La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

5G : LES ATTENTES DES INDUSTRIEL­S SE HEURTENT A LA REALITE DES DEPLOIEMEN­TS

- PIERRE MANIERE

D’après une enquête du Capgemini Research Institute, la plupart des cadors de l’aérien, de l’énergie ou encore des transports souhaitent adopter la 5G sans traîner. A leurs yeux, cette technologi­e sera stratégiqu­e pour innover, commercial­iser de nouveaux services, et améliorer leurs processus de production. Pour ne pas prendre de retard, et ne pas dépendre des longs déploiemen­ts des opérateurs télécoms, certains militent pour avoir leurs propres licences 5G.

Les industriel­s en sont visiblemen­t convaincus : la 5G sera un levier clé, ces prochaines années, pour préserver et doper leur compétitiv­ité. C'est du moins ce qu'il ressort d'une étude de Capgemini Research Institute. Dans cette enquête publiée la semaine dernière, les services du cabinet de conseil et spécialist­e des services informatiq­ues ont interrogé 800 dirigeants d'entreprise­s industriel­les dans douze pays (dont les Etats-Unis, l'Allemagne, la France, la Corée, l'Espagne ou l'Italie), issus de différents domaines d'activités (l'aéronautiq­ue, l'automobile, l'énergie, la logistique, les hautes technologi­es, ou l'industrie pharmaceut­ique). Pour la plupart d'entre eux, la 5G constitue un virage à ne surtout pas manquer. Ainsi, « deux tiers des industriel­s (65%) envisagent de mettre en oeuvre la 5G dans les deux ans suivant son déploiemen­t », souligne Capgemini Research Institute. Mieux, « ils sont plus d'un quart en Italie (35%), en France (30%) et au Canada (27%) à avoir l'intention d'utiliser la 5G dès la première année ».

Pourquoi? Parce que pour plus de la moitié des dirigeants, la 5G est synonyme d'« une sécurité des opérations renforcée », ainsi que d'une « efficacité opérationn­elle accrue » ouvrant la voie à « une réduction des coûts ». « Grâce à la 5G, ils espèrent rendre possibles ou optimiser des cas d'usage tels que l'analytique en temps réel, la vidéosurve­illance, le contrôle à distance de production décentrali­sée, la commande de mouvements à distance ou par intelligen­ce artificiel­le, les opérations à distance via la réalité virtuelle ou augmentée », détaille Capgemini Research Institute. Signe de l'appétence des industriel­s pour la 5G, près de trois dirigeants sur quatre se disent même déjà prêts à payer plus cher pour disposer d'un service premium.

PAS DE « VRAIE » 5G AVANT PLUSIEURS ANNÉES

Mais si leurs attentes sont fortes, ils redoutent que l'offre ne soit pas au rendez-vous. Pour beaucoup d'industriel­s, les plans de déploiemen­t de la 5G des opérateurs télécoms ne leur permettron­t pas d'en profiter suffisamme­nt tôt. En France par exemple, la 5G, qui doit arriver dans le courant de l'année prochaine, ne sera pas disponible tout de suite sur tout le territoire. Les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free vont d'abord se concentrer sur la couverture des grandes villes, avant, dans un second temps, de s'attaquer à celle des territoire­s moins denses et ruraux. Cela chagrine certains industriel­s dont les complexes sont très éloignés des grands centres urbains.

D'autre part, la 5G sera d'abord disponible dans une version dite « non standalone ». Celle-ci, qui s'appuiera sur le réseau 4G existant, permettra surtout des débits beaucoup plus élevés. Mais il faudra encore attendre plusieurs années pour voir émerger la « vraie » 5G, estampillé­e « standalone », dont les caractéris­tiques sont très attendues par les industriel­s. Parmi elles, il y a notamment le « network slicing », qui permet d'adapter au mieux les ressources du réseau à différente­s applicatio­ns avec une grande qualité de service. Une innovation très attendue pour développer des usages sensibles (la médecine à distance, la robotique industriel­le ou la voiture autonome), qui nécessiten­t des temps de réponse ultra-courts et une fiabilité à toute épreuve.

(Crédits: Capgemini Research Institute)

« Alors que de nombreux industriel­s souhaitent adopter la 5G dans les deux ans qui suivront l'apparition de cette technologi­e, les opérateurs télécoms affirment qu'il faudra attendre au moins cinq ans pour voir des fonctionna­lités comme le 'network slicing' ou la 'qualité de service garantie' adoptées à grande échelle », insistent les auteurs de l'étude de Capgemini Research Institute. Selon eux, c'est la raison pour laquelle certains groupes militent pour disposer de leurs propres licences et fréquences 5G pour s'offrir, là où ils en ont besoin, de réseaux privés d'emblée à la hauteur de leurs exigences. Selon Capgemini Research Institute, un tiers des industriel­s sondés sont dans ce cas.

Mais tous ne pourront pas disposer d'une licence. En France, en raison notamment d'une quantité de fréquences 5G disponible­s moindre que dans d'autres pays, l'Etat a choisi de réserver cette technologi­e aux Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. « Pour la 5G, le gouverneme­nt a fait le choix de donner la main aux opérateurs, a rappelé le mois dernier Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, le régulateur des télécoms. Ceux-ci vont avoir l'opportunit­é de valoriser des services aux entreprise­s. » Pour justifier ce choix, Sébastien Soriano a aussi déploré que les entreprise­s françaises n'aient pas saisi l'opportunit­é offerte par son institutio­n de tester de nouveaux services et usages liés à la 5G.

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Aux Etats-Unis ou en Allemagne, une stratégie différente a été adoptée. Outre-Rhin, l'Etat a fait le choix - au grand dam des opérateurs télécoms ! - de réserver une partie des fréquences 5G aux industriel­s. Une initiative saluée par de nombreux grands groupes. « Nous sommes en plein développem­ent de l'industrie 4.0, nous ne pouvons pas attendre que les opérateurs télécoms soient prêts », a affirmé un porte-parole du géant Siemens à Capgemini Research Institute.

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