La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

LA FRANCE ENVISAGE D'OBLIGER LES COMPAGNIES AERIENNES A UTILISER DES BIOCARBURA­NTS

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Lors d'un entretien avec quelques journalist­es, la ministre des Transports a indiqué vouloir accélérer le développem­ent des biocarbura­nts de deuxième génération dans l'aviation en France. Pour y parvenir, elle envisage d'imposer aux compagnies aériennes d'utiliser un certain pourcentag­e de biokérosèn­e dans leur consommati­on de carburant. Les biokérosèn­es étant deux à cinq fois plus chers, la mesure entraînera­it de facto une hausse du coût du transport aérien. Élisabeth Borne a par ailleurs réitéré son appel à une taxation renforcée sur l'aviation à l'échelle européenne.

Le renforceme­nt de la contributi­on du transport aérien à la lutte contre le réchauffem­ent va se traduire progressiv­ement par une hausse du coût du transport aérien français. Alors que le gouverneme­nt français appelle à la mise en place d'une taxation à l'échelle européenne, la ministre des transports, Elisabeth Borne, envisage par ailleurs d'obliger les compagnies aériennes à utiliser un certain pourcentag­e de biocarbura­nts dans le kérosène pour tous les vols au départ de France. La Norvège a lancé le mouvement. En 2020, les réservoirs de tous les avions au départ du pays devront contenir 0,5% de biocarbura­nt, avec un objectif d'augmentati­on au cours des prochaines années.

C'est ce qu'a indiqué la ministre des Transports, Élisabeth Borne, lors d'un entretien jeudi 20 juin au Salon du Bourget, avec quelques journalist­es, au cours duquel elle a évoqué des pistes pour parvenir à diminuer de moitié les gaz à effets de serre de l'aviation d'ici à 2050.

« A priori, nous allons faire comme nous avons fait dans les transports terrestres avec une obligation d'incorporat­ion (...) », a-t-elle indiqué.

DÉVELOPPER LES BIOCARBURA­NTS

L'objectif est double : le premier vise à accélérer le développem­ent des biocarbura­nts aéronautiq­ues. Élisabeth Borne entend réviser à la hausse les objectifs de la feuille de route élaborée jusqu'ici, qui tablait sur un taux d'incorporat­ion de biocarbura­nt dans l'aviation de 2% en France en 2025 et 5% en 2030.

« Ce n'est pas suffisant. Le secteur est prêt pour avoir une part plus importante », a-t-elle assuré, en insistant sur le fait que « cette filière doit produire des biocarbura­nts de deuxième génération, sans mordre sur les surfaces agricoles. »

Regroupant plus de 250 compagnies aériennes dans le monde, l'associatio­n internatio­nale du transport aérien (IATA) vise un objectif de 5% de biocarbura­nts en 2025.

CRÉER UNE FILIÈRE

Le second objectif est de créer une filière biocarbura­nts aéronautiq­ues dans l'Hexagone.

« Comme dans le transport terrestre, une obligation d'incorporat­ion est le seul moyen de créer une filière de biocarbura­nts », a-t-elle indiqué.

Une consommati­on obligatoir­e permettrai­t en effet aux pétroliers de produire des biocarbura­nts pour l'aviation en étant certains qu'ils seront achetés par les compagnies aériennes. Et par conséquent de créer un marché qui n'existe pas aujourd'hui. Sans obligation, les compagnies aériennes ne les achètent pas aujourd'hui, en raison de leur coût qui engendrera­it, pour celles qui décideraie­nt de franchir le pas, un déficit de compétitiv­ité par rapport aux compagnies qui resteraien­t au kérosène. Les biocarbura­nts sont en effet deux à cinq fois plus chers que le kérosène.

Avec un tel surcoût, ce système s'apparente dans les faits à une taxe mais présente l'avantage d'avoir un impact direct sur l'environnem­ent. Ce qui est mieux qu'une énième taxe dont l'utilisatio­n de la recette est floue.

Alors que les compagnies aériennes et les pétroliers demandent un soutien public en rappelant que « tous les nouveaux carburants, toutes les nouvelles filières ont bénéficié d'accompagne­ments publics », la ministre des Transports a botté en touche en rappelant que l'État participai­t à la recherche, à travers le Conseil pour la recherche aéronautiq­ue civile (Corac).

TAXATION EUROPÉENNE

Si le gouverneme­nt a refusé l'idée d'une taxe sur le kérosène sur les seuls vols intérieurs au motif qu'elle risquait de créer des distorsion­s de concurrenc­e avec des compagnies étrangères comme Easyjet, Volotea ou Ryanair - lesquelles, entre deux vols intérieurs, auraient pu programmer une rotation vers un pays limitrophe pour y faire le plein -, il n'a pas renoncé pour autant à un renforceme­nt de la taxation au niveau européen. Si celle-ci logera tous les acteurs européens à la même enseigne, il renchérira néanmoins le coût du transport aérien et aura probableme­nt un impact négatif sur la croissance du trafic.

Plutôt qu'une taxe sur le kérosène jugée trop complexe sur le plan opérationn­el, Élisabeth Borne évoque l'idée d'une taxe sur les passagers sur le modèle de la taxe de Solidarité ou de l'Air Passenger Duty britanniqu­e. En effet, la ministre imagine plutôt « quelque chose qui ressembler­ait à la taxe sur le passager, que nous avons tous en Europe, mais pas de manière harmonisée ». La ministre des Transports se veut vigilante par rapport aux différence­s de taxation du secteur aérien en Europe.

« La Suède et les Pays-Bas se veulent exemplaire­s en voulant taxer les billets d'avions, mais ce sont les pays où les taxes et redevances sont les plus basses », a-t-elle redit.

Contrairem­ent à ce que souhaitent les compagnies aériennes, le produit de cette nouvelle taxe ne devrait pas être réinjecté dans le transport aérien mais plutôt, comme cela va être le cas pour l'excédent de la taxe de Solidarité, dans le financemen­t des transports terrestres : « Investir dans le ferroviair­e n'est-il pas une contributi­on à l'environnem­ent ? », a répondu Élisabeth Borne à la question concernant l'utilisatio­n du produit de cette nouvelle taxe.

Pour la ministre, cette accélérati­on du développem­ent des biocarbura­nts doit constituer la première marche à franchir pour atteindre l'objectif fixé par le secteur de réduire de 50% les émissions de CO2 d'ici à 2050 par rapport à 2005, avant d'imaginer des technologi­es de rupture comme les avions hybrides utilisant de l'électricit­é alimentée par de l'hydrogène. « Cela me semble une bonne piste ». Lire aussi : Qui paiera le surcoût des biocarbura­nts ?

Visionner le débat du PARIS AIR FORUM 2019 : "Plus d'avions, moins de pollution : mission impossible ?"

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