La Tribune Hebdomadaire

La voiture totalement autonome est-elle définitive­ment enterrée!?

MOBILITÉ Ces cinq dernières années, les constructe­urs ont fait rêver avec leur projet d’automobile sans chau!eur. Une promesse qu’ils ont tous abandonnée au profit de la conduite en partie automatisé­e et du véhicule ultraconne­cté.

- NABIL BOURASSI, AU CES À LAS VEGAS

Nous commercial­iserons une voiture 100!% autonome dès 2020 », chantaient-ils tous en choeur!! À croire que le monde entier n’avait plus que ce mot à la bouche : les constructe­urs, les Gafa, Uber, les équipement­iers, les gouverneme­nts… Les années ont passé, la réalité a fini par s’imposer. La définition d’une échelle d’autonomie a été le prélude à un brutal retour sur terre. Ainsi, l’autonomie promise en 2020 ne serait plus que de niveau"3… Et cette échéance ne valait que pour l’aspect technique, la commercial­isation serait pour plus tard. Puis, plus récemment encore, les constructe­urs ont fini par abandonner l’idée d’une autonomie de niveau"5 (la voiture sans volant), et le niveau"4 est tout ce qu’il y a de plus hypothétiq­ue. Pour les constructe­urs, le niveau"3 permet une conduite totalement autonome dans certaines conditions (notamment sur autoroute), mais le conducteur doit être capable de reprendrel­evolantàto­utmoment. « Le niveau 3 est déjà extrêmemen­t complexe à me"re en oeuvre, nous allons nous concentrer dessus pour fournir un niveau de sécurité maxi mal , explique Klaus Fröhlich, membre du comité de direction de BMW en charge de la R&D, rencontré au CES de Las Vegas, le salon internatio­nal de l’electroniq­ue. Nous n’avons jamais cru au niveau# 5 et au modèle de robot-taxi », ajoute-t-il. Avec la fin du rêve de voiture sans volant, c’est tout un modèle économique qui tombe avec… Celui consistant à déplacer la chaîne de valeurs du contenant (l’automobile) vers les contenus (Spotify, Netflix…). « Les constructe­urs peuvent être soulagés, le spectre d’être transformé­s en Foxconn de l ’ a u t o mo b i l e s’éloigne », ironise un analyste du marché. Foxconn, c’est le spécialist­e taïwanais de l’électroniq­ue qui fabrique les iPhone, mais sans dégager la valeur ajoutée engrangée par Apple.

LA BATAILLE PERDUE CONTRE APPLE ET GOOGLE

Pour les constructe­urs automobile­s, le niveau"5 portait donc le risque de devenir une marque blanche des Gafa, en gros un simple fournisseu­r de carlingue. Pour autant, le niveau"3 va continuer à proposer une série d’innovation­s connectées pour lesquelles il existe différents enjeux, notamment dans le recueil de données. Les constructe­urs me$ent le paquet pour tenter de monétiser un maximum d’opportunit­és, même s’ils considèren­t que la bataille de l’interface est d’ores et déjà perdue. Celle-ci semble être définitive­ment devenue le territoire d’Apple et Google, qui l’ont préempté à travers la synchronis­ation du téléphone, des services de cartograph­ies ou simplement l’ambiance musicale.

«"Le niveau 3 est déjà extrêmemen­t complexe à mettre en oeuvre, nous allons nous concentrer dessus"»

KLAUS FRÖHLICH,

MEMBRE DU COMITÉ DE DIRECTION DE BMW

En outre, la voiture autonome devra affronter de très nombreuses questions sociétales, notamment les classiques problémati­ques d’assurance et les réflexions sur la répartitio­n des responsabi­lités. Il semblerait de plus en plus que celle d’un accident incomberai­t, dans la plupart des cas, aux constructe­urs automobile­s. De plus, le modèle économique de la voiture autonome interroge. Sera-t-il rentable d’investir autant d’argent (dans le développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le, les infrastruc­tures…) pour ce qui restera une autonomie partielle!?

Enfin, un nouveau sujet vient d’émerger avec le bilan carbone de ces véhicules. On estime désormais que la consommati­on de datas nécessaire au fonctionne­ment d’une voiture autonome pourrait devenir insupporta­ble par rapport aux objectifs de CO2. Bref, ni l’intérêt des constructe­urs automobile­s ni l’acceptabil­ité sociale ne joueraient en la faveur d’une voiture totalement autonome. S’il y a bien un enjeu à aller vers ce fameux niveau 3 d’autonomie, les constructe­urs sont désormais concentrés sur la connectivi­té et les écosystème­s serviciels.

La vraie bonne nouvelle, c’est que, après avoir parié sur une utopie assez floue de la voiture autonome, l’industrie automobile a compris ce qui sera techniquem­ent possible de faire. Ce qui est plus confortabl­e pour modéliser un business.

 ?? "ROBYN BECK/AFP# ?? La Sony Vision-S électrique présentée au CES. La voiture sans volant (niveau 5 d’autonomie) ne semble plus à l’ordre du jour.
"ROBYN BECK/AFP# La Sony Vision-S électrique présentée au CES. La voiture sans volant (niveau 5 d’autonomie) ne semble plus à l’ordre du jour.

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