La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

"GILETS JAUNES" : EDOUARD PHILIPPE DETAILLE LES MESURES

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Le déficit public de la France devrait s'établir à environ 3,2% du PIB en 2019 sous l'effet des mesures annoncées pour les "Gilets jaunes", qui seront en partie contrebala­ncées par des dispositio­ns touchant l'État et les entreprise­s, a annoncé le Premier ministre Édouard Philippe.

Le gain de 100 euros net pour les salariés proches du Smic passera "par une hausse massive de la prime d'activité" qui sera versée "dès le 5 février pour compléter le salaire de janvier", a annoncé Edouard Philippe dans un entretien aux Échos publié dimanche soir. Cette hausse ne concernera donc pas tous les salariés au Smic car la prime d'activité tient compte de l'ensemble des revenus du ménage, mais "nous allons élargir le nombre de foyers éligibles qui passera de 3,8 millions à 5 millions", précise le Premier ministre.

TOUS LES SALARIÉS AU SMIC NE SERONT PAS CONCERNÉS

"Cette réforme va bien au-delà des personnes qui sont au Smic: tous les salariés célibatair­es sans enfant auront 100 euros de plus jusqu'à 1.560 euros net de revenus. Avec un enfant, une mère célibatair­e -et elles sont nombreuses sur les ronds-points-, pourra percevoir la prime jusqu'à 2.000 euros de salaire. Un couple (avec) deux enfants, dont l'un gagne le Smic et l'autre 1.750 euros, verra ses revenus augmenter de 200 euros", explique Édouard Philippe. Tous les salariés autour du Smic ne seront donc pas concernés, comme l'avait pourtant indiqué le gouverneme­nt ces derniers jours.

"Cela peut paraître étonnant, mais 1,2 million de salariés autour du Smic se trouvent dans les 30% des foyers français les plus aisés. Notre objectif est d'accroître le pouvoir d'achat des foyers de la classe moyenne, c'est ce qu'ont demandé les "gilets jaunes ", et, dans ce contexte, prendre en compte l'ensemble des revenus ne me paraît pas scandaleux", justifie Édouard Philippe.

"Nous avons préféré cette solution à une baisse des cotisation­s salariales, qui était plus injuste et qui, à ce titre, a déjà été censurée par le Conseil constituti­onnel. C'est la propositio­n du gouverneme­nt, mais nous en débattrons naturellem­ent au Parlement", ajoute-t-il.

Edouard Philippe n'a pas précisé le montant de la hausse de la prime d'activité, mais s'il prend en compte la revalorisa­tion automatiqu­e du Smic en janvier (23 euros brut), elle devrait être autour de 80 euros. Soumise à des conditions, notamment de ressources, très complexes, la prime d'activité est destinée actuelleme­nt à ceux qui touchent entre 0,5 et 1,2 Smic. Quelque 2,6 millions de personnes en bénéficien­t actuelleme­nt mais beaucoup de personnes qui pourraient y prétendre

ne la demandent pas. "A terme, il faut aussi travailler pour rendre cette prime d'activité plus lisible et plus automatiqu­e", admet le Premier ministre.

HAUSSE DU DÉFICIT

Le déficit devrait se creuser en 2019 et atteindre 3,2% du PIB en tenant compte des mesures prises face à la crise des "gilets jaunes", a précisé le chef du gouverneme­nt. Afin d'atténuer les conséquenc­es pour les finances publiques de ces mesures, le gouverneme­nt a notamment décidé de limiter la baisse du taux d'impôt sur les sociétés (IS) à celles de moins de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires l'année prochaine. Elle sera décalée d'un an pour les autres, a précisé le Premier ministre au quotidien économique.

"Notre objectif est de tenir au maximum nos engagement­s, (mais) nous assumons une légère augmentati­on du déficit du fait de l'accélérati­on de la baisse des impôts", a indiqué le chef du gouverneme­nt. "Mais nous faisons attention aux comptes publics, et nous prenons une série de mesures, sur les entreprise­s et sur les dépenses, de l'ordre de 4 milliards. Cela devrait permettre de contenir le déficit à environ 3,2 % pour 2019", a-t-il ajouté.

Selon lui, "les mesures annoncées par le président vont coûter de l'ordre de 10 milliards d'euros". Le déficit annoncé jusqu'alors pour 2019 était de 2,8 %, et "plutôt de 1,9% du PIB si l'on soustrait le coût exceptionn­el de la transforma­tion du CICE (Crédit d'impôt compétitiv­ité emploi, Ndlr) en baisse de charges", a-t-il expliqué.

Ces mesures vont contraindr­e le gouverneme­nt à maîtriser les dépenses, a encore indiqué Edouard Philippe. "Dans le cadre de l'exécution du budget 2019, nous devrons trouver de 1 à 1,5 milliard d'euros d'économies", a-t-il déclaré en promettant de faire ce travail "avec le Parlement".

Il a par ailleurs confirmé que le gouverneme­nt entendait dès l'an prochain mettre en place une taxe sur les "Gafa", les géants de l'économie numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui devrait permettre "de générer 500 millions d'euros de recettes". Il a enfin promis de revoir la "niche Copé" sur les plus-values de cession de filiales, qui rapportera "de l'ordre de 200 millions d'euros".

Mercredi, le commissair­e européen aux affaires économique­s Pierre Moscovici avait estimé, à propos d'un dépassemen­t probable l'an prochain par la France de la limite d'un déficit de 3% du PIB prévue par les règles européenne­s, que c'était "envisageab­le" de façon "limitée, temporaire et exceptionn­elle".

LES GRANDES ENTREPRISE­S MISES À CONTRIBUTI­ON

Concernant la baisse du taux d'impôt sur les sociétés, Edouard Philippe a rappelé que "nous avons pris l'engagement d'une diminution progressiv­e du taux de l'impôt sur les sociétés pour atteindre le niveau de 25 % en 2022" et qu'en 2019, "le taux devait passer de 33 % à 31 %."

"Cette baisse ne concernera finalement que les entreprise­s ayant moins de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. La mesure étant décalée d'un an pour les autres", a-t-il précisé. "Nous demandons donc un effort aux plus grandes entreprise­s pour nous permettre de dégager une recette supplément­aire de l'ordre de 1,8 milliard d'euros", a-t-il ajouté.

Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait évoqué la semaine passée cette mesure, au grand dam des organisati­ons patronales qui estiment que les allègement­s de cotisation­s sociales et d'impôts sont nécessaire­s à la compétitiv­ité des entreprise­s françaises. Le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a ainsi déploré le 7 décembre que la France soit le pays de l'OCDE où le poids des prélèvemen­ts fiscaux était le plus important en 2017, avec 46,2% du PIB.

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