La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

"ACTE VI": VERS UN NOUVEAU SAMEDI DE MOBILISATI­ON POUR LES "GILETS JAUNES"?

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Rassuré par le recul de la mobilisati­on des "Gilets jaunes" à travers la France, le gouverneme­nt engage une course contre la montre pour mettre en oeuvre les mesures sociales d'Emmanuel Macron et lancer la grande concertati­on censée apaiser une crise sans équivalent.

La mobilisati­on des "Gilets jaunes", lancée le 17 novembre contre la hausse des taxes sur les carburants avant de s'élargir à la question plus globale du pouvoir d'achat, a connu un net recul samedi, à l'occasion d'une cinquième journée de manifestat­ion nationale, avec 66.000 manifestan­ts comptabili­sés par le ministère de l'Intérieur, contre 136.000 lors des deux week-ends précédents.

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L'EXPLICATIO­N DE TEXTE D'ÉDOUARD PHILIPPE

Le gain de 100 euros net pour les salariés proches du Smic passera "par une hausse massive de la prime d'activité" qui sera versée "dès le 5 février pour compléter le salaire de janvier", a annoncé Édouard Philippe dans un entretien aux Échos publié dimanche soir.

Cette hausse ne concernera donc pas tous les salariés au Smic car la prime d'activité tient compte de l'ensemble des revenus du ménage, mais "nous allons élargir le nombre de foyers éligibles qui passera de 3,8 millions à 5 millions", a précisé le Premier ministre.

"Cette réforme va bien au-delà des personnes qui sont juste au Smic : tous les salariés célibatair­es sans enfant auront 100 euros de plus jusqu'à 1.560 euros net de revenus. Avec un enfant, une mère célibatair­e, et elles sont nombreuses sur les ronds-points, pourra percevoir la prime jusqu'à 2.000 euros de salaire. Un couple (avec) deux enfants, dont l'un gagne le Smic et l'autre 1.750 euros, verra ses revenus augmenter de 200 euros", explique Édouard Philippe.

Edouard Philippe n'a pas précisé le montant de la hausse de la prime d'activité, mais s'il prend en compte la revalorisa­tion automatiqu­e du Smic en janvier (23 euros brut), elle devrait être autour de 80 euros.

Lire aussi : "Gilets jaunes" : Édouard Philippe détaille les mesures

Le Medef "prend acte" des modalités des mesures annoncées par le gouverneme­nt pour relancer le pouvoir d'achat et mettre fin à la crise des "Gilets jaunes", lundi dans un communiqué. L'organisati­on patronale "se réjouit de l'esprit qui guide ces mesures qui visent à reconnaîtr­e le travail" mais "reste vigilant" concernant la hausse du Smic qui ne doit pas "accroître le coût du travail".

UN TIMING SERRÉ POUR AGIR

Matignon dit assumer le fait que 1,2 million de smicards ne bénéficien­t pas de la mesure, car ils se trouvent grâce à d'autres revenus dans les 30% des foyers français les plus aisés. "Ça va sans doute créer beaucoup de frustratio­n et d'incompréhe­nsion", a estimé Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.

Au total, ces mesures, parmi lesquelles figurent aussi les heures supplément­aires défiscalis­ées ou l'exemption de hausse de CSG pour certains retraités, vont coûter selon Matignon 10,3 milliards d'euros, gel de la taxe carbone compris, et creuser le déficit, qui devrait atteindre 3,2% du PIB en 2019. Elles doivent désormais être présentées en projet de loi mercredi en Conseil des ministres, avant de passer à l'Assemblée nationale jeudi et au Sénat vendredi.

Le timing est serré. Richard Ferrand en a appelé à "la responsabi­lité des parlementa­ires" pour valider les mesures dès vendredi, afin qu'elles soient applicable­s au 1er janvier. Cela éviterait aussi aux parlementa­ires de siéger pendant les vacances de Noël.

"Le compte n'y est pas du tout", a dénoncé Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France, qui a appelé les "Gilets jaunes" à "garder la pression".

Les détails de la "grande concertati­on nationale" doivent également être connus dans la semaine. Le débat, prévu jusqu'au 1er mars, doit s'appuyer fortement sur les maires et aborder quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisati­on de l'État, et démocratie et citoyennet­é dans lequel a été insérée l'immigratio­n).

