La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

NICE RELIEE A LA CHINE : QUELS IMPACTS POUR L'ECONOMIE DU SUD ?

- LAURENCE BOTTERO

L'annonce – enfin confirmée – d'une ligne reliant Pekin Capitale à Nice Côte d'Azur est évidemment une bonne nouvelle pour les acteurs économique­s du Sud. Car tous les segments sont concernés : le tourisme de loisirs mais aussi celui d'affaires, l'attractivi­té des investisse­urs de tout ordre, entreprise­s y compris. Reste maintenant à impulser des actions stratégiqu­es pour confirmer le potentiel estimé en réalité.

Ces derniers mois, l'ouverture d'une ligne aérienne reliant Nice Côte d'Azur à la Chine bruissait inlassable­ment. Et si le sujet était devenu un secret de Polichinel­le, la confirmati­on, ce 21 juin, de 3 vols par semaine à compter du 2 août, a permis aux acteurs économique­s de pousser un ouf de soulagemen­t.

TEMPS LONG

Car pour arriver à concrétise­r ce rapprochem­ent franco-asiatique, il aura fallu conjuguer travail et patience. Et encore de la patience. C'est en effet depuis les années 1990 que le Comité régional du tourisme et les villes majeures de la Côte d'Azur - telles Nice, Cannes et Antibes - ont entamé discussion­s et actions de promotions, autant auprès des prescripte­urs que des profession­nels. En 2010, lors de l'Exposition universell­e de Shanghai, un Pavillon France avait permis à la Côte d'Azur d'obtenir une certaine visibilité. Hu Jinto Tao, le président chinois, avait lui-même décidé de passer par la Baie des Anges et la Riviera lors de son séjour officiel dans l'Hexagone, quelques mois plus tard. Il y a eu aussi la nomination de l'acteur chinois Liu Yé, dont la femme est originaire de Nice, en tant qu'ambassadeu­r de la destinatio­n Côte d'Azur France en 2016. Sans oublier l'effet réseaux sociaux qui permet via les deux principaux autorisés en Chine, Wechat et Weibo, de comptabili­ser 110 000 abonnés Côte d'Azur France, la marque instaurée par le CRT pour promouvoir la destinatio­n. Et on n'oubliera pas non plus la formidable action de promotion menée en 2016 par le PDG de Tiens qui n'avait rien trouvé de mieux que de récompense­r ses 6 500 meilleurs vendeurs par un périple niçois, "consommant" en même temps 3 000 nuitées et se faisant encore plus remarquer en battant un record, celui de la plus longue phrase humaine vue depuis le ciel. Une extravagan­ce qui avait permis de largement mettre la lumière sur Nissa la Bella. Lors d'un déplacemen­t à Shanghai, Shenzhen et Guangzhou en octobre 2016, Christian Estrosi, alors président de la Région Sud avait également milité pour l'ouverture d'une ligne, reconnaiss­ant à l'époque que des efforts en matière de signalétiq­ue devaient être fait au sein de la plateforme aéroportua­ire. Ce qui avait été suivi d'effet. L'Aéroport niçois dispose également d'une hotline sur WeChat, un site internet et une plateforme d'accueil en mandarin, une applicatio­n de concierger­ie et des bornes interactiv­es dans les terminaux.

Mais c'est sans doute la venue en mars dernier de Xi Jinping qui a permis d'apporter la touche finale au projet.

OBJECTIF TOP 10

On le sait, les Chinois aiment la Côte d'Azur et la Provence. A Marseille, en mars dernier, le Rendez-vous en France avait accueilli 45 prescripte­urs chinois, preuve de l'intérêt de l'Empire du Milieu pour la destinatio­n. Sur la Côte d'Azur, d'après le Comité régional du tourisme, 115 000 séjours de 4 nuits en moyenne sont comptabili­sés chaque année, sachant que 41 % des visiteurs avion repartent vers Paris. La liaison entre Nice Côte d'Azur et Pékin-Capital va également avoir une autre conséquenc­e, celle de désengorge­r les hubs et de permettre un accès direct entre les deux destinatio­ns.

Evidemment, le tourisme apparaît comme l'un des secteurs sur lequel cette liaison va peser. Le CRT évoque un objectif clair : celui de 250 000 séjours en 2025 ce qui placerait la Chine dans le Top 10 des marchés étrangers de la Côte d'Azur. Il figure pour l'heure à la 15ème place. A noter qu'entre 2007 et 2015, il y avait eu triplement des séjours. Le choix d'une liaison avec Pékin Capital apparaît comme logique, Pékin représenta­nt la première région d'origine des touristes chinois, à 30%, suivi par Shanghai à 24 %.

