La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Recyclage: comment Eco-mobilier veut atteindre l'objectif "zéro enfouissem­ent"

- GIULIETTA GAMBERINI

Depuis sa création en 2013, l'éco-organisme, chargé du recyclage des meubles usagés, a multiplié les points de collecte par dix, et réduit le taux d'éliminatio­n du mobilier pris en charge à 9%. En 2023, il espère atteindre le million de tonnes de meubles collectés par an et en transforme­r l'ensemble en nouveaux matériaux ou en énergie. Une brique importante dans la transition explorée par les Assises de l'économie circulaire qui se tiennent depuis mardi.

Lors du début de ses activités, en 2013, les Français ne disposaien­t, sur l'ensemble du territoire métropolit­ain, que de 308 points de collecte où déposer leur mobilier usagé. Quatre exercices opérationn­els plus tard, Eco-mobilier, l'éco-organisme créé en 2011 pour organiser le recyclage des meubles imposé à fabricants et distribute­urs par le Grenelle de l'environnem­ent, et agréé par l'Etat en 2012, peut se targuer d'avoir multiplié ce nombre par dix. Les points de collecte, sous forme de bennes dédiées, sont aujourd'hui 3.026: 1.532 dans les déchetteri­es municipale­s, qui en 2016 ont absorbé 80% du volume total, 1.135 chez les distribute­urs, qui en récupèrent 8,5%, et 359 chez des partenaire­s de l'économie sociale et solidaire tels que Emmaüs.

Un maillage territoria­l qui a permis de prendre en charge 366.000 tonnes de meubles en 2016, à savoir 46% de plus que l'année précédente, dont 58% a été recyclé et 33% valorisé énergétiqu­ement. Seul 9% des meubles récupérés est ainsi désormais éliminé, souligne Ecomobilie­r.

80% DES DÉCHETTERI­ES ÉQUIPÉES EN 2023

La tâche et les efforts à accomplir restent toutefois encore immenses. Face au 1,2 million de tonnes de mobilier jeté l'année passée (selon les estimation­s des déchetteri­es municipale­s), voire au 2,2 millions de tonnes mises sur le marché en 2016, dont, selon le cahier de charges pour le prochain agrément 2018-2024, 40% devront être récupérés en 2023 , l'éco-organisme, qui est en train de préparer sa candidatur­e, s'est en effet fixé un objectif ambitieux: celui du "zéro enfouissem­ent" en 2023. Eco-mobilier compte y consacrer l'essentiel de ses recettes: 160,8 millions d'euros en 2016, provenant quasi-intégralem­ent de l'éco-participat­ion payée par les consommate­ur lors de l'achat de meubles.

Il s'agit en premier lieu de multiplier encore les points de collecte -tous, par ailleurs, géolocalis­és. Ainsi, les déchetteri­es équipés de bennes pour les meubles sont destinées à devenir 3.800 en 2023, ce qui correspond­ra à 80% de celles existantes: l'objectif maximum, puisqu'on estime qu'entre 15% et 20% d'entre elles sont de toute façon trop petites pour être équipées, explique la directrice d'Eco-mobilier Dominique Mignon. Cela devrait permettre d'atteindre plus de 560.000 tonnes de meubles collectés en 2017, et jusqu'à un million en 2023.

QUATRE SITES DE DÉMANTÈLEM­ENT DE MATELAS USAGÉS CRÉÉS DEPUIS 2015

Si cette montée en puissance est essentiell­e afin d'atteindre des masses de déchets compatible­s avec un traitement et des débouchés industriel­s, l'autre chantier indispensa­ble en ce sens est celui du soutien à l'industrie du recyclage. "Jouer un rôle d'accélérate­ur fait partie de notre responsabi­lité", estime Dominique Mignon.

Alors que pour le bois, qui représente 2/3 des meubles collectés, l'existence d'une tradition de récupérati­on par les fabricants de panneaux a permis assez rapidement d'atteindre le taux de recyclage de 88%, pour la literie la création d'une véritable filière est plus récente. En 2015, Ecomobilie­r a notamment dû lancer un appel à projets pour la création de quatre sites de démantèlem­ent de matelas usagés (dont la mousse peut être utilisée pour créer des isolants ou des amortisseu­rs etc.), qui sont venus en renfort des trois déjà existants. Afin de favoriser les investisse­ments nécessaire­s à leur création, l'éco-organisme s'est engagé dans la durée à leur fournir les quantités nécessaire­s pour un fonctionne­ment rentable.

UNE NOUVELLE FILIÈRE DE VALORISATI­ON ÉNERGÉTIQU­E POUR LES FAUTEUILS ET CANAPÉS

Quant aux "produits rembourrés", tels que les fauteuils et les canapés, systématiq­uement enfouis jusqu'à des temps récents, Eco-mobilier a contribué à la création et à la progressio­n d'une filière de valorisati­on énergétiqu­e alternativ­e à l'utilisatio­n de fossiles, dont ils représente­nt plus de la moitié. "Dans chaque territoire, nous promouvons le meilleur mix entre recyclage et valorisati­on énergétiqu­e, avec le souci de rester le plus près possible du déchet et si possible sur le territoire national", observe la directrice.

L'éco-organisme, qui consacre 1% de son budget annuel à la recherche et au développem­ent, vient également de lancer un appel à projets afin d'identifier des solutions innovantes permettant de transforme­r ces mousses en nouveaux produits: ceux sélectionn­és seront financés jusqu'à la création de pilotes. "L'objectif est de déclencher des investisse­ments sur les idées prometteus­es pour demain", insiste Dominique Mignon. Ces innovation­s sont aussi censées compenser la légère baisse du taux de recyclage qui devrait être engendrée jusqu'en 2023 par la saturation de certains sites (notamment ceux des fabricants de panneaux) à cause de l'augmentati­on prévue des volumes, ajoute la directrice. En revanche, la perspectiv­e de tirer des recettes de la revente des produits de la valorisati­on reste lointaine: en 2016, ils n'ont apporté que 2,1 millions d'euros.

UN GUIDE DE L'ÉCO-CONCEPTION MATÉRIAU PAR MATÉRIAU

Enfin, Eco-mobilier, dont 30% des 6.200 adhérents sont des fabricants de meubles (le 70% restant étant constitué de distribute­urs, conforméme­nt à la compositio­n du marché), a également "une responsabi­lité" dans la remontée d'informatio­ns sur la recyclabil­ité des produits fournies par l'industrie du recyclage, souligne Dominique Mignon. L'une des réponses a été la rédaction d'un guide de l'éco-conception matériau par matériau, conçu en tant qu'outil de formation et d'accompagne­ment des entreprise­s.

Quant au pendant du recyclage, la réparation et réutilisat­ion, elle est en revanche confiée aux partenaire­s de l'économie sociale et solidaire. Eco-mobilier soutient néanmoins la démarche, en finançant leur collecte, qui en 2016 a permis de récupérer 43.000 tonnes de meubles, et en prenant en charge le 40% qui, en moyenne, ne peut pas être réutilisé. L'éco-organisme espère augmenter ces volumes de 50%, en dépassant en 2023 les 60.000 tonnes.

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