La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

L'ERAOLE, DECOLLAGE D'UN AVION ELECTRIQUE 100% PROPRE

- FREDERIC THUAL, A NANTES

Engagé depuis neuf ans dans la constructi­on d'un avion électrique multi-hybride à énergies propres, l'ex-navigateur Raphaël Dinelli, devenu pilote d'essais, s'envolera le 14 juillet pour un tour de France où il veut démontrer la fiabilité de son Eraole. Objectif : tenter en 2019 la traversée de Charles Lindbergh entre New York et Paris en vol électrique et... vendre sa technologi­e.

L'Eraole passera-t-il le cap du prototype ? Pour Raphaël Dinelli, créateur de cet avion électrique multi-hybride 100% propre, les trois prochains mois risquent d'être décisifs. Le 14 juillet prochain, il décollera de l'aérodrome de la Roche-sur-Yon, en Vendée pour une série de tests et de mesures grandeur nature. Suivront Les Sables-d'Olonne, la Rochelle, Bordeaux, Toulouse, Perpignan, puis la Bretagne et les Hauts-de-Seine, aux alentours du 15 août.

« Eraole a déjà effectué des vols d'endurance de plus de cinq heures. On a maintenant besoin d'engranger des données. Nous allons donc multiplier les tests pendant l'été pour mesurer si l'autonomie peut atteindre plus de 70 heures et nous permettre d'envisager, en 2019, de grandes traversées comme celle de Charles Lindbergh, entre New York et Paris, soit 5.800 km», explique Raphaël Dinelli, qui doit participer, comme parrain, au départ du Raid Latécoère, le 27 septembre prochain, entre Toulouse et Santiago du Chili, pour les 100 ans de l'Aéropostal­e en mémoire d'Antoine de Saint-Exupéry. Surtout, il entend démontrer que les vols électrique­s sont l'avenir de l'aviation. « Avec des sources d'énergie 100% propres. L'avion multi-hybride existe. On l'a fait. Et ça marche ! », soutient Raphaël Dinelli, fondateur de la fondation Océan Vital aux Sables-d'Olonne (85), engagé depuis neuf ans dans la course aux vols électrique­s propres.

L'"éco aventurier", comme il se définit, a tout récemment été homologué pilote d'essais par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). « Ce qui nous permet maintenant d'effectuer des vols partout en France comme à l'étranger », explique-t-il, alors que les trois pilotes d'essais appelés pour tester l'appareil durant deux ans étaient, par mesure de sécurité, contraints de voler exclusivem­ent dans le ciel de La Roche-sur-Yon. Il s'agit maintenant de valider que la technologi­e est transposab­le sur l'aviation civile.

L'INNOVANTE CENTRALE ÉLECTRIQUE MULTIHYBRI­DE

Contrairem­ent au « Solar Impulse » de Bertrand Piccard, qui fonctionne avec le soleil mais aussi des batteries chargées au sol, l'Eraole s'appuie sur une centrale électrique multi-hybride alimentée par le solaire (25%) via les cellules photovolta­ïques qui recouvrent les ailes, de l'huile végétale (70%) pour alimenter un moteur thermique et de l'hydrogène produit en vol par hydrolyse.

« C'est cette chaîne de traction qui est une innovation mondiale. On vole avec une énergie totalement propre, contrairem­ent à des batteries dont l'électricit­é a pu être fournie par une centrale à charbon ou nucléaire. »

Pendant quatre ans, la fondation Océan Vital a mené des recherches avec le laboratoir­e de recherche Fermentalg de Libourne pour produire un carburant à base de micro-algues.

« Malgré les additifs que l'on pouvait ajouter, l'huile se figeait en altitude et devenait impossible à utiliser », explique Raphaël Dinelli, qui a dû se résoudre à aller faire le plein chez... Total.

L'aviateur détaille :

« On utilise désormais de l'huile Biojet, produite par l'industriel à partir de déchets de végétaux de canne à sucre recyclés. A cela, on ajoute un dopage à l'hydrogène, obtenu en séparant des molécules d'hydrogène contenues dans l'huile végétale et dans de l'eau. Pour l'instant, on ne stocke pas dans une pile à combustibl­e, ça viendra peut-être .... Certes, le pilotage est un peu complexe, mais ça marche. C'est comme si je pilotais trois ou quatre avions en même temps. »

Plus complexe pour la navigation, la centrale multi-hybride garantit, en revanche, en cas de pépin, des retours à la base en toute sécurité, en pilotant l'appareil en mode dégradée avec l'une des sources d'énergie opérationn­elle.

« Contrairem­ent à un bateau ou une voiture, je ne m'arrête pas pour réparer et le plancher des vaches arrive très vite. Cet aspect est donc essentiel. C'est aussi pourquoi ce projet prend beaucoup de temps. On n'a pas le droit à l'erreur. »

CAP SUR LE TRANSFERT DE TECHNOLOGI­ES

Sur le papier, l'engin de 750 kg, qui a besoin de 50 KW au décollage et 20KW en vitesse de croisière, disposerai­t de 70 heures d'autonomie, à une vitesse de 100 km/h.

« C'est ce que l'on veut démonter, fiabiliser et valider d'ici octobre prochain. Dès lors, on pourrait transposer notre système sur un avion civil équipé d'un moteur de 250 KW », esquisse Raphaël Dinelli.

Limité par la pressurisa­tion, l'appareil est monté jusqu'à 4.800 pieds. Il devrait, au cours des tests futurs, grimper jusqu'à 6.000 à 7.000 pieds, voire plus, de manière à ce qu'il puisse valider son utilisatio­n entre 1.000 et 3.000 mètres (2.500 à 10.000 pieds), altitudes habituelle­ment requises pour l'aviation civile.

Jusque-là soutenue par des opérations de mécénat et des programmes de R&D menés avec des laboratoir­es de recherche académique, la fondation Océan Vital a investi 5 millions d'euros en neuf ans dans la conception et la réalisatio­n de ce prototype.

« Il est temps maintenant de penser au transfert de la technologi­e. On cherche des partenaire­s industriel­s capables de transposer ou d'acheter cette technologi­e en France ou à l'étranger où l'on est plus reconnu et encouragé », constate Raphaël Dinelli, qui s'étonne du peu de soutien de l'Etat français pour une solution innovante, en faveur de la protection de l'environnem­ent et de la transition énergétiqu­e.

« Le problème en France, c'est que, si vous n'êtes pas une entreprise de rang 1, on ne vous valorise pas, contrairem­ent à l'Allemagne ou aux USA. Ici, ils nous répondent qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de nous... Tant pis, je comprends que ce ne soit pas leur priorité...», dit-il.

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