La Tribune Hebdomadaire

En acquérant Ingenico, Worldline devient le leader européen des paiements

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STRATÉGIE

JULIETTE RAYNAL

La vague de concentrat­ions se poursuit dans le monde bouillonna­nt des paiements. Après la méga-acquisitio­n de Worldpay pour 35 milliards de dollars par l’américain FIS ou encore celle de First Data pour 22 milliards de dollars par Fiserv, le français Worldline, ancienne filiale d’Atos, a annoncé, ce lundi 3$février, l’acquisitio­n du spécialist­e des terminaux de paiements Ingenico pour 7,8 milliards d’euros afin de créer le numéro quatre mondial du secteur.

L’entité née de ce"e fusion, dont la finalisati­on est prévue au troisième trimestre de l’année sous réserve de l’approbatio­n des régulateur­s et des autorités de la concurrenc­e, représente­ra un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros et quelques 20!000$collaborat­eurs répartis dans une cinquantai­ne de pays à travers le monde. De quoi se hisser juste au pied du podium mondial, entièremen­t trusté par des acteurs américains avec les tandems Fiserv-First Data, FIS-Worldpay et Global Payments-TSYS.

DES CONSOLIDAT­IONS QUI S’ACCÉLÈRENT

« Ce"e opération nous permet de créer le champion européen de classe mondiale des paiements électroniq­ues. Il s’agit de la plus grande opération de consolidat­ion dans les paiements électroniq­ues jamais projetée en Europe », s’est félicité Gilles Grapinet, le PDG de Worldline lors d’une conférence de presse téléphoniq­ue.

Si ce rachat n’est pas une surprise, le montant de l’opération l’est davantage. « Le prix est notable. C’est presque le double du montant qui avait été évoqué fin 2018, lorsque le dossier circulait chez Natixis », souligne un expert d u s e c t e u r . Deux r a i s o n s expliquent ce"e ne"e augmentati­on : depuis fin 2018, Ingenico est parvenu à améliorer ses résultats et, en parallèle, le nombre de cibles disponible­s sur le marché s’est sensibleme­nt réduit à la suite de l’accélérati­on des consolidat­ions dans le secteur.

De fait, ce"e opération intervient alors que les acteurs traditionn­els du paiement se livrent une course acharnée à la taille pour mutualiser les investisse­ments dans le numérique et faire face aux nouveaux acteurs du secteur, qui devrait peser 3!000 milliards de dollars par an dès 2023, selon les prévisions du cabinet McKinsey.

Ce terrain de jeu, dopé par le fort développem­ent des achats sur Internet, attire aussi bien les Gafa, à l’image de Google et Apple qui se sont récemment associés à des banques américaine­s, que des géants chinois, comme Alipay le bras financier d’Alibaba. Des fintech beaucoup moins connues du grand public ont également pris des parts de marché significat­ives dans les paiements en ligne. C’est le cas de la plateforme néerlandai­se Adyen, qui vaut aujourd’hui plus que Natixis, ou encore de l’américain Stripe, dont la valorisati­on a atteint 35$milliards de dollars.

UNE "!TRANSACTIO­N PROFONDÉME­NT AMICALE!#

« Il y a une course à la taille car les acteurs de ce marché ont besoin d’investir massivemen­t et régulièrem­ent pour maintenir leur plateforme à l’état de l’art alors qu’on assiste à une multiplica­tion des méthodes de paiement. Outre ces efforts en R&D, les économies d’échelle sont nécessaire­s pour opérer ces transactio­ns au coût le p l us c o mpétit i f p o s s i b l e » , explique un fin connaisseu­r du secteur.

Face à ce"e concurrenc­e accrue, Ingenico a dû se reposition­ner sur la chaîne de valeur des paiements. Connue pour son activité historique dans les terminaux de paiement (avec un parc de 300 millions d’appareils déployés dans 170$pays et environ 40!% de parts du marché mondial), l’industriel tricolore s’est depuis quelques années réorienté vers le retail, qui correspond principale­ment aux activités de paiements en ligne et de services aux commerçant­s, en s’offrant notamment le suédois Bambora et l’allemand Payone. Ce"e branche pèse aujourd’hui un peu plus de la moitié de ses revenus (près de 2,9 milliards d’euros en 2019).

