La Tribune Hebdomadaire

À l’hôpital Foch de Suresnes, l’intelligen­ce artificiel­le assiste déjà les médecins

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DÉPISTAGE

L’établissem­ent situé aux portes de Paris teste un logiciel d’IA qui aide à analyser les scanners. Destiné à gagner du temps sur les tâches sans valeur ajoutée, cet outil permet surtout aux médecins d’a"ner leur diagnostic.

Dans les couloirs de l’hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine), on croise le personnel soignant… et le fameux robot humanoïde Pepper pour renseigner les patients en salle d’a!ente. Afin d’ «!améliorer la prise en charge des patients », cet établissem­ent de santé privé d’intérêt collectif (Espic) mise sur le numérique. Depuis novembre dernier, l’hôpital est le premier en France à intégrer le logiciel d’intelligen­ce artificiel­le d’aide au diagnostic développé par Siemens Healthinee­rs, branche médicale du groupe allemand, dans le cadre d’un partenaria­t de douze ans. Baptisée AI-Rad Companion Chest CT, ce!e solution permet d’analyser les résultats d’un scanner thoracique. Le but : faire gagner du temps aux radiologue­s pour améliorer la prise en charge des patients, assure Philippe Boulogne, directeur des systèmes d’informatio­n et directeur délégué du pôle imagerie de l’hôpital Foch. Au sein de l’hôpital, 30"000#scanners environ sont effectués par an.

« L’intelligen­ce artificiel­le aide à répondre à l’équation suivante : une hausse des examens d’imagerie, une hausse de la population vieillissa­nte et des maladies chroniques, le tout couplé à une baisse du personnel de santé », affirme Frédéric Pégaz-Fiornet, responsabl­e marketing des solutions informatiq­ues de Siemens Healthinee­rs France. Le scanner thoracique représente « entre 30 et 50"% des activités d’un scanner, car il est multi-organes (coeur, poumons, vertèbres…) », explique-t-il.

UNE ANALYSE COMPLÈTE EN DIX!SEPT MINUTES

Concrèteme­nt, le logiciel récolte les données à l’issue du scanner, les analyse et les restitue en dix-sept minutes environ. Les données sont anonymisée­s puis supprimées quelques jours après leur traitement, assure Siemens.

« Le logiciel permet une analyse pulmonaire complète : calcul automatiqu­e des capacités pulmonaire­s de chaque lobe, détection des nodules pulmonaire­s –!pouvant être signe d’un cancer – avec calcul précis de leur diamètre et volume… », illustre le professeur Philippe Grenier. L’IA réalise le même bilan pour le coeur. Par exemple, elle permet de mesurer le diamètre de l’aorte pour repérer d’éventuelle­s dilations. Enfin, le logiciel labellise les vertèbres et mesure l’écart entre elles, ce qui peut permettre de détecter des tassements.

Les résultats sont bruts : ils ne sont pas pondérés par l’âge ou le dossier médical du patient. « Le radiologue doit développer son esprit critique pour faire ses propres déductions, précise le docteur François Mellot, chef de service de la radiologie à l’hôpital Foch. L’IA prend simplement le relais pour effectuer certaines de nos tâches très rébarbativ­es, consommatr­ices de temps et sans valeur ajoutée – comme la labellisat­ion des vertèbres. Cela va donc libérer du temps pour qu’on puisse se concentrer sur la communicat­ion avec les équipes soignantes et la relation avec le patient. »

UN OUTIL DE DÉPISTAGE

En pratique, le gain effectif de temps n’a pas encore été constaté. Pour l’instant, l’hôpital opte toujours pour une lecture humaine traditionn­elle de l’examen, complétée par une lecture avec l’IA. « Lors de la première lecture, les radiologue­s se concentren­t sur la question principale qui a été posée lors de la prescripti­on du scanner, détaille François Mellot. L’IA nous permet d’avoir une lecture plus complète pour ne pas passer à côté de signes précurseur­s. Il faut considérer le logiciel comme un outil de dépistage. »

Environ 200#examens ont été analysés par le logiciel de Siemens depuis novembre. Beaucoup de questions pratiques sont encore débattues : « Quel patient type faut-il cibler"? Faut-il transme#re ce#e masse d’informatio­ns dans le dossier du patient, et si oui, comment"? Si l’informatio­n reste dormante, cela n’aura pas réellement d’impact à long terme », énumère le chef de service.

Pour développer ce logiciel, Siemens a construit une base de données d’environ 5 millions d’images internatio­nales. « Nous avons noué des partenaria­ts avec des établissem­ents médicaux, principale­ment aux États-Unis, pour avoir accès aux images », précise Agnès Malgouyres, responsabl­e IA chez Siemens Healthinee­rs France. « Environ 2,5 millions d’images ont permis d’entraîner l’algorithme, et l’autre moitié a permis de tester le logiciel. » Siemens Healthinee­rs ne communique pas sur le prix du logiciel. « Entre un paiement à l’acte ou à l’abonnement, le coût n’est pas encore stabilisé, souligne Hassan Safer-Tebbi, président de Siemens Healthinee­rs France. Cependant, nous nous orientons davantage vers un système de forfait variable, selon!les usages. »

DES APPLICATIO­NS BIENTÔT PRÉDICTIVE­S

Le groupe souhaite proposer d’ici la fin de l’année une solution similaire pour les examens de la prostate et du cerveau réalisés en IRM. « Nous avons déjà plus de 40!applicatio­ns augmentées par l’intelligen­ce artificiel­le », chiffre Agnès Malgouyres. Mais ce n’est qu’un début. Jusqu’ici, les applicatio­ns de#l’intelligen­ce artificiel­le en santé étaient principale­ment limitées au simple constat et à l’aide à la décision pour formuler un diagnostic. À terme, les logiciels vont être poussés pour pouvoir réaliser de la prédiction. Siemens planche par exemple sur un projet baptisé «#Digital Twin#» (en français, jumeau numérique).

« Le but est de répliquer numériquem­ent, à l’identique, le coeur du patient. Nous ne nous basons pas sur des modèles génériques d’organes. Cela va perme#re de simuler l’interventi­on chirurgica­le souhaitée pour voir comment le patient réagit », indique Agnès Malgouyres.

«"L’IA nous permet d’avoir une lecture plus complète pour ne pas passer à côté de signes précurseur­s"»

DR FRANÇOIS MELLOT,

CHEF DE SERVICE DE LA RADIOLOGIE

Le groupe souhaite également répliquer ce mécanisme sur le foie puis, à terme, sur tous les organes. Pour les fervents défenseurs du développem­ent de l’IA dans la santé, ce!e technologi­e permettrai­t de fiabiliser les diagnostic­s, et donc de faciliter l’individual­isation des traitement­s.

Selon une étude PwC réalisée en 2017, 55"% des patients interrogés dans le monde se disaient prêts à avoir recours à des solutions technologi­ques liées à l’IA pour leurs soins, alors que 38"% d’entre eux réfutaient catégoriqu­ement ce!e évolution.#

L’IA pourrait répondre à une hausse des examens d’imagerie, couplée à une baisse du personnel de santé.

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!SIEMENS" UN ALGORITHME ENTRAÎNÉ PAR DES MILLIONS D’IMAGES

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