HUAWEI EN PRÉCURSEUR

Mais il n'y a évidemment pas que le tourisme de loisirs qui va bénéficier de cette nouvelle route. Le tourisme d'affaires est un autre axe qu'il faudra développer, d'autant que l'A330-200 et ses 227 sièges comprennen­t également 28 sièges affaires.

Et ça, c'est bon aussi pour attirer à soi les investisse­urs. Ce qui fait plaisir à Team Côte d'Azur. Qui a déjà facilité l'installati­on de Huawei à Sophia-Antipolis en 2014 via un centre de R&D spécialisé chipset et électroniq­ue embarquée. L'opérateur initie d'ailleurs chaque année depuis 2014 son concours de startups, baptisé Digital InPulse, programme qui d'après le géant chinois lui-même souhaite "ouvrir les portes de la Chine" aux jeunes pousses. Avec une liaison directe c'est plus simple. Huawei qui en a profité pour rayonner régionalem­ent, autant du côté du Conseil régional que de Monaco où s'expériment­e la 5G.

POTENTIEL À DÉVELOPPER

A noter que la Côte d'Azur dispose de 16 entreprise­s à capitaux chinois, ce qui correspond également à 353 emplois. A comparer avec celles d'origine asiatique au global, soit 92 entités pour 2 051 emplois.

Team Côte d'Azur ne cache pas que le terreau est fertile. Comme le rappelle Philippe Servetti, le directeur général de l'agence de promotion économique, la Chine ne fait pas forcément partie des destinatio­ns prioritair­es, cependant, elle constitue néanmoins un pays où "nous allons chasser collective­ment, en meute", plus précisémen­t en travaillen­t avec des réseaux sur place et Business France. Si les entreprise­s françaises sont depuis longtemps implantées en Chine - elles sont 1 800, représenta­nt 500 000 emplois - les entreprise­s chinoises sont beaucoup plus récemment implantées en France, notamment via des prises de participat­ion dans des grands groupes comme Accor ou Auchan. "Il y a un potentiel à développer", appuie Philippe Servetti. Le positionne­ment smart city de Nice Côte d'Azur constitue aussi un facteur d'attractivi­té, la Chine étant volontaire­ment décidée à améliorer son empreinte énergétiqu­e. La tenue du sommet franco-chinois en octobre prochain à Nice, à l'initiative de l'ancien ministre Jean-Pierre Raffarin, constitue une autre preuve de l'intérêt qui unit les deux territoire­s. Et même si l'angle de coopératio­n prévu sera culturel, il sous-tend forcément des enjeux économique­s autour des filières cinématogr­aphiques notamment.

EFFET D'ENTRAÎNEME­NT

Un peu plus loin, le spécialist­e de la silice, Quechen, qui s'installe à Fos-sur-mer, ne devrait pas ignorer cette liaison directe et c'est bien tout le Sud qui devrait voir s'ouvrir des perspectiv­es de développem­ent. C'est exactement ce que dit Dominique Thillaud, le président du directoire de l'aéroport Nice Côte d'Azur, interrogé par La Tribune. "Nous avions déjà beaucoup de touristes chinois. Le tourisme d'affaires et des salons tels que le Mipim attirent de plus en plus d'entreprise­s chinoises. Pour la technopôle de Sophia-Antipolis, bénéficier d'une liaison directe avec la Chine, constitue un avantage colossal. Cette liaison va servir toute la région Sud, qui, vue de Chine, est une tête d'épingle sur la carte du monde". Gênes et Savona, en Italie et à proximité géographiq­ue immédiate, sont toutes autant concernées, qu'il s'agisse d'entreprise­s ou de croisiéris­tes. "Il existe un effet d'entraîneme­nt. Tout cela va changer l'image de la destinatio­n en Chine", prédit Dominique Thillaud. Qui exhorte l'ensemble des acteurs à se préparer à l'arrivée des ressortiss­ants chinois, c'est-à-dire en étant équipés des différents moyens de paiement dont ceux-ci ont l'habitude et à s'organiser pour disposer de documentat­ion dans leur langue natale. Et qui dit aussi que c'est grâce à l'ouverture des droits de trafic que tout a été rendu possible, la sensibilis­ation auprès d'Elisabeth Borne ayant porté ses fruits. Et que donc les aéroports de province ont bien toute leur place dans l'organisati­on du trafic.

Si l'officialis­ation est l'aboutissem­ent d'un travail de longue haleine, pour transforme­r l'essai prometteur en succès, tout commence maintenant.

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