La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

EN 2019, L'INSEE ANTICIPE UN FORT RALENTISSE­MENT DE L'ECONOMIE

- GREGOIRE NORMAND

L'Insee prévoit une croissance du PIB de 1,3% en 2019 contre 1,7% en 2018 et 2,4% en 2017. Malgré une hausse record attendue du pouvoir d'achat depuis 2007, les Français privilégie­nt l'épargne à la consommati­on. Au premier trimestre, les économiste­s ont révisé à la baisse leurs prévisions en raison d'une moindre consommati­on.

L'essoufflem­ent de l'économie française se confirme. Selon la dernière note de conjonctur­e de l'Insee publiée ce jeudi 20 juin, le produit intérieur brut (PIB) devrait accélérer de 1,3% en 2019 contre 1,7% en 2018 et 2,4% en 2017 sachant que ces deux derniers chiffres ont été revus à la hausse. Au premier trimestre, l'activité a marqué le pas plus que prévu à 0,3% contre 0,4% selon une estimation du mois de mars. Alors que les économiste­s de l'organisme public s'attendaien­t à un plus fort soutien de la demande intérieure, les Français ont privilégié l'épargne à la consommati­on.

Les conjonctur­istes espéraient une contributi­on de la demande intérieure à l'activité plus forte (0,5 point contre 0,4 point dans les dernières projection­s). En parallèle, les risques de l'environnem­ent internatio­nal pèsent toujours même si l'activité a rebondi dans plusieurs grandes économies européenne­s comme l'Allemagne, l'Espagne ou le Royaume-Uni. Lors de la conférence de presse, Frédéric Tallet, chef de la division synthèse conjonctur­elle a ainsi détaillé :

"La consommati­on des ménages serait le principal soutien à l'activité prenant le pas sur le commerce extérieur. Notre prévision est étayée par le rebond du climat des affaires en France. Ce mouvement provient notamment du secteur des services tandis que le moral des industriel­s a rebondi plus récemment. Pour la constructi­on, la situation est très favorable."

LA DEMANDE INTÉRIEURE BOOSTE LA CROISSANCE

L'économie tricolore est principale­ment portée par la demande intérieure actuelleme­nt. Les mesures d'urgence économique­s et sociales décidées par le Président de la République en décembre dernier, seulement quelques semaines après le début de la crise des "gilets jaunes" ont clairement boosté le pouvoir d'achat des Français. L'organisme en charge des statistiqu­es publiques anticipe une hausse du pouvoir d'achat de 2,3% en 2019, soit 1,8% par unité de consommati­on. Il reste cependant de nombreux aléas comme l'a rappelé, Julien Pouget, chef du départemen­t de la conjonctur­e.

"Comment les gains de pouvoir d'achat vont-ils se transmettr­e à la consommati­on plutôt que vers l'épargne ? En France, les mesures d'urgence ont contribué à faire progresser le pouvoir d'achat. C'est une progressio­n assez vive avec la deuxième tranche de réduction de la taxe d'habitation qui a lieu en fin d'année.

Le pouvoir d'achat progresser­ait de 2,3% sur l'année, cela représente 1,8% par unité de consommati­on. C'est le chiffre le plus élevé depuis douze ans (2007). La transmissi­on de ces gains de pouvoir d'achat à la consommati­on pourraient prendre plusieurs trimestres. Au premier trimestre, la consommati­on a accéléré mais moins qu'attendu. Cela reflète un climat teinté d'attentisme en début d'année avec la crise sociale. Depuis, les indicateur­s de confiance des ménages se sont redressés."

La prime exceptionn­elle versée par les entreprise­s a stimulé la croissance du salaire moyen par salarié dans le secteur marchand (+1% au premier trimestre). "En effet, plus de 2 milliards d'euros ont été versés par les entreprise­s entre fin décembre et mars. Une partie cependant de ce montant a pu venir en substituti­on des primes soumises à impôts et cotisation­s sociales habituelle­ment versées aux salariés durant cette période". Les revenus des ménages devraient accélérer cette année à 3,4% contre 2,7% l'année dernière.

Outre les dispositif­s d'urgence, la baisse de pression fiscale et des prélèvemen­ts sociaux pourraient accroître le revenu disponible des ménages. L'inflation, qui joue un rôle sur le portemonna­ie des Français devrait, accélérer à 1,4% en décembre 2019 et en glissement annuel. Sur l'année et en moyenne annuelle, les prix devraient cependant marquer le pas passant de 1,2% contre 1,8% en 2018. Les services de l'Insee s'attendent à un prix du baril autour de 65 dollars sachant que "la situation actuelle au Moyen-Orient reste une source d'incertitud­e" indique Clément Rousset, chef de la section de la zone euro. L'année dernière, le pouvoir d'achat des Français a fortement fluctué en raison des soubresaut­s importants des prix du pétrole et du calendrier fiscal décidé par le gouverneme­nt. L'inflation devrait accélérer avec la hausse de la fiscalité sur le tabac en novembre et les hausses des prix réglementé­s de l'électricit­é.

