La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
UNE UNION EUROPEENNE REEQUILIBREE ET ENFIN REPOLITISEE
OPINION. Les élections européennes du 26 mai dernier ont mis fin à la domination historique du duopole sociaux-démocrates du S&D et démocrates-chrétiens du Parti populaire européen, entraînant de facto un rééquilibrage politique sans précédent au sein du Parlement européen. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, président de j c g a.
Après les élections européennes qui ont fait exploser les rapports de force au sein du Parlement européen et dégagé le système historique de domination bipartisane associée du PPE et du S&D, le lobbying, les négociations ont immédiatement débuté. D'abord pour concrètement constituer les groupes politiques d'une prochaine Assemblée très fragmentée, pour se répartir aussi les postes en son sein, et au delà, tenter de peser sur les nominations aux principaux postes de l'écosystème institutionnel de l'Union. Lors du précédent Conseil, les chefs d'Etats et de Gouvernements avaient eux aussi débuté leur propre conversation sur ces postes stratégiques.
Ils se retrouvent ce jeudi et vendredi à Bruxelles pour tenter de s'accorder entre eux avant de le faire avec le Parlement nouvellement élu, sur un paquet de nominations qui outre la Présidence star de la Commission européenne comprendra aussi les présidences du Parlement et du Conseil ainsi que le poste ministère des Affaires étrangères de l'UE. La présidence de la Banque centrale européenne sera l'objet d'une négociation spécifique. Les pays membres ont précisé une liste de critères pour cadrer la décision finale : équilibres nord-sud, ouest-est, politiques, et grande nouveauté parité hommes-femmes. Une violente bataille s'est donc déjà engagée qui durera probablement jusqu'à la fin de l'été avant qu'ensuite soient validé le programme de la Commission pour 2019-2024 puis plus tard voté le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027
UNE MODIFICATION PROFONDE DES ÉQUILIBRES INTERNES ET DES RAPPORTS DE FORCES ENTRE LES INSTITUTIONS DE L'UNION
L'objet de ce texte n'est pas de tenter d'analyser le processus en cours comme nous l'avons fait en affirmant dans ces colonnes que « la France doit livrer et gagner la bataille des postes clés de l'Union européenne » . Certains annoncent une équipe Merkel-Vestager-Timmermans-Villeroy de Galhau pour dans l'ordre présidences de la Conseil, celle de la Commission, le ministère des Affaires étrangères et la présidence de la Banque centrale européenne. De mon côté, pour le plaisir du pari, je mise sur un ticket Barnier / Vestager Président et Vice Présidente de la Commission, Merkel, et oui, au Conseil, le polyglotte Timmermans chef du service d'action extérieure, et j'ajouterait Guy Verhofstadt au Parlement et Jens Weidmann, l'actuel patron de la Bundesbank à la BCE. Ce qui donnerait à l'Union une équipe puissante pour jouer l'intense et instable compétition des blocs de la mondialisation.
Comme Emmanuel Macron, qui se projette peut-être déjà secrètement sur l'après second mandat présidentiel en France et 2029, nous pensons que : "l'Europe a besoin de visages, de personnalités fortes, de gens qui ont une crédibilité personnelle et les compétences nécessaires pour occuper les postes qu'ils occupent". Au delà des nominations aux principaux postes, le plus intéressant, et de loin, avec cette année 2019, c 'est que l'ensemble des institutions européennes voient leurs équilibres internes évoluer sans oublier leurs rapports de forces entre elles. Nous assistons à une évolution vers une série de rééquilibrages entre les institutions et au sein des institutions qui au surplus vont se repolitiser.
UN PARLEMENT RÉÉQUILIBRÉ ET REPOLITISÉ
Nous l'avons décrit dans ces colonnes cette élection a mis fin à la domination historique du duopole sociaux-démocrates du S&D et démocrates-chrétiens du Parti populaire européen. Pas vraiment une élimination, mais un rééquilibrage politique interne qui propose une repolitisation par émiettement sans précédent des futurs travaux du Parlement.
Au delà de la présente période de répartition des postes, la majorité politique sortie des urnes a moins d'importance dans la vie parlementaire européenne. Les dossiers, les enjeux, et les géographies d'intérêts créent leurs propres majorités de vote. C'est une dynamique à majorité politique variable qui prévaut et qui sera encore plus active dès juillet.
UNE NOUVELLE PARTITION GÉOGRAPHIQUE DU PARLEMENT