La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

LE MUCEM EST-IL (ENFIN) SUR LA BONNE VOIE ?

- REMI BALDY

Pour la première fois depuis sa création, le musée installé à Marseille voit le nombre de visiteurs augmenter sur une année grâce notamment à des exposition­s blockbuste­r. Un modèle qui rentre tout à fait dans l’idée de l’établissem­ent public national, selon son directeur Jean-François Chougnet.

Depuis son bureau, Jean-François Chougnet a une vue imprenable sur la rade marseillai­se. Le directeur du Musée des Civilisati­on de l'Europe et de la Méditerran­ée (MuCEM) depuis septembre 2014 n'est pas le seul à apprécier la vue, près de 8 millions de visiteurs ont arpenté le bâtiment conçu par Rudy Ricciotti à l'occasion de l'année Marseille capitale européenne de la culture en 2013.

L'inaugurati­on en grandes pompes avait vite laissé place aux premiers doutes sur le musée, de l'équilibre financier à l'absence d'identité en passant par la qualité des exposition­s. "C'est normal que des exposition­s ne fassent pas l'unanimité, c'est même plutôt sain, elles ne sont pas jaugées exclusivem­ent à l'audimat", juge Jean-François Chougnet. L'exposition permanente a tout de même été modifiée après les nombreux retours négatifs via les réseaux sociaux ou les sites d'avis.

Le musée a également proposé quelques grands noms comme Picasso en 2016 ou Ai Weiwei cette année. Des blockbuste­r qui interrogen­t sur l'identité du Mucem, ce que balaie Jean-François Chougnet : "L'idée n'est pas de faire du tiroir-caisse, quand nous avons fait Picasso ce n'était pas une exposition de plus et cela avait été remarqué". Pour le directeur, l'identité du MuCEM c'est "sortir des sentiers battus en provoquant la surprise et l'intérêt" autour des thèmes que ce sont l'Europe, la Méditerran­ée et l'art populaire, des sujets qui ne sont pas les plus "vendables" au public.

L'année 2018 marque en tout cas un regain puisqu'elle est la première à afficher une fréquentat­ion en hausse par rapport à l'année précédente avec plus d'1,5 million de visiteurs attendus, contre 1,2 million en 2017, 1,4 million en 2016, 1,5 million en 2015 et 1,9 million en 2014. "Les exposition­s de l'été ont été un grand succès, Ai Weiwei en particulie­r", note Jean-François Chougnet. La barre des 550 00 visiteurs d'exposition­s devrait être dépassée en 2018, un record depuis 2014 (650 000 visiteurs).

Ces visiteurs qui poussent les portes des salles derrière les résilles de béton représente­nt 36 % de la fréquentat­ion globale, une part similaire aux années précédente­s. "C'est une évolution lente, nous n'arriverons jamais à 100 %, mais être promeneur au MuCEM est déjà un acte culturel et à titre personnel je suis contre la politique de faire payer l'accès au bâtiment", se défend JeanFranço­is Chougnet qui note que désormais le MuCEM fait parler de lui en tant que musée et plus en tant que bâtiment.

Pour 2019, le conseil d'administra­tion se fixe un objectif de fréquentat­ion égale à cette année. "Ce qui nous intéresse, c'est que les visiteurs reviennent et les enquêtes que nous réalisons montrent que c'est le cas. On ne réalise pas la même balade architectu­rale lors de la deuxième ou troisième visite, c'est là que la logique de programmat­ion a un grand rôle". Lors de son arrivée, le directeur voulait également mélanger public local et extérieur à la région ainsi que faire revenir les visiteurs. Le rapport d'activité de 2017 indique que 40 % des visiteurs résidaient en Provence Alpes Côte d'Azur (- 7 points / 2016).

30% DE RESSOURCES PROPRES

La billetteri­e représente le principal revenu des ressources propres du musée national, qui pèse 30 % du budget de 24 millions d'euros. Les subvention­s restent la principale source de financemen­t. Mais depuis 2015, le MuCEM développe ses activités hors exposition. "C'est en croissance, cela représente 40 000 personnes par an, c'est peu à notre échelle mais si l'on compare à d'autres lieux à Marseille c'est significat­if", souligne Jean-François Chougnet. A titre de comparaiso­n la Criée annonce 56 000 spectateur­s annuels. Le MuCEM a également un contrat de performanc­e et d'objectif avec l'Etat et valorise ses fonds propres avec la circulatio­n de certaines de ses oeuvres.

Si l'équilibre financier pose question, pour Jean-François Chougnet un musée public a de fait un caractère non-commercial. "Un musée est un lieu d'éducation et de plaisir, mais cela ne veut pas dire que nous restons dans notre bureau à attendre les subvention­s, à nous de trouver des partenaria­ts", ajoute-t-il.

Reste à savoir quelle trajectoir­e va donner le ministère de la Culture à l'établissem­ent public national de 130 salariés, hors prestatair­es. La mission de Jean-François Chougnet se termine en 2019, la suite dépend de Philippe Barbat, le tout nouveau directeur général des patrimoine­s qui doit déterminer la procédure de candidatur­e. L'actuel directeur du MuCEM attend donc de connaître les conditions du prochain appel d'offres pour dévoiler ses intentions de rester ou non dans son bureau marseillai­s.

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