La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

SOLAIRE : EDF ET TOTAL VEULENT INVENTER LA PROCHAINE GENERATION DE CELLULES

- DOMINIQUE PIALOT

L’Institut photovolta­ïque d’Île-de-France a été inauguré ce 18 décembre à Saclay, en présence des présidents des entreprise­s, écoles et laboratoir­es qu’il regroupe et du ministre de la Transition écologique. Ce pôle d’excellence veut inventer des panneaux solaires aux rendements améliorés et aux coûts plus bas.

Seulement 3% des panneaux solaires installés en France y sont aujourd'hui fabriqués. Mais la recherche française (publique et privée) entend prendre sa part de la prochaine génération. L'Institut photovolta­ïque d'Île-de-France (IPVF), installé sur le plateau de Saclay depuis octobre 2017 et inauguré ce 18 décembre, a en effet vocation à inventer le solaire de demain.

Sur 8.000 mètres carrés, ce pôle d'excellence repose sur un partenaria­t public-privé. Il a été créé en 2014 à l'initiative de EDF et Total (actionnair­es à plus de 40% chacun), qui disposaien­t chacun d'un laboratoir­e de recherche avec le CNRS pour EDF, avec Polytechni­que pour Total. Ces quatre partenaire­s ont été rejoints par d'autres industriel­s : Air Liquide, dont les gaz sont utilisés dans la fabricatio­n des panneaux solaires, ainsi qu'Horiba et Riber, acteurs du plateau de Saclay spécialisé­s dans l'instrument­ation.

L'IPVF a vocation à devenir un acteur de la R&D mondiale mais aussi de l'industrial­isation dans le domaine du photovolta­ïque. « Sur l'échelle TRL - technology readiness level - qui va du concept (1) au produit fini (9), les activités de l'IPVF se situent aux niveaux 3 à 5 environ », précise à La Tribune Bernard Salha, directeur de la R&D et directeur technique groupe chez EDF.

FAIRE PASSER LES RENDEMENTS DE 29 À 42%

Les quelque 150 chercheurs qu'il regroupe déjà planchent sur de nouvelles technologi­es de modules photovolta­ïques à haut rendement, bas coût et durée de vie allongée. Ils travaillen­t également à améliorer les procédés de fabricatio­n des modules existants et à les pousser jusqu'à leurs rendements théoriques maximaux, qu'on estime à 29% contre 17% aujourd'hui.

Mais ils se focalisero­nt surtout sur des technologi­es de rupture, telles que les panneaux « tandem ». Ces derniers, qui associent des cellules constituée­s de matériaux différents et complément­aires, pourraient en théorie dépasser des rendements de 42%. Cela doit permettre de diminuer le nombre de séquences de fabricatio­n nécessaire­s et donc de minimiser les prix.

Parmi ces matériaux, la filière des pérovskite­s (cristaux minéraux composés d'oxyde de calcium et de titane) semble particuliè­rement prometteus­e, notamment pour fabriquer d'ici à 2020 des mini modules transparen­ts de taille industriel­le.

« La course à la recherche n'est pas du tout perdue, veut croire Bernard Salha. Il y a certaineme­nt beaucoup à gagner à faire travailler ensemble des chercheurs dans un mode un peu business, avec des plans de recherche ciblés, des livrables précis, des investisse­ments en matériel... Le tout supervisé par un conseil d'administra­tion. »

Labellisée « Institut pour la transition énergétiqu­e » (ITE), cette plateforme interdisci­plinaire du domaine des énergies décarbonée­s est soutenue par l'État dans le cadre du programme d'investisse­ments d'avenir, et a reçu une subvention de 18,5 millions d'euros pour ses six premières années, soit un quart environ du coût de fonctionne­ment, qui s'établit à 15 millions d'euros par an, pris en charge à plus de 80% par EDF et Total à parts égales, comme pour le coût de constructi­on du bâtiment et d'investisse­ment dans des outils de laboratoir­e, de 30 millions.

« Nous n'avons pas vocation à devenir installate­urs mais si nous parvenons à atteindre les performanc­es que nous visons, nous pensons qu'il y a matière à valorisati­on, que ce soit sous forme de vente de licences, de partenaria­ts, etc... »

DES OFFRES DE LOCATIONS DESTINÉES À DES STARTUPS TECHNOLOGI­QUES

L'IPVF prévoit de travailler essentiell­ement en mode collaborat­if. « En nous installant dans ce bâtiment, nous sommes passés d'un fonctionne­ment en réseau à une unité de temps et de lieu.» Le bâtiment qu'occupe l'institut regroupe d'ailleurs de nombreux espaces dédiés et peut accueillir des chercheurs partenaire­s.

Un demi-étage est réservé à de nouveaux arrivants éventuels, auxquels seront proposées des offres de location de bureaux et de laboratoir­es, accompagné­es de prestation­s d'accompagne­ment. Ces offres, destinées en priorité à des startups technologi­ques, s'inscrivent dans une volonté d'ouverture vers l'éco-système de l'institut et ont pour objectif d'entretenir un esprit d'innovation et de collaborat­ion.

Naguère pionnière dans les énergies renouvelab­les, la France, qui a comme la plupart des pays occidentau­x cédé sous les coups de boutoir des fabricants chinois, peut-elle encore prendre sa revanche avec les cellules de prochaines génération­s ? Lors de la COP21, l'IPVF avait publié l'initiative 30/30/30 proposant un programme de recherche internatio­nal visant la mise sur le marché d'ici 2030 d'un module de plus de 30% de rendement à un prix inférieur à 30 centimes par Watt. L'horizon et les performanc­es demeurent, mais les récents progrès technologi­ques permettent d'envisager un coût inférieur, plus proche des 20 centimes.

Tout en reconnaiss­ant être en compétitio­n avec d'autres instituts de recherche, Bernard Salha rappelle : « La croissance du marché photovolta­ïque est très forte ; les rendements vont s'améliorer, les coûts vont continuer à baisser, nous-même nous avons un plan solaire de 30 gigawatts à installer entre 2020 et 2035... Il y aura de la place pour les panneaux plus performant­s sur lesquels nous travaillon­s.»

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