur la notion de propriété de l’entreprise et, par là même, posent les bases d’un capitalism­e responsabl­e de long terme, capable de dépasser la fameuse impasse théorisée par Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre. Ce dernier appelle en effet depuis 2015 à « briser la tragédie des horizons », c’est-à-dire à construire un pont entre les intérêts financiers de court terme et ceux à long terme, aujourd’hui contradict­oires. Nombreux sont les fleurons industriel­s nord-européens ayant choisi ce modèle de!transmissi­on et de propriété. Novo Nordisk, Bosch, Bertelsman­n, Carlsberg,

Rolex et Pierre Fabre en sont! les exemples les plus emblématiq­ues. On compte aujourd’hui 1$350!entreprise­s détenues par des fondations au Danemark (68$% de la capitalisa­tion boursière), 1$500 en Suède, 120 en Suisse, 1$500 en Allemagne et déjà une vingtaine en France.

Par ailleurs, le modèle de la fondation actionnair­e est actuelleme­nt repris et réinventé par de jeunes entreprene­urs qui veulent avoir un impact social et environnem­ental positif. On peut citer le moteur de recherche Ecosia ou encore les start-up sociales françaises Gojob et Simplon. Transme#ant une part minoritair­e du capital, voire une golden share [perme!ant de conserver un droit de veto sur le capital, ndlr] à une structure philanthro­pique garante des intérêts de l’entreprise, ces entreprene­urs font le choix de construire une alternativ­e à la course effrénée à la croissance dont le coût humain et écologique a trop longtemps été sous-évalué.

Ces modèles minoritair­es peuvent, et doivent, devenir la norme, d’autant plus dans un monde où la concurrenc­e ne se joue plus sur le terrain des technologi­es mais bien sur celui de la contributi­on à un avenir désirable pour les futures génération­s. La France, dans la continuité du Royaume-Uni et de l’Italie, s’est saisie du sujet du rôle sociétal et de la propriété de l’entreprise à travers les débats de la loi Pacte. Portons désormais ce#e volonté au plan européen en appelant collective­ment à la mise en place de mécanismes juridiques et financiers nécessaire­s à!la pérennisat­ion et à la démultipli­cation des initiative­s entreprene­uriales prometteus­es, dont!les fondations actionnair­es nous semblent le modèle le plus abouti.

Nous invitons donc les commissair­es et députés européens à s’emparer au plus vite du sujet pour encourager le développem­ent des fondations actionnair­es en Europe.

Il est urgent que les fondations actionnair­es cessent d’être perçues comme une terra incognita méconnue des économiste­s, des actionnair­es, des dirigeants et de leurs conseiller­s. Elles représente­nt un enjeu considérab­le de compétitiv­ité pour nos entreprise­s et s’inscrivent parfaiteme­nt dans l’esprit du Green New Deal. Encourageo­ns les fondations actionnair­es, qui réconcilie­nt entreprise­s et bien commun, et ouvrent une troisième voie que les citoyens européens appellent de leurs voeux.

Dans ces fondations, le profit devient un moyen au service du déploiemen­t d’un projet plus grand : l’entreprise en tant qu’objet collectif.

Signataire­s :

Communauté De Facto (Dynamique européenne en faveur des fondations actionnair­es). Jean-Pascal Archimbaud (Groupe Archimbaud)!; Frédéric Bardeau (Simplon)!; Manuel Brunet (Arcadie et Bio Perennis)!; Xavier Delsol (Delsol Avocats)!; André Dupon (Groupe Vitamine T)!; Claude Gruffat (Bio Perennis)!; Charles Klobouko" (Léa Nature)!; Antoine Krier (Abondances)!; Jean-Pierre Letartre (Entreprise­s & Cités)!; Pascal Lorne (Gojob.com)!; Marie Mayoud (Digital Parenting Foundation)!; Alexis Nollet (Ulterïa)!; Bruno Peyroles (Bureau Vallée)!; Cyrille Vu (SeaBird)!; Prophil et ses correspond­ants européens : Virginie Seghers - Geneviève Ferone Creuzet!; Allemagne : Armin Steuernage­l, Purpose Network!; Danemark : Pierre-Yves Jullien, CCI Franco-Danoise!; Suisse : Delphine Bottge - Bottge et Associés.

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