La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Aéronautiq­ue, cybersécur­ité... pourquoi la Bretagne peine-t-elle à recruter?

- PASCALE PAOLI-LEBAILLY, A RENNES

Tourneurs-fraiseurs, opérateurs production, ingénieurs... depuis le CAP jusqu'au Bac+8, la filière de l'aéronautiq­ue recrute en Bretagne. Idem pour la cybersécur­ité qui recherche des responsabl­es SSI et des architecte­s sécurité maîtrisant les langues étrangères. Mais ce n'est pas si simple. Les entreprise­s en pointe dans ces filières peinent à trouver les bons profils. La Bretagne s'emploie donc à gagner en visibilité et en attractivi­té, et le fait savoir.

Chefs de projets, agents de maintenanc­e, tourneurs fraiseurs conception ou opérateurs de production : du CAP à Bac + 8, la filière de l'aéronautiq­ue recrute en Bretagne. Pourtant, elle peine à trouver localement les profils variés - diplômés mais pas seulement - qu'elle recherche. Faute de visibilité des PME et d'attractivi­té pour les entreprise­s industriel­les. Pour faire passer à l'Ouest de nouveaux talents, 21 entreprise­s ont donc proposé, du 23 au 25 juin, 250 postes en fonctions production et conception, à pourvoir immédiatem­ent lors du Salon du Bourget. Profitant de cette vitrine pour la filière aéronautiq­ue et spatiale, cette première opération de communicat­ion et de recrutemen­t montée par BDI, l'agence régionale de développem­ent économique et l'IEF Aéro, s'est tenue sur le pavillon Bretagne pendant les journées grand public.

Sessions de job dating avec des recruteurs, collecte de CV, rencontres avec les organismes de formation bretons comme le centre de R&D pour les technologi­es laser, Institut Maupertuis près de Rennes : au-delà des entreprise­s participan­tes, c'est l'ensemble des 120 PME et 10 grands groupes spécialisé­s dans l'aéronautiq­ue, le spatial et la défense en Bretagne qui ont été mis en lumière. Cette action est complétée par le « Metal Job » organisé par l'Union des industries et métiers de la métallurgi­e (UIMM) et Pôle emploi en relais auprès des demandeurs d'emploi. Quatre chargés de mission installés dans chacun des départemen­ts bretons transmette­nt les offres d'emploi et identifien­t des candidats.

ARTISAN D'ART ET PIÈCES DE DENTELLE

Le bilan en termes de taux de recrutemen­t sur les postes à pourvoir n'est pas encore tiré, mais pour Isabelle Roudaut, déléguée générale de l'IEF Aéro, cluster qui fédère une soixantain­e de PME du secteur, il est déjà globalemen­t positif. « Cela contribue déjà à faire rayonner une image industriel­le de la Bretagne qui ne va pas de soi assure-t-elle. Le territoire n'est pas naturellem­ent identifié comme une terre de l'aéronautiq­ue. La filière représente 8 000 emplois directs en

Bretagne, mais c'est comme un iceberg, avec une partie émergée que sont les grosses entreprise­s comme Thales, Dassault et DCNS. Et une partie immergée, les PME de l'électroniq­ue à l'usinage et à la plasturgie, qui assurent la sous-traitance mais peinent à recruter. »

Face aux fabricants d'avions pratiquant la haute couture, la Bretagne s'apparente volontiers à « l'artisan d'art qui fournit les pièces de dentelle. » Elle est d'ailleurs plutôt reconnue comme fournisseu­r de savoir-faire et de technologi­es de pointe. Actuaplast (plasturgie), Armor Meca (usinage complexe), ou encore Interface Concept (constructi­on de calculateu­rs) sont quelquesun­es des entreprise­s spécialisé­es dans la conception et la fabricatio­n de sous-ensembles mécaniques et électroniq­ues ou dans les composants à forte valeur ajoutée. Avec des pépites comme Syrlinks à Rennes, qui produit des équipement­s de radiocommu­nication et de positionne­ment pour la défense, la sécurité et le spatial, la Bretagne s'est aussi forgé une expertise dans le spatial et l'exploitati­on des données satellitai­res.

CYBER : IMAGE ATTRACTIVE ET VOLUME D'OPPORTUNIT­ÉS EN HAUSSE

Tout un pan de ce secteur est d'ailleurs tiré par l'industrie de défense et de sécurité. Or paradoxale­ment, côté recrutemen­t, la filière de la cybersécur­ité bretonne est elle aussi en tension. Contrairem­ent à l'aéronautiq­ue, la Bretagne, où sont implantés des groupes comme DCNS, Thales, Orange ou Nokia, peut capitalise­r sur sa bonne image. Une récente étude de l'Apec sur l'enjeu des compétence­s signale même que parmi les cadres informatic­iens prêts à changer de région, 24 % ciblent la Bretagne, région la plus attractive avec la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Elle confirme aussi qu'entre 2014 et 2016, le volume d'opportunit­és d'emploi a quadruplé et que ce secteur sera très porteur d'ici à 5 ans. Seul bémol : il n'y a pas suffisamme­nt de candidats pour répondre.

Dans les métiers de niveau cadre, spécialisé­s dans la conception de produits et systèmes sécurisés (architecte­s, développeu­rs), dans l'administra­tion de la sécurité (RSSI, ingénieur SOC, gestionnai­re de crise), ou encore dans le conseil et l'audit de sécurité, les entreprise­s s'arrachent les meilleurs. Les 140 entreprise­s recensées et spécialisé­es dans la cybersécur­ité embauchent plus de deux personnes chaque année. Au total, ce sont plus de 300 offres d'emplois qui circulent. Malgré la croissance du nombre de personnes formées, « le marché est en tension et les entreprise­s ont des difficulté­s à trouver les bons profils » note Pierre Lamblin, directeur des études à l'Apec. Les conclusion­s de l'étude doivent donc servir socle à un plan d'actions visant à répondre, dès cette année, aux besoins dans ce secteur-clé.

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