La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

CES ECONOMISTE­S QUI VALIDENT LE SENTIMENT D'INIQUITE DES "GILETS JAUNES"

- MAXIME BONNEAU

Une analyse des données collectées dans la littératur­e scientifiq­ue a porté sur les stocks de carbone de divers types de sols et sous différents usages en milieu tropical. Elle a montré que les quantités de carbone apportées au sol sous forme de résidus de culture ou d'amendement organique - tel que fumier et compost - sont les principaux déterminan­ts et leviers d'action pour stocker du carbone dans les sols cultivés.

En moyenne, 8,2 % du carbone apporté est stabilisé dans les sols.

Mais notre analyse insiste également sur la nécessité de ne pas focaliser les études uniquement sur les particules fines du sol - constituée­s d'argiles et de limons fins. Elles assurent la stabilisat­ion du carbone du sol à long terme mais participen­t peu au recyclage des éléments nutritifs et à la production agricole à court terme.

La décomposit­ion des particules plus grossières, constituée­s par les résidus de culture et les débris végétaux, contribue au contraire à fournir des éléments nutritifs pour les plantes. Il s'agit donc d'en tenir compte également pour conserver le double objectif de stocker du carbone dans les sols pour le climat mais aussi pour la sécurité alimentair­e.

L'AGROFOREST­ERIE, VÉRITABLE PUITS DE CARBONE

Dans cette perspectiv­e, les systèmes agroforest­iers semblent l'une des options les plus adaptées. Ils permettent d'éviter la déforestat­ion, les problèmes d'érosion des sols et le déstockage de carbone des sols. Les agriculteu­rs des zones étudiées dans le projet Soca gardent des essences forestière­s dans leur plantation de cacaoyers au Cameroun, ou plantent des arbres aux côtés de leurs cultures vivrières à Madagascar.

En 2018, une étude menée à Andasibé, dans l'Est de Madagascar, s'est penchée sur deux types d'agroforest­erie : essences forestière­s ou arbres fruitiers associés à des cultures annuelles. Des mesures de terrain et des enquêtes auprès de 15 familles d'agriculteu­rs ont permis d'estimer l'empreinte carbone de chacune de ces fermes de quelques hectares.

Les deux types d'agroforest­erie se comportent comme des puits de carbone, mais le système dans lequel les cultures annuelles sont associées aux essences forestière­s captent 3 fois plus de carbone que les systèmes associant les arbres fruitiers - respective­ment -5,13 et -1,65 tonnes de CO2 équivalent par hectare et par an. Les premiers systèmes comportent une diversité et une densité d'arbres (236 par hectare) supérieure­s au second système (200 par hectare).

AIDER LES PAYSANS À CHOISIR

Le choix du système agroforest­ier est souvent guidé par le contexte socio-économique des agriculteu­rs. Au Sud Bénin, le palmier à huile est surtout présent dans de petites plantation­s villageois­es. Dans les jeunes plantation­s, les agriculteu­rs associent les palmiers encore non productifs à des cultures annuelles, des tomates, du manioc, du maïs ou de l'ananas.

Les travaux de plusieurs prix « Nobel » et les économiste­s comporteme­ntalistes convergent avec le ressenti à l’origine de la colère sociale qui s’exprime depuis mi-novembre. Par Maxime Bonneau, Burgundy School of Business

Si le point de départ du mouvement des « gilets jaunes »a été l'introducti­on d'une hausse des taxes sur le carburant, on peut déceler dans l'hétérogéné­ité de leurs revendicat­ions actuelles une demande générale pour plus d'équité. Selon eux, l'impôt actuel et les réformes récentes, aux travers de leurs objectifs ambitieux d'égalité, en manqueraie­nt cruellemen­t. Et de nombreux travaux d'économiste­s semblent converger avec cette perception.

Ils revendique­nt notamment un impôt davantage progressif, ce qui rejoint en cela les analyses de Thomas Piketty (voir le graphique suivant). Dans le même ordre d'idée, il s'agit pour eux de « faire payer les gros », autre nom pour les multinatio­nales type Amazon, Facebook, Starbucks, Carrefour, etc. Des revendicat­ions additionne­lles et non contradict­oires font état d'un retour de l'ISF , et mentionnen­t la fraude fiscale annuelle des ménages les plus fortunés du pays, équivalant à l'impôt sur le revenu (entre 60 et 80 milliards d'euros par an).

Dégressivi­té de l'impôt, site revolution­fiscale.fr. Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez, « Pour une révolution fiscale », publié le 20 janvier 2011, Le Seuil/République des idées

PLUS QUE L'ÉGALITÉ, LA NOTION D'ÉQUITÉ

En octobre dernier, l'Institut des Politiques Publiques a publié une présentati­on faite à Paris School of Economics sur l'impact des réformes en cours ou à venir. Il s'agissait d'évaluer les effets redistribu­tifs et incitatifs de ces réformes, à l'aune du pouvoir d'achat notamment. Concernant les effets redistribu­tifs, les réformes annoncées ou en cours conduisent à des pertes nettes pour les bas revenus, à cause de la sous-valorisati­on des prestation­s sociales, de la réforme des allocation­s logement notamment. De l'autre côté de la distributi­on des revenus, on enregistre des gains pour les 1 % des plus riches (1 % des plus hauts revenus), après mise en place du prélèvemen­t forfaitair­e unique. De plus, les retraités subissent une perte nette (sous indexation des pensions, hausse de la CSG) alors que les gains sont très élevés pour les 1 % (suppressio­n d'une partie de l'ISF) des plus aisés.

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