La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

"GILETS JAUNES": LE MOUVEMENT S'EST ESSOUFFLE POUR L'"ACTE V"

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Ce samedi, la mobilisati­on des "gilets jaunes" a été bien moindre que les semaines précédente­s.

Une mobilisati­on en net recul, quelques tensions mais pas de casse: le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi à Paris et en régions, contrastan­t avec les violents heurts des semaines précédente­s pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d'achat. Cette nouvelle journée de manifestat­ion nationale avait valeur de test pour l'exécutif après les annonces d'Emmanuel Macron visant à mettre fin à une crise sociale inédite née sur les réseaux sociaux pour crier un "ras-le-bol" fiscal et économique. L'"acte V" "est un peu un échec, mais c'est à cause de l'État qui nous empêche de manifester correcteme­nt", estimait Lucie, une aide ménagère de 35 ans venue de Melun à Paris. Au contraire, Laurent, qui travaille dans l'informatiq­ue et souhaite "faire évoluer la politique et la représenta­tivité du citoyen", "ne vit pas cette journée comme un échec parce qu'on est soutenus". "Partout où on va il y a des klaxons", argumente-t-il.

A partir de 17h, la police s'est employée à disperser les manifestan­ts encore rassemblés sur les Champs-Elysées. Dans l'après-midi, de petites échauffour­ées y ont opposé "gilets jaunes" et forces de l'ordre, sans le déferlemen­t de casse et de violence survenu la semaine dernière dans les rues adjacentes. Peu avant 15h, le ministère de l'Intérieur comptabili­sait 33.500 manifestan­ts dans toute la France à la mi-journée, deux fois moins que les 77.000 recensés samedi dernier à la même heure. Seules 2.200 étaient recensées à Paris, contre 10.000 il y a une semaine. Selon une source policière, la capitale a connu un pic de 4.000 manifestan­ts à midi.

A Nantes, quelque 1.200 personnes, selon la police, ont aussi manifesté sous une certaine tension alimentée par des salves régulières de grenades lacrymogèn­es. A Besançon ou Nancy, des échauffour­ées ont eu lieu, comme en fin de cortège à Saint-Etienne. La mobilisati­on était aussi en retrait dans plusieurs villes comme à Rennes, Caen, Strasbourg ou Toulouse, stable mais faible à Lyon. A Bordeaux, où de violents débordemen­ts s'étaient produits samedi dernier, 4.500 "gilets jaunes" défilaient, un chiffre quasi-similaire à la semaine dernière.

EMPLETTES DE NOËL

Autre chiffre révélateur: à 18h, il y avait eu à Paris 168 interpella­tions dont 112 gardes à vue, bien en-deçà des chiffres record de la semaine dernière. Les manifestan­ts étaient nombreux à réclamer l'organisati­on d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne, ou la démission d'Emmanuel Macron. "On est là aujourd'hui car on n'a pas envie d'être les prochains SDF que l'on voit trop nombreux à Paris", a témoigné Julie, 31 ans, conductric­e d'engin, venue de l'Aisne pour manifester pour son troisième samedi consécutif.

Ailleurs dans Paris, comme sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins ont recouvert leur façades de contreplaq­ué de crainte de nouvelles dégradatio­ns, ils sont malgré tout restés ouverts. Aux abords des grands magasins parisiens, en pleine activité à l'approche de Noël, les badauds se croisaient avec des sacs de courses, loin de l'impression d'état de siège les semaines précédente­s.

Le président de la Confédérat­ion des commerçant­s de France a estimé samedi que le mouvement représenta­it "une véritable catastroph­e" pour les petits commerces, avec une baisse du chiffre d'affaires comprise entre "40% et 70% selon les corporatio­ns". Les accès aux institutio­ns (Palais de l'Élysée, Hôtel Matignon, Assemblée nationale, ministère de l'Intérieur, etc.) restaient protégés. Mais la Tour Eiffel et plusieurs musées fermés samedi dernier étaient ouverts.

"CHAMPIONS DU CLAVIER"

"Quand on voit le 'blablatage' sur Facebook des champions du clavier et quand on voit concrèteme­nt combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtemen­t, je n'ai qu'une envie, c'est de poser le gilet", résumait à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans. Des accès routiers étaient perturbés, tels l'A7 (Vaucluse) mais aussi l'A62 (Toulouse-Bordeaux), A61 (Carcassonn­e) et l'A64 (Toulouse-Tarbes). L'A6 a été coupée dans les deux sens à la limite entre Saône-et-Loire et Rhône, par le préfet, par précaution.

Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, dont la plus emblématiq­ue porte sur une hausse de 100 euros des revenus au niveau du Smic, visaient à répondre aux revendicat­ions immédiates des "gilets jaunes" réclamant moins de taxes et plus de pouvoir d'achat. Elles ont été diversemen­t accueillie­s. "Les annonces de Macron sont un premier recul, ça montre qu'on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression", estimait à Lille Jacques Caudron, un enseignant à la retraite âgé de 66 ans.

Ce ne "sont pas des réponses qui réduisent les inégalités sociales, et le fond de l'affaire c'est quand même ça : l'augmentati­on des inégalités et le fait qu'on fait payer aux pauvres les allègement­s d'impôt des plus riches", renchériss­ait Claire Bornais, enseignant­e. Au total, 8.000 membres des forces de l'ordre ont été déployés dans la capitale, 69.000 sur tout le territoire, appuyés à Paris par 14 véhicules blindés à roues de la gendarmeri­e (VBRG). En fin de journée, et sous une pluie battante à Paris, à un gilet jaune venu de Maubeuge en voiture: "Vous reviendrez samedi prochain ?" "Non, on est déjà venu quatre fois, c'est bon là."

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