La Tribune Hebdomadaire

Hervé Carré, constructe­ur de dialogues

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Dénouer les conflits, c’est son métier. Le président de l’Associatio­n des médiateurs des collectivi­tés territoria­les organise à Angers le congrès internatio­nal Médiations 2020. Et entend s’inspirer de la diversité des pratiques ailleurs dans le monde pour faire évoluer le secteur, foisonnant en France.

Il a la voix posée de ceux pour qui «!il est préférable d’offrir un espace-temps plutôt que de se laisser enfermer dans le conflit!» . Pour Hervé Carré, l’effet d’aubaine survient en 2014 lorsque Christophe Béchu, maire d’Angers, le sollicite pour occuper le poste de médiateur de la ville devenu vacant. «#Faute de qualificat­ion profession­nelle en médiation, ma notoriété locale et mon parcours profession­nel ont crédibilis­é ma capacité à exercer cette fonction », explique-t-il. Pas pour tout le monde. Ses anciens camarades du Parti socialiste ont du mal à digérer son «"changement de rive"», lorsque l’ex-adjoint au maire socialiste d’alors, JeanClaude Antonini, quitte le PS pour rejoindre la liste UMP de Christophe Béchu lors des municipale­s de 2008. Période mouvementé­e, aujourd’hui apaisée, pour cet acteur politique qui concilie développem­ent stratégiqu­e des collectivi­tés et défense des citoyens.

COMPRENDRE LES RESSORTS DE CHACUN

Autodidact­e, formé à l’école de la rue «!à une époque où il était encore possible d’entamer des discussion­s dans les quartiers d’Angers ou de Melun-Sénart!», l’éducateur fonde son entreprise,devientcon­sultantaup­rès de services de prévention spécialisé­e. Il mène une grande partie de sa carrière au contact des services sociaux et médicosoci­aux, des personnes handicapée­s ou en difficulté. «!Mais la médiation ne s’improvise pas!», observe celui qui a été, en même temps qu’à la mairie d’Angers, appelé par le conseil départemen­tal du Maine-etLoire.Unmi-tempsdansc­haque collectivi­té où lui parviennen­t, chaque année, 150"dossiers de médiation à traiter. Pour des contestati­ons d’amendes, des partages de territoire­s entre espace public et privé, des factures estimées indues pour l’un, des questions liées au RSA (revenu de solidarité active) ou à l’APA (allocation personnali­sée d’autonomie) pour l’autre. «!Il faut favoriser le dialogue. Comprendre les ressorts de chacune des parties et trouver un accord sur le désaccord… L’échange contradict­oire peut perme$re de sortir d’une situation par le haut. Une notion qui n’était pas inscrite dans la culture de l’administra­tion, où la reconnaiss­ance du droit à l’erreur amène des réponses au citoyen et une améliorati­on de la qualité du service. Et c’est vrai aussi dans les entreprise­s », indique celui qui est passé par l’Institut de la gestion publique et du développem­ent économique (IGPDE) au ministère des Finances et par le Cnam des Pays de la Loire pour acquérir les ficelles de la médiation.

SOCLE ÉTHIQUE

Apparue dans les années 19601970 autour des conflits conjugaux et familiaux, la médiation s’est véritablem­ent développée en France depuis une dizaine d’années dans les domaines social, administra­tif, judiciaire, de consommati­on, dans la famille et jusque dans l’entreprise. «! Elle est devenue ascendante et foisonnant­e. Insuffisam­ment structurée et malgré tout peu visible, elle se heurte à des enjeux de formation, de déontologi­e et de modèle économique!» , égrène Hervé Carré, élu en 2018 président de l’Associatio­n des médiateurs des collectivi­tés territoria­les (AMCT) à l’origine du premier congrès internatio­nal Médiations 2020 organisé à Angers du" 5" au 7 février. Plus de 500"experts du monde entier s’y sont retrouvés pour détailler leurs pratiques. « L’engouement pour les réseaux de médiateurs montre qu’il s’agit d’un vrai sujet de société. Il est essentiel de s’inspirer des pratiques internatio­nales. Même si les méthodes sont très diverses en Libye, en Irak, au Québec ou en Chine, il existe un socle éthique et déontologi­que commun sur lequel nous devons capitalise­r pour fabriquer des solutions durables. On ne peut pas fonder l’arbitrage sur le droit seulement. » Désireux d’humaniser un monde où, à Singapour, à Montréal et en France, émergent des plateforme­s d’intelligen­ce artificiel­le revendiqua­nt un taux de satisfacti­on de 70$% dans la résolution de conflits, Hervé Carré s’interroge": «!Faut-il se méfier d’une IA qui viendrait contrarier les tentatives de dialogue et confier la gestion des conflits complexes à des informatic­iens sans introduire un minimum de principes déontologi­ques#?!» Ou comment trouver un accord sur un désaccord…"

FRÉDÉRIC THUAL «#La médiation se heurte à des enjeux de formation, de déontologi­e et de modèle économique#»

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