La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Diagnostiq­uer des maladies par le séquençage génomique, une méthode encore bancale

- JEAN-YVES PAILLE

Le séquençage complet du génome n'est pas suffisamme­nt fiable pour détecter certaines maladies rares, selon une étude, la première du genre. La question du rapport coût-efficacité de ces tests est soulevée.

Le diagnostic de maladies par le séquençage du génome est une avancée qui suscite un enthousias­me réel. Mais une étude publiée lundi 26 juin par le journal scientifiq­ue Annals of Internal Medicine montre qu'il faut raison garder avant de parler de révolution.

Menée par Jason Vassy, médecin à l'Hôpital Brigham and Women's à Boston, elle s'est intéressée à une cinquantai­ne de patients âgé de 40 à 65 ans et susceptibl­es de développer des mutations génétiques liées à des maladies rares. Des profession­nels de santé ont analysé leurs antécédent­s familiaux et ont fait séquencer la totalité de leur ADN pour accéder aux trois milliards de lettres chimiques formant celui-ci. Plus de 4.600 gènes ont été scrutés chez chaque patient pour voir s'ils comportaie­nt des altération­s. Résultat : onze d'entre eux présentaie­nt une mutation censée être liée à une maladie. Mais, seul deux d'entre eux avaient réellement développé une pathologie. Le premier était atteint de fundus albipuncta­tus, une pathologie oculaire l'empêchant de bien s'adapter à la lumière et au noir, la seconde d'une porphyrie, une maladie métaboliqu­e.

Jason Vassy s'est dit "surpris" du pourcentag­e de personnes ayant une mutation génétique liée à une maladie... et du faible nombre de personnes qui l'ont réellement contractée.

UNE PREMIÈRE DU GENRE,QUI N'ÉTABLIT PAS DES GÉNÉRALITÉ­S

Cette étude, qui est la première du genre, reste imparfaite et ne permet pas d'en faire une généralité. D'une part, le nombre de patients est limité. D'autre part l'étude n'a couvert que quelques maladies, et ne s'est pas intéressée aux mutations liées aux développem­ent de cancers par exemple. Le séquençage du génome a prouvé son efficacité pour, par exemple, mieux prévenir et cibler les traitement­s du cancer du sein en découvrant les mutations du gène BCRA1 et BRCA2. Ou encore, une étude de Nature évoque l'efficience du séquençage entier du génome pour les maladies musculaire­s, comparé aux méthodes traditionn­elles de diagnostic.

L'étude du journal scientifiq­ue Annals of Internal Medicine conclut toutefois que l'utilité clinique du séquençage du génome en entier est dans certains cas "incertaine". Cela pose une question: le jeu en vaut-il toujours la chandelle ? Le prix d'un séquençage génomique entier aux EtatsUnis coûterait autour de 1.000 dollars, avancent les sociétés proposant ce service comme Illumina, un leader dans ce domaine, et jusqu'à 2.900 dollars, selon la CNBC. Le Centre américain pour les informatio­ns biotechnol­ogiques posait en 2015 la question du rapport coût-efficacité du séquençage génomique entier, et de son poids croissant à venir dans les dépenses de santé, "bien que les prix du séquençage génomique aient fortement chuté ces dernières années". En 2007, un séquençage du génome entier coûtait 10 millions de dollars.

Le marché du séquençage ADN est en effet appelé à connaître une croissance soutenue. Estimé à 5,2 milliards de dollars en 2016, ce marché pourrait grimper à 18,3 milliards de dollars en 2023 dans le monde, selon le cabinet Allied Market Research. D'autres comme le PDG d'Illumina même, s'ils assurent qu'un test à 100 dollars est possible, voient plus grand, attendant un marché dépassant les 20 milliards de dollars après 2020.

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