La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
DU BENIN A MADAGASCAR, COMMENT ON « CULTIVE » LE CARBONE EN AFRIQUE
Grâce au processus de la photosynthèse, le stockage du carbone dans les sols peut participer aux nécessaires efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par Tiphaine Chevallier, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Lydie ChapuisLardy, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Chaque année, grâce à la photosynthèse, environ 30 % du CO? atmosphérique est capté par les plantes exposées à la lumière : par une réaction biochimique, elles le transforment en carbone organique
Lorsque ces plantes ou une partie de ces plantes meurent, via la chute des feuilles ou le renouvellement des racines, elles sont consommées par les organismes vivants du sol tels bactéries, champignons ou vers de terre ; elles se décomposent et constituent la matière organique du sol. Cette matière organique est composée à 50 % de carbone.
Les sols contiennent ainsi deux fois plus de carbone que l'ensemble de la biomasse - plantes, arbres - et représentent le plus grand réservoir de carbone terrestre.
Cette transformation participe au recyclage des éléments nutritifs - azote, phosphore, potassium indispensables à la croissance des plantes. Elle permet aussi de lier durablement le carbone restant aux particules du sol. Les écosystèmes terrestres émettent du CO2 lors des processus de décomposition de la matière organique mais globalement, leurs émissions sont négatives : ils captent plus de carbone qu'ils n'en rejettent.
Le stockage de carbone dans les sols via la photosynthèse et la décomposition de la matière organique sont des processus naturels que l'homme peut amoindrir ou renforcer, selon la manière dont il gère les plantes, les sols, et utilise l'espace.
CAPTURER LES REJETS DE CO2
Dans le contexte actuel de changement climatique, une réduction massive de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre s'impose dans tous les secteurs d'activités - énergie, transport, bâtiment, agriculture. Le stockage du carbone dans les sols via la photosynthèse peut y participer en permettant de retirer du CO2 présent dans l'atmosphère.
Ce stockage contribuerait à contenir l'augmentation de la température à la surface de la planète en dessous de +1,5 °C à l'horizon 2100. C'est ce que promeut l'initiative 4 pour 1000, lancée fin 2015 lors de la COP21 à Paris.
Pour y parvenir, des solutions concrètes existent, mais de nombreuses inconnues demeurent. Par exemple, la définition du potentiel de stockage de carbone des sols et sa quantification ; la question du lieu, des moyens, des pratiques agricoles et des échelles de temps restent également à déterminer.
DES PRATIQUES AGRICOLES TRÈS VARIÉES
Initié en 2017 pour trois années, le projet Soca s'intéresse aux moyens de stocker du carbone dans les sols en Afrique.
Des chercheurs français et africains travaillent en collaboration sur plusieurs dizaines de parcelles agricoles dans quatre pays : le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et Madagascar. Ces terrains utilisent des cultures différentes, vivrières (riz pluvial, manioc, mil) ou de rente (palmier à huile, cacaoyer), mais sont toutes conduites dans un contexte d'agriculture familiale.
Les pratiques agricoles varient selon les pays, les contextes climatiques, les sols, mais aussi selon les paysans. Certaines sont des monocultures ; d'autres sont dites agroforestières, c'est-à-dire que sur une même parcelle de champ, sont cultivés des arbres et des cultures - par exemple des agrumes et des cultures maraîchères. Parmi les cultures étudiées, certaines cultures s'appuient sur la fertilisation : elle consiste à apporter les éléments minéraux nécessaires au développement de la plante, tels que des engrais ; d'autres n'y ont pas recours.
Le premier objectif du projet Soca consiste à quantifier le stockage de carbone dans le sol selon la diversité des climats, des types de sol - leur texture -, de leurs usages et des pratiques agricoles. Le second vise à comprendre et à hiérarchiser les différents facteurs qui jouent sur ces stocks de carbone contenus dans les sols.
STOCKER LE CARBONE EFFICACEMENT