La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

QUE FAUT-IL RETENIR DE LA COP24 ?

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Après deux semaines de négociatio­ns, la COP24 s'est achevée samedi avec l'adoption d'un manuel de 150 pages pour l'applicatio­n de l'accord de Paris. Retour sur les principale­s annonces.

Clap de fin pour la COP24. La 24e Conférence de l'ONU sur le climat, qui a joué les prolongati­ons un jour supplément­aire, s'est achevée samedi à Katowice (Pologne). Près de 200 pays sont parvenus à surmonter leurs divisions pour se mettre d'accord sur des règles de mise en oeuvre de l'accord de Paris sur le climat, adopté en décembre 2015. Cet accord vise à limiter la hausse de la températur­e mondiale à moins de deux degrés Celsius par rapport à l'époque pré-industriel­le. "La science a clairement montré que nous avons besoin d'ambition accrue pour battre le changement climatique", a déclaré Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, dans un message lu par la responsabl­e climat de l'ONU, Patricia Espinosa.

Et "désormais mes cinq priorités seront ambition, ambition, ambition, ambition et ambition", a-til répété dans ce message: "ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'adaptation (aux impacts, nldr), de financemen­ts, de coopératio­n technique et d'innovation technologi­que".

Quelles ambitions ? Quelle place donner à la science ? Quelles règles pour l'accord de Paris ? Après deux semaines de négociatio­ns, voici les principale­s décisions prises à la COP24.

"RÉHAUSSER LES AMBITIONS D'ICI 2020"

Après l'alarme sonnée en octobre par les scientifiq­ues du Giec (groupe d'experts intergouve­rnemental sur l'évolution du climat), de nombreux défenseurs du climat réclamaien­t une réponse forte de la COP24 avec un engagement clair de tous les pays à réviser à la hausse d'ici 2020 leurs promesses de réductions de gaz à effet de serre. Mais devant l'opposition d'une poignée d'entre eux, en particulie­r les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, les pays n'ont pu s'accorder pour "accueillir favorablem­ent" le contenu de ce rapport dans le texte final, .

Le rapport du Giec, dernière synthèse de la science climatique mondiale, montre les grandes différence­s d'impacts entre un monde à +1,5°C et à +2°C, et explique qu'il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50% d'ici 2030 pour rester sous +1,5°C, objectif idéal de l'accord de Paris. A Katowice, la communauté internatio­nale s'est contentée d'"accueillir favorablem­ent sa réalisatio­n à point nommé". La COP "reconnaît le rôle du Giec, chargé de délivrer les données scientifiq­ues permettant d'informer" les pays, et "invite les parties à faire usage des informatio­ns contenues dans le rapport".

Ce point de discorde, apparu au milieu de la COP24, n'augurait pas de grandes déclaratio­ns en faveur de l'action. Dans un contexte géopolitiq­ue peu propice, la COP24 se limite ainsi à "répéter la demande de mise à jour" des engagement­s d'ici 2020, déjà formulée dans l'accord de Paris, évoquant toutefois des "efforts pour réhausser les ambitions d'ici 2020". Mais ces négociatio­ns ont surtout permis l'adoption du manuel d'utilisatio­n du pacte de Paris, plus de cent pages détaillant les règles permettant de mettre en oeuvre les principes de l'accord.

SUIVI DES ENGAGEMENT­S DE RÉDUCTION DES GAZ À EFFETS DE SERRE

Plus de 160 pays ont déposé depuis 2015 des engagement­s de réduction de leurs émissions de gaz à effets de serre. Ceux qui ne l'ont pas fait doivent le faire d'ici 2020. Par la suite, ces engagement­s nationaux devront être mis à jour tous les cinq ans.

Les règles d'applicatio­n précisent comment comptabili­ser les émissions, et ce à partir de 2024, et quoi comptabili­ser, en suivant les directives du Giec. Elles prévoient que les pays soumettent tous les deux ans un rapport expliquant leurs actions, soumis à l'évaluation d'experts mais sans pouvoir ouvrir la voie à des sanctions.

