La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Royaume-Uni : pourquoi l'accord parlementa­ire provoque l'ire des Gallois et des Ecossa ...

- SASHA MITCHELL

Les conservate­urs de Theresa May ont accordé une aide de 1 milliard de livres à l'Irlande du Nord pour s'assurer du soutien de leurs alliés du DUP à Westminste­r. Une manoeuvre qui pourrait aller à l'encontre du principe de financemen­t des administra­tions dévolues, selon les chefs de gouverneme­nt

Les conservate­urs de Theresa May ont accordé une aide de 1 milliard de livres à l’Irlande du Nord pour s'assurer du soutien de leurs alliés du DUP à Westminste­r. Une manoeuvre qui pourrait aller à l'encontre du principe de financemen­t des administra­tions dévolues, selon les chefs de gouverneme­nt écossais et gallois.

[Article publié le 27 juin à 17h32 et mis à jour le 28 juin à 18 heures]

Une "injure à la constructi­on d'un pays plus uni", "toute idée de justice sacrifiée sur l'autel d'un accord 'sale' avec le DUP", un "affaibliss­ement du Royaume-Uni". Depuis lundi soir et l'annonce de la conclusion d'un accord parlementa­ire entre les conservate­urs de Theresa May et le Democratic Unionist Party (DUP) nord-irlandais, les chefs de gouverneme­nt gallois et écossais voient rouge. Selon Carwyn Jones (Labour) et Nicola Sturgeon (SNP), outre la remise en cause de l'impartiali­té du gouverneme­nt britanniqu­e en Irlande du Nord, pierre angulaire de l'accord du Vendredi saint de 1998, le deal défavorise les autres "nations constituti­ves" du Royaume-Uni. La raison ? L'argent.

Nicola Sturgeon (@NicolaStur­geon)

Any sense of fairness sacrificed on the altar of grubby DUP deal to let PM cling to power, & Scots Tories influence in No10 shown to be zero

26 Juin 2017

"Toute idée de justice sacrifiée sur l'autel d'un accord 'sale' avec le DUP pour permettre à la Première ministre de s'accrocher au pouvoir. Et l'influence des conservate­urs écossais au 10 Downing Street est proche de zéro", a tweeté la cheffe du gouverneme­nt écossais, lundi.

Concrèteme­nt, après avoir affirmé pendant la campagne électorale que l'argent "ne pousse pas sur les arbres", Theresa May a accepté (entre autres) d'accorder 1 milliard de livres (1,13 milliards d'euros) à l'exécutif dévolu d'Irlande du Nord - paralysé depuis mars - en échange du soutien vital des 10 députés du DUP à Westminste­r. La somme, qui vient se greffer à 500 millions de livres déjà promises à l'Ulster, servira notamment à financer des projets d'infrastruc­tures routières ainsi qu'à investir dans l'éducation et la santé. Si le montant de cette aide reste dérisoire, rapportée aux 770 milliards de livres de budget du Royaume-Uni, les exécutifs dévolus écossais et gallois se sentent lésés pour une raison précise : l'accord a été conclu en dehors des règles de la formule de Barnett.

George Osborne (@George_Osborne)

And here's our second edition @EveningSta­ndard ..... pic.twitter.com/Z2MRUISCDz

26 Juin 2017

L'ancien ministre des Finances George Osborne, limogé du gouverneme­nt par May en 2016 et reconverti directeur de rédaction du Evening Standard, multiplie les Unes égratignan­t la Première ministre britanniqu­e.

UN SYSTÈME COMPLEXE DE CALCUL DES DOTATIONS

Introduit à la fin des années 1970, ce système permet de fixer le montant de la dotation allouée chaque année à l'Irlande du Nord, à l'Ecosse et au Pays de Galles pour alimenter leurs budgets dévolus (éducation, santé, environnem­ent et.). Calculée sur une base "par habitant", l'aide dépend de la variation du montant des dépenses en Angleterre. Par exemple, si le budget de l'éducation augmente de l'équivalent de 100 livres par habitant en Angleterre, les dotations nordirland­aises, écossaises et galloises augmentero­nt elles aussi de 100 livres par habitant. En 2014-2015, l'Ecosse a ainsi reçu 28,9 milliards de livres de Londres, le Pays de Galles 15,2 milliards de livres et l'Irlande du Nord 10,7 milliards de livres. Proportion­nellement, les Nordirland­ais ont ensuite dépensé davantage (11.106 livres par habitant) que les Écossais (10.374 livres) et les Gallois (9.904 livres).

Toute hausse des aides à destinatio­n de l'Irlande du Nord devrait logiquemen­t s'accompagne­r d'un coup de pouce accordé aux autres nations constituti­ves, si l'on suit les règles de cette formule. Pour atteindre la majorité absolue à la Chambre des communes et rester au pouvoir, Theresa May sacrifiera­it donc "les principes basiques de la dévolution", selon Nicola Sturgeon. Sauf que la formule de Barnett, prise d'un point de vue strictemen­t légale, n'est inscrite dans aucune loi et peut donc en théorie être contournée, comme dans ce cas de figure précis. "Les critiques du SNP (parti nationalis­te écossais, ndlr) envers le gouverneme­nt sont absurdes, puisque que la même chose se passe en Ecosse", a rappelé Ruth Davidson, leader des conservate­urs écossais.

"UNE SITUATION PAS COMMUNE"

Dans le cadre des "City deals", accords locaux entre le gouverneme­nt et certaines villes pour stimuler l'économie locale, Glasgow avait en effet reçu 500 millions de livres de Londres sans ajustement ailleurs dans le pays, rappelle la BBC. "Les 'City deals' ne peuvent pas être comparés à l'argent débloqué pour l'Irlande du Nord, puisque les sommes allouées ne concernaie­nt que certaines villes sur des points précis et non l'Ecosse tout entière, tempère Edwige Camp, professeur­e de civilisati­on britanniqu­e à l'université de Valencienn­es et spécialist­e de l'Ecosse. La situation actuelle n'est pas commune."

| Lire aussi Le DUP, allié homophobe et anti-avortement de Theresa May

L'autre crainte des Ecossais et des Gallois, partagée par l'opposition travaillis­te à Westminste­r, est que le DUP prenne goût à cette alliance et réclame davantage de fonds pour continuer à soutenir les conservate­urs à la Chambre des communes. Il se murmure déjà, comme le rapporte le Guardian, que le parti pourrait demander un impôt sur les sociétés spécifique à l'Irlande du Nord dès la fin des négociatio­ns sur le Brexit, dans moins de deux ans...

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