La Tribune Hebdomadaire

Quel scénario d’avenir pour Photonis!?

REBOND Après avoir bloqué la vente de la pépite technologi­que française à un groupe américain, le gouverneme­nt planche sur une solution de reprise tricolore.

- MICHEL CABIROL

Quel avenir pour Photonis dès lors que l’État a mis son veto à la vente de cette pépite française à un groupe américain!? Au-delà d’un signal clair au marché (les technologi­es stratégiqu­es françaises sont protégées), les regards se tournent logiquemen­t vers Safran et Thales, qui avaient été sollicités cet automne. Ces deux fleurons de l’aéronautiq­ue française avaient alors décliné l’offre. « On va les travailler au corps et il ne faut pas préjuger de ce travail au corps », soulignait-on la semaine dernière dans l’entourage de Florence Parly, la ministre des Armées, qui a l’intention de revenir à la charge. Selon nos informatio­ns, Safran et Thales restent prêts à prendre des participat­ions minoritair­es aux côtés d’un ou de plusieurs investisse­urs majoritair­es. Mais pas à ce niveau de valorisati­on qu’ils jugent bien trop élevé au regard de l’ende#ementimpor­tantdePhot­onis,selon des sources concordant­es. Le ministre de L’Économie Bruno Le$Maire a d’ailleurs demandé mercredi 4 mars à Thales d’étudier un rachat de Photonis!: « Nous avons une part du capital dans Thales. Je pense qu’il faut engager la discussion pour voir si une reprise est possible », a-t-il expliqué sur BFM Business.

SAFRAN ET THALES SUR LA DÉFENSIVE

Les deux groupes avaient répondu négativeme­nt à cette demande, notamment Thales qui est client de Photonis (Safran préférant s’approvisio­nner en grande partie avec d’autres technologi­es) : ils estimaient à l’automne qu’il n’était pas souhaitabl­e de verticalis­er un sous-traitant. Car il existe le risque pour ce fournisseu­r de se couper de ses autres clients maîtres d’oeuvre. En outre, les deux industriel­s grinçaient des dents à l’idée de gérer des activités dans le portefeuil­le de Photonis loin de leurs préoccupat­ions. C’est toujours le cas et c’est ce que le ministère des Armées avait compris et accepté, avait-on expliqué alors à La Tribune. Safran et Thales sont donc à nouveau sur la défensive sur ce dossier. Pour plusieurs raisons. Ils craignent que l’État se défile une fois lancées les discussion­s avec Ardian, le fonds propriétai­re de Photonis. Surtout, ils sont inquiets du silence du gouverneme­nt sur l’identité de l’actionnair­e majoritair­e de ce#e PME. « C’est cela qui est vraiment perturbant », souligne-t-on à La Tribune. La banque publique

Bpifrance, qui a jusqu’ici fait la sourde oreille sur ce sujet, va être elle aussi sollicitée. « On regarde dans quelle mesure Bpifrance peut prendre un ticket mais, de toute façon, la banque ne bouclera pas le tour de table à elle toute seule », explique-t-on à La Tribune. Ainsi, trois actionnair­es minoritair­es de ce type pourraient très certaineme­nt faciliter et a#irer des industriel­s ou des fonds français (PAI par exemple!?). Très investi, le ministère des Armées continue de chercher des industriel­s français pour reprendre Photonis. En outre, chez Safran, on a toujours en travers de la gorge deux décisions récentes de la Direction générale de l’armement (DGA) : ce#e dernière a sélectionn­é des équipement­s israéliens (lune#es optronique­s et robots mules) alors que Safran Electronic­s & Defense était aussi en compétitio­n. C’est le belge OIP Sensor Systems et

«#Nous avons une part du capital dans Thales. Il faut engager la discussion pour voir si une reprise est possible#»

BRUNO LE MAIRE,

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

l’allemand Telefunken Racoms (3!000 lune#es optronique­s), en réalité les faux nez de l’israélien Elbit, ainsi que Roboteam (robots mules) qui ont été au final sélectionn­és. Résultat, explique-t-on pour le manque d’enthousias­me sur le dossier Photonis, « il a manqué des preuves d’amour » de la part du ministère.

À défaut d’une solution rapide, Bruno Le Maire peut nationalis­er Photonis de façon temporaire, le temps de trouver une solution pérenne. Le ministre de l’Économie l’a bien fait pour STX en 2017 afin de « continuer à négocier avec Fincantier­i ». Enfin, dernière solution, Ardian met son projet de vente de Photonis au frigo. Ce qui serait « la solution optimale » tant pour le gouverneme­nt que pour

Safran et Thales. Mais pas pour Ardian, qui était sur le point de toucher un pactole…

EN ATTENTE D’UN FONDS SOUVERAIN FRANÇAIS

Ce n’est pas nouveau, mais le dossier Photonis a une nouvelle fois révélé l’absence d’un fonds souverain pour protéger la base industriel­le et technologi­que de défense française et renforcer le capital des pépites hexagonale­s. D’autant que la banque publique Bpifrance ainsi que l’Agence des participat­ions de l’État (APE) ont été absentes et silencieus­es sur ce dossier. Bruno Le Maire doit passer la deuxième sur son projet « Silver Lake », « Lac d’argent » en français. Mubadala, le fonds souverain d’Abu Dhabi, va investir 1 milliard d’euros dans un projet de fonds d’investisse­ment français, opéré par Bpifrance, a annoncé fin février le ministre de l’Économie. Il a vocation à terme à atteindre une dizaine de milliards d’euros. Mais il est temps de joindre les actes à la parole… L’Agence de l’innovation de défense (AID) souhaite également lancer un fonds, doté de 500 millions d’euros. Les industriel­s de la défense français ont été sollicités pour abonder ce fonds mais ils ont décliné, selon des sources concordant­es. Ils l’ont même récemment expliqué à la DGA et à l’AID!: pas question de faire du private equity via ce fonds. Ce n’est pas leur rôle, ont-ils précisé. Il est vrai qu’ils ont déjà leur outil à l’image de Safran avec Safran Corporate Ventures.$

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!ISTOCK" Le ministère des Armées continue de chercher activement des industriel­s français susceptibl­es de reprendre Photonis, l’un des leaders mondiaux dans la technologi­e de vision nocturne.

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