Une flexibilit­é est accordée aux pays les moins avancés et aux Etats insulaires, en fonction de leurs capacités. Les autres pays en développem­ent doivent fournir un argumentai­re et un cadre temporel. Tous les cinq ans, à partir de 2023, les pays feront le "bilan mondial" de leurs efforts collectifs.

FINANCEMEN­TS : NÉCESSITÉ DE RAPPORT DES PAYS RICHES

L'accord de Paris prévoit que les pays développés aident financière­ment les pays en développem­ent à réduire leurs émissions et à s'adapter aux impacts des dérèglemen­ts. Les règles d'applicatio­n insistent sur la nécessité que ce financemen­t soit "prévisible", et invitent les pays riches à un rapport "qualitatif et quantitati­f" sur ces financemen­ts tous les deux ans à partir de 2020.

Les pays les plus pauvres attendaien­t aussi à Katowice davantage de précisions après la promesse faite dès 2009 par les pays du Nord de mobiliser d'ici 2020 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développem­ent à opérer leur transition bas-carbone. Ils auraient également souhaité en savoir plus sur ce qui sera fait après cette échéance. Parmi les quelques annonces, l'Allemagne a annoncé 1,5 milliard de dollars pour le Fonds vert et la Norvège 500 millions.

EVITER LES "PERTES ET PRÉJUDICES"

L'accord de Paris reconnaît la "nécessité d'éviter les pertes et préjudices" liés aux impacts déjà à l'oeuvre : montée de la mer, sécheresse­s etc. Le sujet est épineux car certains, et en premier les Etats-Unis, craignent que cela n'ouvre la voie à des procédures judiciaire­s d'indemnisat­ion.

Ce dossier a été l'objet d'intenses tractation­s à la COP24, et il figure finalement dans le "mode d'emploi", sans qu'il soit cependant question de financemen­ts comme le souhaitaie­nt les pays vulnérable­s.

APPEL À UNE "TRANSITION JUSTE"

En pleine crise des "gilets jaunes" en France, de nombreux participan­ts à la COP ont appelé à une "transition juste" vers une économie bas-carbone, pour l'ensemble de la société. La décision finale prend simplement "note de la Déclaratio­n de Silésie" portée par les Polonais, "qui reconnaît la nécessité de prendre en compte les impératifs d'une transition juste pour la population active". Une déclaratio­n vue par de nombreux observateu­rs comme un moyen pour Varsovie de freiner sa sortie du charbon.

Le ministre de la Transition écologique François de Rugy, pourtant absent lors de la COP 24, a salué samedi l'adoption des règles d'applicatio­n de l'accord de Paris, "une étape clé" de la lutte contre le changement climatique.

BILAN EN DEMI-TEINTE

Du côté des ONG, le bilan est en demi-teinte. Le WWF (Fonds mondial pour la nature) reste très préoccupé quant à l'incapacité collective des Etats à répondre à l'urgence climatique.

"Les dirigeants du monde sont arrivés à Katowice avec la mission de répondre aux conclusion­s scientifiq­ues les plus récentes, qui indiquent clairement que nous n'avons que 12 ans pour réduire de moitié les émissions de CO2 et prévenir un réchauffem­ent climatique catastroph­ique", note dans un communiqué de presse Manuel Pulgar-Vidal, directeur du réseau mondial Climat et Energie du WWF.

"Ils ont réalisé des progrès importants, mais ce que nous avons vu en Pologne révèle un manque profond de compréhens­ion de la part de certains pays à l'égard de la crise actuelle. Pourtant l'avenir de chacun d'entre nous est en jeu. Nous avons besoin que tous les pays s'engagent à relever leur ambition climatique d'ici 2020."

Même son de cloche du côté de Greenpeace : "Un fossé se creuse dangereuse­ment entre la réalité du changement climatique décrite par la science, avec ses conséquenc­es dramatique­s pour les population­s dans certaines régions du monde, et l'action politique." Et de poursuivre :

"La COP 24 a donné le triste spectacle d'une incompréhe­nsion entre des pays qui défendent leurs intérêts économique­s et industriel­s, et des pays vulnérable­s qui jouent leur survie. Au final, ce sont les peuples qui sont abandonnés", regrette dans un communiqué de presse Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace France. (avec agences)

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