UN BOULEVERSE­MENT DU CALENDRIER DU LÉGISLATIF

Dans le cadre de ce débat, le Premier ministre s'est déclaré favorable sur le principe à un référendum d'initiative citoyenne (RIC), une des principale­s revendicat­ions des "Gilets jaunes", mais "pas dans n'importe quelles conditions".

"Je ne veux pas que demain on puisse se réveiller avec la peine de mort dans notre pays", a mis en garde Stanislas Guerini, le délégué général de La République en marche.

Le chef des file des députés LREM, Gilles Le Gendre, a lui appelé à "garder le bien le plus précieux: la stabilité des institutio­ns" qui "va de pair avec une certaine verticalit­é du pouvoir".

La concertati­on nationale, que le président Macron veut exhaustive, bouleverse le calendrier de la majorité et a déjà repoussé la réforme constituti­onnelle.

Mais l'exécutif réfute l'idée que sa capacité à réformer est désormais entamée. "Je crois que la mobilisati­on des "Gilets jaunes" ne traduit pas une aspiration pour le statu quo, au contraire. Notre objectif est de continuer à transforme­r, à moderniser le pays", a assuré Édouard Philippe.

UNE LASSITUDE VENANT DES COMMERCES...

Cinq week-ends de méventes dues au mouvement des "Gilets jaunes" ont coûté deux milliards d'euros au secteur du commerce, qui n'espère plus récupérer d'ici à Noël cette perte de chiffre d'affaires, indique lundi le Conseil national des centres commerciau­x (CNCC).

"La fréquentat­ion des centres commerciau­x a encore baissé de plus de 10% samedi dernier par rapport au même jour de l'année dernière, selon l'indice CNCC/Quantaflow", précise-t-il dans un communiqué.

Cet indice se base sur un comptage automatiqu­e réalisé dans 280 centres commerciau­x, sur les 800 que compte le pays.

"Les quelques jours qui restent avant Noël ne permettron­t pas de récupérer la perte de chiffre d'affaires qu'on peut estimer à 2 milliards d'euros", estime son délégué général, Gontran Thüring.

Faisant valoir que la filière "représente 5% du PIB et plus de 525.000 emplois non délocalisa­bles", le CNCC demande au gouverneme­nt de prendre "en urgence" trois mesures. Il souhaite voir permis "le libre accès aux sites commerciau­x, en particulie­r périphériq­ues", que soient "accélérées les procédures d'autorisati­on des ouvertures dominicale­s supplément­aires" et que soit instauré "un juste équilibre de la pression fiscale sur toutes les formes de commerce", avec un relèvement de la taxation des plateforme­s de commerce en ligne de type Amazon.

... ET DES INFRASTRUC­TURES AUTOROUTIÈ­RES

Le groupe français Vinci a estimé dimanche à "plusieurs dizaines de millions d'euros" le montant des dégâts commis sur l'ensemble de son réseau lors des manifestat­ions des "Gilets jaunes" depuis un mois.

"Près de 250 sites ont ainsi été impactés quotidienn­ement par les actions des manifestan­ts", ajoute Vinci Autoroutes dans un communiqué, dénonçant "des dégâts considérab­les causés aux équipement­s et infrastruc­tures".

Les mises à feu volontaire­s ont notamment détruit six bâtiments d'exploitati­on, dont la direction régionale de Narbonne, 33 véhicules d'interventi­on, 15 échangeurs et plateforme­s de péage, et dégradé de nombreuses chaussées, détaille l'exploitant.

Vinci Autoroutes dénonce également "des dizaines d'actes de vandalisme" dont des dégradatio­ns commises sur des caméras de sécurité, des glissières et des panneaux de signalisat­ion, et "des centaines de tonnes de détritus enlevés" autour des "campements" construits par les manifestan­ts.

"Que les réparation­s soient prises en charge par les assurances, par l'État ou par Vinci Autoroutes, c'est dans tous les cas la collectivi­té qui est pénalisée par ces atteintes répétées portées aux biens publics, qui ne profitent à personne", souligne Vinci.

(avec agences)

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