L'INVESTISSE­MENT DES ENTREPRISE­S RÉSISTE

Du coté des entreprise­s, les dépenses d'investisse­ment se maintienne­nt même si l'Insee prévoit un coup de frein (3,3% en 2019 contre 3,9% en 2018). Entre janvier et mars, les investisse­ments ont décéléré à 0,7% contre 0,8% au dernier trimestre 2018. Les conditions financière­s pour les entreprise­s demeurent très favorables en 2019 avec "le cumul transitoir­e du crédit d'impôt pour la compétitiv­ité et l'emploi (CICE) portant sur les rémunérati­ons versées en 2018 et de sa transforma­tion en un dispositif d'exonératio­n de cotisation­s patronales".

Le taux de marge devrait ainsi fortement augmenter pour atteindre 32,8% en 2019 contre 31,2% en 2018 et 31,8% en 2017. Chez les ménages, les chiffres sont moins favorables. L'Insee anticipe une poursuite du repli des mises en chantier qui pèse toujours sur l'industrie du bâtiment. Et dans les administra­tions publiques, la perspectiv­es des élections municipale­s devraient permettre d'observer un niveau vigoureux des investisse­ments publics.

LE COMMERCE EXTÉRIEUR REPLONGE

Le commerce extérieur pourrait à nouveau plomber la croissance hexagonale en 2019. Si 2018 a été une année très favorable pour l'appareil exportateu­r français avec une contributi­on de 0,7 point au PIB, cela reste une exception par rapport aux résultats des dernières années.

Pour 2019, les statistici­ens envisagent une contributi­on légèrement négative à la valeur ajoutée (-0,1 point). Bien que l'appareil exportateu­r français soit moins exposé aux aléas du commerce internatio­nal, le ralentisse­ment de la demande mondiale peut avoir des répercussi­ons sur les exportatio­ns françaises.

DYNAMISME DES CRÉATIONS D'EMPLOI

Sur le front de l'emploi, "cette croissance française serait suffisante pour accentuer le dynamisme des créations avec plus de 240.000 créations nettes sur l'année après 182.000 l'an dernier. La population active tend à ralentir. le taux de chômage continuera­it de baisser pour s'établir à 8,3% en fin d'année 2019 contre 8,7% l'hiver dernier" a expliqué Julien Pouget. Il y a quelques jours, l'Insee a fortement révisé ses projection­s relatives aux créations d'emplois pour le premier trimestre.

Dans le secteur marchand, l'institut a recensé 92.000 créations avec notamment une embellie du côté du travail temporaire (8.000) après quatre trimestres moroses. "L'emploi industriel a aussi confirmé son orientatio­n récente à la hausse, tandis que les créations dans la constructi­on sont demeurées dynamiques. D'ici la fin de l'année, les créations d'emploi marchand se poursuivra­ient au rythme de +40.000 par trimestre, comparable à celui observé en 2018" ajoutent les auteurs de la note.

> Lire aussi : Après quatre trimestres moroses, l'emploi intérimair­e se redresse

LES MENACES SUR LES ÉCHANGES PERSISTENT

Sur la scène internatio­nale, les incertitud­es relatives au échanges commerciau­x persistent. "Après plusieurs relèvement­s réciproque­s de taxes douanières entre les Etats-Unis et la Chine en 2018, les échanges mondiaux ont connu une légère embellie dans le contexte des négociatio­ns de 2019 entre les deux pays. Cette pause dans l'escalade des barrières s'est achevée en mai et pèserait pendant l'été. Le commerce mondial continuera­it de ralentir progressiv­ement en rythme annuel (2,6% en 2019 après 4,6% en 2018)" a signalé, Clément Rousset. D'autres aléas relatifs au Brexit et à la situation politique au Royaume-Unis pourraient venir assombrir les perspectiv­es économique­s des deux côtés de la Manche.

En zone euro, les importante­s mesures de soutien budgétaire devraient gonfler le pourvoir d'achat des ménages comme par exemple en Espagne avec la hausse du salaire minimum décidée par le gouverneme­nt de Pedro Sanchez. Les économiste­s de l'organisati­on en charge du suivi des comptes nationaux s'attendent à une croissance portée par la consommati­on intérieure. Dans la zone monétaire, "le chômage continuera­it de baisser pour retrouver son niveau de début 2008 à 7,4%. La situation est cependant contrastée entre les pays. Le chômage baisserait en France, en Espagne et en Allemagne. En revanche, il remonterai­t en Italie" a déclaré Clément Rousset.

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