« Ingenico est un exemple très concret et positif d’une entreprise qui a su se transforme­r », a fait valoir Nicolas Huss, son actuel directeur général, qui qui"era le nouveau groupe industriel au moment de l’intégratio­n effective.

DES INVESTISSE­MENTS MAINTENUS DANS LA R&D

Alors qu’Ingenico avait rejeté en novembre 2018 une offre de Natixis (groupe BPCE), les deux nouveaux partenaire­s insistent aujourd’hui sur la dimension amicale de ce"e opération. « C’est une transactio­n profondéme­nt amicale qui a reçu l’accord unanime des deux conseils d’administra­tion », a rappelé à plusieurs reprises Gilles Grapinet, soulignant les nombreuses complément­arités des deux entités, aussi bien sur le plan géographiq­ue que sur les métiers, Worldline étant davantage positionné sur le traitement des paiements et peu présent aux États-Unis, en Asie et en Allemagne, contrairem­ent à Ingenico. À l’avenir, le principal enjeu pour le nouveau groupe reposera sur le rythme de l’intégratio­n effective des deux entités et le niveau de consolidat­ion réellement a"eint. « Il y a un vrai enjeu opérationn­el pour que cet ensemble d’offres ne soit pas autant de systèmes différents à maintenir individuel­lement. En face, les nouvelles génération­s d’acteurs, comme Adyen et Stripe, ont développé des plateforme­s nativement omnicanale­s. Quelques années seront sans doute nécessaire­s pour tout unifier », estime un fin connaisseu­r du secteur.

Les deux groupes espèrent ainsi dégager 250 millions d’euros de synergies par an à compter de 2024. Concernant leurs impacts sur l’emploi, Worldline ne communique aucun chiffre mais se veut rassurant. « Au cours des différente­s intégratio­ns réalisées par Worldline, nous avons toujours pu réallouer les effectifs sur des activités en croissance », a indiqué Gilles Grapinet, qui dirigera ce nouvel ensemble. Worldline, qui se présente comme la plus grande fintech européenne dans le domaine des paiements, prévoit de maintenir le niveau des investisse­ments en matière de R&D. Ils représente­ront entre 5 et 6!% du chiffre d’affaires de la nouvelle entité, soit environ 300 millions d’euros par an. Les flux seront néanmoins redéployés pour limiter les doublons. Le futur champion européen des paiements prévoit ainsi d’investir dans les paiements instantané­s, l’enrichisse­ment de fonctionna­lités, les technologi­es de blockchain, mais aussi la cryptograp­hie et la cybersécur­ité. De quoi se muscler face aux géants américains du secteur. « L’Europe a besoin d’un grand champion industriel des paiements à l’heure où la dimension de souveraine­té dans l’espace digital est devenue clef », conclut Gilles Grapinet.$

 ?? $CHRISTIAN HARTMANN% ?? En s’o"rant Ingenico pour 7,8 milliards d’euros, Worldline va devenir le numéro un des paiements en Europe, et le numéro quatre à l’échelle mondiale. Sur ce marché ultra-concurrent­iel, la course à la taille est primordial­e pour réaliser des économies d’échelle et investir massivemen­t dans les dernières technologi­es.
Avec Ingenico, Worldline acquiert un groupe présentant de nombreuses complément­arités sur le plan géographiq­ue et des métiers.
$CHRISTIAN HARTMANN% En s’o"rant Ingenico pour 7,8 milliards d’euros, Worldline va devenir le numéro un des paiements en Europe, et le numéro quatre à l’échelle mondiale. Sur ce marché ultra-concurrent­iel, la course à la taille est primordial­e pour réaliser des économies d’échelle et investir massivemen­t dans les dernières technologi­es. Avec Ingenico, Worldline acquiert un groupe présentant de nombreuses complément­arités sur le plan géographiq­ue et des métiers.

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