La Tribune Hebdomadaire

Les géants de la tech accusés d’exploiter des enfants dans les mines de cobalt

RDC Avec le dépôt d’une plainte à Washington contre Apple, Google, Microsoft, Tesla et Dell, la lutte contre le travail de gamins âgés de 3 à 17 ans prend de l’ampleur. Son issue va aussi dépendre de la capacité de l’État congolais à s’attaquer à la racin

- PAR MAIMOUNA DIA

La pression exercée jusqu’ici sur les multinatio­nales utilisant le cobalt extrait par des enfants en République démocratiq­ue du Congo (RDC) s’est révélée inefficace. Le 15 décembre dernier, l’Internatio­nal Rights Advocates (IRAdvocate­s) passe à la vitesse supérieure et dépose une plainte devant un tribunal à Washington contre Apple, Google, Microso%, mais aussi Tesla et Dell pour exploitati­on des enfants dans des mines de cobalt en RDC.

« Cette plainte courageuse met en exergue le paradoxe du progrès technologi­que et le déséquilib­re de la répartitio­n des richesses dans la chaîne d’approvisio­nnement de certaines matières premières intervenan­t dans la fabricatio­n des appareils, machines et instrument­s symboles de ce progrès technologi­que, dont ici le cobalt de la RDC », explique Ely Katembo, membre de Congo World Foundation (CWF) pour le développem­ent durable.

DOUZE HEURES DE TRAVAIL PAYÉES 1 DOLLAR

La plainte de 79 pages, déposée au nom de 14 plaignants, porte principale­ment sur quatre chefs d’accusation. Ils font valoir des allégation­s de travail forcé d’enfants, d’enrichisse­ment injuste, de négligence dans la supervisio­n de la chaîne de valeur et d’administra­tion intentionn­elle de détresse émotionnel­le. Déjà, dans un rapport publié en 2015, Amnesty Internatio­nal me"ait en cause la responsabi­lité des Gafa. L’ONG a révélé qu’en RDC les enfants âgés de 3 à 17$ ans extrayaien­t, triaient, nettoyaien­t, broyaient et transporta­ient du cobalt, pour être ensuite payés par les négociants au sac de minerai. « Ce!e exploitati­on est une forme d’esclavage des temps modernes qui doit s’arrêter », s’indigne l’analyste économique congolais Al Kitenge. En 2014, l’Unicef avait estimé que 40#000 enfants travaillai­ent dans les mines au sud de la RDC, principale­ment dans l’extraction du cobalt, pour une durée moyenne de 12 heures par jour payé 1 à 2 dollars. Les nombreuses critiques ont poussé plusieurs entreprise­s, dont Samsung, Apple, Sony et HP à mener des actions pour un cobalt plus éthique, en rejoignant notamment l’initiative du cobalt responsabl­e (Responsibl­e Cobalt Initiative, RCI), en faveur d’une plus grande transparen­ce de la chaîne d’approvisio­nnement. Toutefois, les spécialist­es s’accordent sur la complexité de la création d’une chaîne de traçabilit­é pour un minerai à raffiner tel que le cobalt. Toute création réussie d’une chaîne d’approvisio­nnement de cobalt plus éthique à partir de la RDC, où 60#% de la production mondiale est extraite, dépendra en grande partie de la volonté des autorités locales.

SÉVIR CONTRE LES ENTREPRISE­S ARTISANALE­S

En RDC, ces enfants travaillen­t pour payer leur scolarité et subvenir aux besoins de leurs familles. Le Code de protection de l’enfance de 2009 garantit le droit à un enseigneme­nt primaire gratuit et obligatoir­e pour tous les enfants du pays (90 millions d’habitants). Faute de moyens, la plupart des écoles exigent une contributi­on mensuelle, ou « minerval ». Celle-ci couvre notamment les salaires des enseignant­s, les uniformes et le matériel pédagogiqu­e. « Chaque enfant dans une mine est un aveu d’échec et contribue négativeme­nt à l’image de l’industrie d’exploitati­on [...] des minerais », affirme Tiar Nda-Ngye, coordinate­ur de Clean Cobalt Initiative (3C). Aujourd’hui, pour sortir ces enfants des mines de cobalt, « l’État congolais doit sévir contre les exploitati­ons artisanale­s, sécuriser les zones d’exploitati­on, soutenir et développer les exploitati­ons semi-industriel­les, encadrées, sérieuses, équipées…», préconise Al Kitenge.

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!REUTERS" La plupart des enfants employés dans les mines travaillen­t pour payer leur scolarité et aider leur famille.

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