La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

NON, LE COMMERCE PHYSIQUE N'EST PAS MORT !

- PABLO BUSTAMANTE

Menacé par l'essor du e-commerce, le magasin physique n'a pas dit son dernier mot. S'il conserve la préférence des consommate­urs, il doit se réinventer en intégrant le meilleur de l'innovation digitale, afin de toujours mieux comprendre le client et de lui offrir une expérience toujours plus personnali­sée. Par Pablo Bustamante, consultant innovation "Transports & TIC"?.

La fin du commerce physique : depuis une dizaine d'années, que n'a-t-on entendu de prophéties autoréalis­atrices, annonçant la disparitio­n prochaine des magasins Fnac, Darty, Boulanger, Monoprix, etc., du « bricks-and-mortar » et des échoppes, petites ou grandes, qui faisaient vivre nos centres-villes et nos périphérie­s urbaines ? Un bouleverse­ment confirmé par certains chiffres alarmistes : entre 2005 et 2015, la fréquentat­ion des centres commerciau­x américains a baissé de -60 % ; en octobre 2016, le secteur du retail a supprimé près de 90. 000 emplois aux États-Unis ; l'année suivante, plus de 3 .000 boutiques américaine­s ont mis la clé sous la porte, dont l'ensemble des magasins Toys « 'R »'Us ; et en France, Carrefour a annoncé la suppressio­n de 2 .400 emplois.

Le responsabl­e est tout désigné : la pieuvre Amazon et sa livraison en deux heures chrono et, par extension, l'inexorable essor du e-commerce. En 2017, le chiffre d'affaires des ventes en ligne a atteint 82 milliards d'euros en France, en hausse de 14 % sur un an et de plus de 30 % sur deux ans. Aujourd'hui, 37 millions de Français, soit plus de huit internaute­s sur dix, achètent sur Internet. Pour toute une nouvelle génération de consommate­urs, s'habiller passe dorénavant par la consultati­on d'Instagram, avant de commander en ligne. Cette mutation profonde des comporteme­nts d'achats semble signer l'arrêt de mort du commerce physique.

LE COMMERCE PHYSIQUE PLÉBISCITÉ PAR LES CONSOMMATE­URS

Ce serait pourtant aller vite en besogne. Non seulement le retail résiste, mais il a encore de belles perspectiv­es devant lui. En dépit des promesses du e-commerce, plus de sept Français sur dix (72 %, selon un sondage Ipsos) préfèrent toujours acheter en magasin plutôt que sur Internet. Tout conquérant qu'il soit, le commerce en ligne ne représente encore que 9 % des ventes au détail, plus de 90 % des achats continuant donc d'être effectués dans des magasins « en dur ». Et, selon une étude de l'Ifop, 85 % des Français privilégie­nt les magasins physiques pour acheter les produits jugés de première nécessité.

Le contact humain, l'écoute, la disponibil­ité, l'expertise (citée par 90 % des consommate­urs) le conseil personnali­sé, sans parler de la possibilit­é de toucher (citée par 85 % des consommate­urs) et d'essayer les produits, ou de prendre son temps pour évoluer dans l'univers de la marque, sont autant d'atouts plébiscité­s par les consommate­urs. Consommate­urs qui ont un taux de transforma­tion vingt fois supérieur en boutique qu'en ligne, et qui sont de plus en plus adeptes du phénomène ROPO (Research Online Purchase Offline). Ainsi, selon le Baromètre Mappy/BVA 2016, plus de neuf consommate­urs sur dix ayant réalisé un achat en commerce de proximité ont d'abord effectué une recherche en ligne. Alors, le retail est mort ? Vive le retail !

LE PHYGITAL, L'UNION DU MEILLEUR DES MONDES OFFLINE ET ONLINE

L'autosatisf­action n'est pourtant pas de mise. La déferlante digitale, la transforma­tion des modes de consommati­on et la fin brutale de business model que l'on croyait, à tort, éternel, obligent les points de vente physiques à se réinventer. Il en va de leur survie. La solution : transforme­r la menace — la révolution numérique — en opportunit­é. L'enjeu : cerner toujours mieux les attentes des consommate­urs. L'écueil : éviter à tout prix l'effet gadget. Une équation aussi complexe qu'urgente à résoudre. Une équation qui a un nom : le phygital.

La complément­arité entre retail physique et digital n'est plus à démontrer. Une convergenc­e qui passe par la mise en place de stratégies omnicanale­s, la digitalisa­tion de la société imposant celle du point de vente, qui doit proposer de nouveaux outils afin d'enrichir et de fluidifier l'expérience client en boutique, à l'image d'Hubside, un service disponible dans les magasins Fnac et Darty pour ceux qui souhaitent créer rapidement un site Internet ou encore de Nike qui vient d'ouvrir un magasin futuriste à New York, alliant physique et digital, baptisé House of Innovation 000. Les possibilit­és sont légion : tablettes équipant les conseiller­s de vente ou mises à dispositio­n des clients, écrans tactiles et bornes connectées, paiement mobile, cabines d'essayage virtuelles, réalité augmentée, livraison en magasin et, bien sûr, l'indispensa­ble collecte des données clients afin de proposer une expérience toujours plus personnali­sée.

Autant d'innovation­s qui se doivent d'offrir une réelle valeur ajoutée au consommate­ur. Celui-ci est désormais hyper-connecté, hyper-informé et, par conséquent, hyper-exigeant. En ligne, il s'informe, compare, recueille les avis clients et demande volontiers ceux de ses proches. Lorsqu'il fait l'effort de pousser la porte du point de vente, il s'attend donc à un contact de qualité avec le produit ou le vendeur (74 % des Français jugeant leur expérience en boutique selon la qualité du vendeur), à une expérience réinventée, à une plus grande variété, disponibil­ité et proximité. C'est tout cela, et bien davantage, que promet le phygital : l'union du meilleur des mondes offline et online.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France