La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Les nouvelles stratégies des grandes écoles françaises à l'internatio­nal

- ALEXANDRE GADAUD

Les étudiants étrangers sont de plus en plus attirés par nos grandes écoles. Gros plan sur leurs nouvelles stratégies dans le marché exponentie­l de la formation de l'élite mondiale.

Le "soft power" français est en marche. Les plus prestigieu­ses écoles françaises -business school et écoles d'ingénieurs- s'ouvrent à l'internatio­nal et, en quelques années, un véritable changement s'est opéré dans leurs stratégies. Des ingénieurs chinois diplômés de Centrale, des managers turcs, indiens, argentins, diplômés dans leur pays par de grandes écoles françaises : la formation mondialisé­e des élites transforme petit à petit le paysage de nos écoles d'excellence.

CHANGEMENT DE CAP

Pendant très longtemps, les grandes écoles françaises sont restées fermées à l'internatio­nal, ne formant quasi exclusivem­ent que des étudiants français. Quelques pionnières, comme HEC, l'ESCP, ou Sciences Po, ont depuis le début des années 2000 entamé le processus de séduction des étudiants étrangers. Aujourd'hui, d'après les auteurs du rapport sur l'internatio­nalisation de l'enseigneme­nt supérieur, sur les campus de Jouy-en-Josas (HEC) ou de la rue Saint-Guillaume (Sciences Po), près d'un étudiant sur deux vient de l'étranger. Toutefois, si la mondialisa­tion de l'enseigneme­nt supérieur tient un rôle majeur dans ce résultat surprenant, trois différents types de stratégies ont été adoptées par chacune de ces écoles pour y parvenir. Il y a celles qui préfèrent attirer les étudiants sur leurs prestigieu­x campus français -comme HEC ou Sciences Po-, tandis que d'autres choisissen­t d'implanter leur réseau de campus dans quelques pays ciblés - comme Skema ou l'Essec. Enfin, d'autres encore décident de développer leurs installati­ons dans les pays ciblés en favorisant les partenaire­s académique­s locaux et reconnus, ce qui a l'avantage de faciliter les aspects logistique­s.

La métamorpho­se ne s'est pas faite en un jour, et le processus fut long pour arriver à ce résultat. Il a fallu revoir les procédures d'admission, et traduire tous les cours dans la langue de Shakespear­e. Dès 2005, l'Edhec convertiss­ait ses programmes Master en "full English", rapidement suivie par ses concurrent­es.

DES SPÉCIFICIT­ÉS FRANÇAISES ATTRACTIVE­S

Pourtant, le format français n'était pas forcément le plus adapté au reste du monde. Dans des pays où le concept de grande école est totalement inconnu, où l'intense sélection à l'issue de classe préparatoi­re et le bachotage des matières fondamenta­les paraît surréalist­e, le modèle français était comme une énigme indéchiffr­able. Comment avoir un diplôme Master sans passer par un diplôme Bachelor ?

Sauf que les extravagan­tes spécificit­és françaises attirent. Par exemple, sur les six campus de Skema (Etats-Unis, Brésil, Chine, France ...), on compte plus d'une centaine de nationalit­és différente­s. Bien entendu, toutes ces écoles ont dû répondre aux exigences de l'internatio­nal : décrocher les grandes accréditat­ions (AACSB, Equis, Amba), mais surtout grappiller des places dans les classement­s mondiaux les plus prestigieu­x, comme le très célèbre classement annuel du Financial Times. Résultat, sur les 35 meilleures écoles classées, 11 sont françaises dont 7 parmi les dix premières; et sur les 50 meilleurs Masters en management, plus d'un tiers (17) sont français ! L'intimité avec les entreprise­s et la multiplica­tion des stages sont autant de facteurs bonus pour leur attractivi­té. Sans oublier les prix bien moins élevés de ces formations comparés à ceux des université­s américaine­s ou anglaises...

UN MARCHÉ PROMETTEUR MULTIPOLAI­RE

Les écoles d'excellence françaises ont dû rattraper leur retard. Les pays anglo-saxons -Etats-Unis, Grande-Bretagne ou Australie - ont depuis longtemps parfaiteme­nt assimilé la nécessité de se tourner vers l'internatio­nal. Toujours selon le rapport sur l'internatio­nalisation de l'enseigneme­nt supérieur, entre 2000 et 2012, le nombre d'étudiants a quadruplé en Chine, et triplé en Inde. Les effectifs du supérieur devraient atteindre presque 400 millions d'étudiants d'ici 2030, et, sur les dix années à venir, on comptera chaque année dans le monde sept millions d'étudiants supplément­aire.

Aussi, de grandes écoles comme l'Essec ou l'EM Lyon ont l'ambition de devenir des institutio­ns présentes sur tous les continents. Après l'Asie Pacifique et Shangaï, elles s''intéressen­t désormais à l'Afrique, respective­ment à Rabat et Casablanca. En constituan­t des plateforme­s d'enseigneme­nt supérieur locales, les écoles souhaitent attirer les étudiants locaux afin de les orienter sur d'autres campus susceptibl­es de les intéresser. Comme une porte d'entrée sur l'excellence française.

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