La Tribune Hebdomadaire

L’avenir incertain des bioplastiq­ues

PROSPECTIV­E Ces matériaux biodégrada­bles ont le vent en poupe. Mais ils ne sont pas sans danger pour l’environnem­ent

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Dupapierim­perméable, des résines à base de lin, de fibres de bois ou bien de protéines de lait… Les rayons du Change Now Summit, rassemblem­ent d’initiative­s à impact positif organisé du 30 janvier au 1er février à Paris, regorgeaie­nt d’alternativ­es au plastique. Les avancées de la technologi­e rendent en effet de plus en plus réaliste l’option de remplacer les résines fossiles par des matériaux moins gourmands en ressources non renouvelab­les et plus facilement recyclable­s, voire biodégrada­bles.

Leurs producteur­s insistent": ils perme#raient non seulement de préserver les avantages du plastique et des emballages, mais aussi d’en recentrer la production en Europe. Dans certains cas, leur utilisatio­n apporterai­t une valeur ajoutée particuliè­re": c’est le cas des sacs biodégrada­bles contenant des biodéchets, qui peuvent ainsi être compostés directemen­t. Mais aussi des emballages solubles ou comestible­s, sur lesquels misent des start-up comme la française Lactips. Convaincu par ces arguments, le législateu­r français a notamment accordé un traitement de faveur aux « bioplastiq­ues », ces plastiques à la fois partiellem­ent biosourcés et compostabl­es, selon la définition que tentent d’imposer leurs producteur­s français. Issus au moins à 50$% de matières premières renouvelab­les, ils peuvent être décomposés par des microorgan­ismes en eau, méthane ou gaz carbonique et biomasse dans des conditions fixées par le droit européen et national.

UN MARCHÉ RECENTRÉ SUR LA FRANCE

Tout en interdisan­t progressiv­ement une longue liste d’articles en plastique à usage unique, la loi de transition énergétiqu­e de 2015, puis la loi Egalim de 2018, ont en effet fait exception des objets compostabl­es en compostage domestique et partiellem­ent biosourcés. Des dérogation­s qui ont permis aux bioplastiq­ues produits en France de s’emparer de la quasi-totalité du marché français des sacs de fruits et de légumes, qui, avant la loi de transition énergétiqu­e, étaient quasiment tous importés d’Asie, expliquent l’Associatio­n chimie du végétal (ACDV), le groupe chimique allemand BASF et le fabricant français Sphère. Ces sacs constituen­t d’ailleurs les deux tiers du marché français des bioplastiq­ues, ajoutent-ils.

Les ONG se méfient toutefois de toute alternativ­e au plastique, y compris des bioplastiq­ues. Jetés dans le milieu naturel, les plastiques biodégrada­bles restent en effet dangereux pour la faune et l’environnem­ent, rappellent les experts. Or, les consommate­urspourrai­entmal le comprendre, notamment dans les pays en voie de développem­ent où les infrastruc­tures de collecte des déchets et l’informatio­n environnem­entale sont défaillant­es. Des doutes subsistent aussi sur les éventuels résidus laissés par les plastiques biodégrada­bles. En France, en outre, le compostage reste rare, et la plupart des alternativ­es au plastique ne sont pas encore recyclable­s. Surtout, les produits de substituti­on légitiment la culture du jetable, craignent les ONG, pour lesquelles il n’y aura pas de sortie du plastique sans une réduction drastique des objets à usage unique, quel que soit leur matériau. Gérer la fin de vie des déchets implique un gaspillage d’argent et de ressources, martèlent-elles.

Ces critiques semblent avoir fini par faire douter aussi le gouverneme­nt français. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, adoptée par le Parlement le 30 janvier, exige que le gouverneme­nt reme#e au

Parlement « un rapport sur les impacts sanitaires, environnem­entaux et sociétaux des plastiques biosourcés, biodégrada­bles et compostabl­es sur l’ensemble de leur cycle de vie », abordant « notamment le risque de dispersion des microplast­iques dans l’environnem­ent lié au compostage des plastiques biosourcés, biodégrada­bles et compostabl­es ». L’échéance est fixée au 1er janvier 2021."

Pour les ONG, il ne pourra pas y avoir de sortie du plastique sans une réduction drastique des objets à usage unique

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