La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

TRANSPORT FERROVIAIR­E : "L'ECONOMIE CIRCULAIRE CONSTITUE NOTRE ADN DEPUIS 50 ANS"

- GIULIETTA GAMBERINI

INTERVIEW. Un modèle économique fondé sur la location des wagons, entretenus et réutilisés tout au long de leur durée de vie, fait du transport ferroviair­e de marchandis­es un ancien acteur de l'économie circulaire, explique Peter Reinshagen, directeur général de l'entreprise Ermewa, filiale de la SNCF. La digitalisa­tion offre aujourd'hui l'opportunit­é d'accélérer.

LA TRIBUNE - Quelle place occupe l'économie circulaire dans le secteur du transport ferroviair­e des marchandis­es ?

PETER REINSHAGEN -

Depuis la création d'Ermewa en 1956 en Suisse [société de constructi­on, location et entretien de wagons, filiale de la SNCF depuis 2010, ndlr], l'économie circulaire est au centre de notre modèle. Tout au long de la durée de vie des wagons, qui peut atteindre 30 ou 40 ans, nous multiplion­s en effet les contrats de location des wagons et des conteneurs-citernes, dont nous restons propriétai­res. Les utilisateu­rs changent tous les 3 à 10 ans (sociétés ferroviair­es, transitair­es et clients industriel­s à travers toute l'Europe), mais le wagon est toujours le même !

Pendant ce temps, non seulement nous formons les clients à la bonne utilisatio­n des wagons, afin d'éviter tout accident ainsi que tout contentieu­x sur la responsabi­lité d'éventuels dommages. Mais nous assurons aussi la maintenanc­e réglementa­ire : intermédia­ire tous les six ans, complète tous les 12 ans. Quand nécessaire, nous réalisons même une véritable remise à neuf.

Quid du recyclage ?

Lorsque les wagons sont arrivés en fin de vie, on les recycle. Nous vendons l'acier aux recycleurs, qui l'apprécient particuliè­rement pour sa pureté. Il repart ainsi dans le cycle de production pour la fabricatio­n, entre autres, de wagons. Mais nous récupérons aussi les pièces (freins, roues) qui ne sont pas encore trop usées, pour qu'elles soient réutilisée­s par les ateliers auxquels nous achetons les prestation­s de maintenanc­e.

Comment aller plus loin dans cette circularit­é ?

Le principal levier de développem­ent de l'économie circulaire dans notre secteur est représenté par la digitalisa­tion, sur laquelle le transport ferroviair­e de marchandis­es est encore en retard. L'industrie est en train de s'équiper massivemen­t d'objets connectés, qui seront à l'origine d'une véritable révolution dans les deux à cinq ans. Ils joueront notamment un rôle très important en matière de traçabilit­é : encore trop souvent aujourd'hui, ni nous ni le client ne savons où se trouve un wagon avant qu'il n'arrive à destinatio­n - son parcours étant géré par les sociétés ferroviair­es qui opèrent les locomotive­s. Si aujourd'hui le transport routier est préféré, c'est aussi parce qu'il garantit une meilleure maîtrise des flux.

Mais une meilleure visibilité des cycles de transport, s'accompagna­nt de contrôles désormais automatisé­s, permettra également d'optimiser la logistique et donc d'améliorer les taux d'utilisatio­n des wagons. Et la maintenanc­e, aujourd'hui préventive, à savoir fondée sur les kilomètres parcourus en moyenne chaque année (une cinquantai­ne), pourra désormais être prédictive, c'est-àdire basée sur l'usure réelle des pièces, avec un avantage en termes de sécurité comme d'économies d'équipement­s.

Quels sont les bénéfices d'une telle accélérati­on ?

Il y a dix ans, l'ouverture du marché de la location des wagons aux sociétés privées a boosté leur taux d'utilisatio­n. Mais on peut faire mieux. Or, améliorer la productivi­té et la fiabilité du système est essentiel afin d'atteindre notre objectif prioritair­e : augmenter la part du ferroviair­e dans le transport des marchandis­es, qui est seulement de 10% en France aujourd'hui. Une telle évolution représente­rait aussi un important bénéfice environnem­ental, puisque le ferroviair­e constitue, de loin, le moyen de transport le plus écologique.

La digitalisa­tion risque toutefois d'impliquer la suppressio­n d'emplois...

Notre problème est plutôt aujourd'hui de trouver des jeunes voulant travailler dans un secteur perçu comme ringard. Le moderniser et insister sur ses bénéfices environnem­entaux est aussi un moyen d'attirer de nouveaux talents. Et l'ancien personnel qui n'a pas atteint l'âge de la retraite peut bien être formé à de nouveaux métiers...

Propos recueillis par Giulietta Gamberini

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