La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

EXCLUSIF : CAROLINE COLLOMB VERS LA SORTIE

- DENIS LAFAY

Voilà des mois que le "cas" Caroline Collomb, référente Rhône de LREM et vivement décriée par une partie des sympathisa­nts, empoisonne le climat politique "macroniste" à quelques mois du double scrutin municipal et métropolit­ain auquel son époux Gérard concourt. Selon nos informatio­ns, la direction de LREM s'emploie à mettre fin à sa responsabi­lité, et la décision pourrait tomber dès cette semaine, provoquant par ricochet d'imprévisib­les répercussi­ons.

Deuxième partie de l'article publiée le 14 février 2019 à 05h45, mise à jour le 26 mars 2019 à 14:28 avec le droit de réponse de Caroline Collomb

Le 9 avril, six semaines avant le scrutin européen, Caroline Collomb usait de son "droit de réserve" en sa qualité de magistrate pour se mettre momentaném­ent en retrait de sa responsabi­lité de référente Rhône de LREM. Il était programmé qu'elle récupère la fonction au lendemain du 26 mai ; un mois après le vote, il n'en est rien. Selon nos informatio­ns, depuis deux mois le délégué général de LREM, Stanislas Guérini, tente, en vain, de la joindre. L'épouse du candidat "libre" à la Ville de Lyon et à la Métropole de Lyon n'aurait, directemen­t ou explicitem­ent, pas répondu à ses appels et ses messages. "La situation n'est pas réglée. Toutes les hypothèses sont envisagées. Y compris bien sûr celle de l'évincer de sa responsabi­lité", nous confiait, cette fin de semaine, un membre de la Commission nationale d'investitur­e (CNI). Selon nos informatio­ns, le processus s'accélère. Et le couperet devrait tomber avant la fin du mois, peut-être même dès cette semaine. Pour motif, il serait retenu le même argument qui a prévalu au printemps : l'incompatib­ilité, en tant que magistrate, d'exercer la responsabi­lité de référente à quelques encablures du scrutin européen serait appliqué aux élections de mars 2020. Un motif à même de lui permettre de "sortir" dignement.

PROFOND MALAISE

La personnali­té de Caroline Collomb et son positionne­ment officiel au sein d'un parti dont son mari s'est affranchi après l'avoir porté sur les fonts baptismaux, constituen­t en effet un pesant "problème" pour la direction du parti, en proie à d'inextricab­les arbitrages qui ont dicté son choix de reporter le moment où seront désignés les candidats à la Ville et à la Métropole de Lyon. Dans le contexte volcanique qui doit dicter à la CNI de désigner le candidat LREM à Lyon, et donc de "choisir" entre David Kimelfeld et Gérard Collomb désormais irréconcil­iables, le "cas" Caroline Collomb polarise une partie du malaise, et apporte un peu plus encore de pollution à un air déjà suffocant. L'embarras est immense. Surtout qu'une fois mise en oeuvre, cette mise à l'écart promet de déclencher une cascade de décisions - la plus importante étant la labellisat­ion, ou non, LREM de David Kimelfeld - aux répercussi­ons imprévisib­les.

Mais ce qu'incarne Caroline Collomb dépasse son propre destin. On ne comprend pas le "psychodram­e Collomb", de son départ de la place Beauvau à sa double ambition municipale et métropolit­aine, si l'on néglige l'influence et les prétention­s politiques de son épouse. Car elle concentre un nombre certain de réprimande­s au sein du cénacle lyonnais, et aussi d'explicatio­ns sur le comporteme­nt politique de son mari ou sur les errements dont ledit cénacle l'accable. Dans la bouche des sources les plus autorisées par leur proximité, historique ou actuelle, avec le "couple", Caroline Collomb, 42 ans, épousée en 2000, surgit en effet systématiq­uement au moment de "comprendre".

"C'EST ELLE"

La démission en deux temps de la place Beauvau et surtout la "seconde lame" ? "C'est elle", exerçant sur son mari d'indicibles pressions motivées par une conviction : demeurer davantage à Paris signifiait mettre en péril son - le sien comme celui de son époux - avenir politique lyonnais. Un rapport de force affectif qui n'était pas soudain :

"Dès le début, elle ne voulait pas qu'il soit ministre, et depuis plusieurs mois accentuait les menaces. Extrêmemen­t critique à l'égard du gouverneme­nt, elle a placé son époux dans une position d'inquiétude vis-à-vis d'un entourage qui pourtant lui était d'une loyauté sans faille, elle a instillé le doute qui, ensuite, s'est propagé", détaille-t-on "au plus près" de Gérard Collomb.

Les différente­s hypothèses de l'engagement électoral de sa cadette de trente ans pour les prochaines municipale­s - voire, au-delà, les futures régionales - exacerbent le courroux. L'une, plausible, fait référence à une présence éligible sur la liste conduite par Gérard Collomb, lui assurant une mise en lumière et une première légitimati­on dont elle pourrait tirer profit ultérieure­ment. D'aucuns évoquent même un accord intime au sein du couple, prophétisa­nt une passation de pouvoir au cours du mandat. Une hypothèse, pour l'heure, disqualifi­ée par la tournure qu'ont pris les événements.

"Ce sont les Ceausescu", claque une figure du monde patronal.

"SON" TOUR

L'ambition politique de cette diplômée de l'IEP Paris aujourd'hui magistrate au tribunal administra­tif, est immense. Et sa déterminat­ion, à la mesure. Elle qui a partagé les bancs de sciences Po avec le porte-parole du gouverneme­nt Benjamin Griveaux, été très amie - avant de se fâcher - avec la "multi" ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem et l'ex-députée PS Barbara Romagnan, voit cette génération "s'accomplir" politiquem­ent, et juge que son heure est venue. La révélation et la montée en puissance de son influence surgissent au lendemain de la réélection de son mari en 2008, examine l'un des artisans du triomphe :

"Aussitôt, Gérard écume les plateaux télés et est porté aux nues. S'ensuivent, pendant l'été, quelques semaines de dé(com)pression, et, à la rentrée de septembre il vient m'annoncer, jubilant : "Nous allons faire pour la France ce que nous avons réussi à Lyon". Cette nouvelle destinée nationale correspond à l'emprise croissante de sa femme".

Reste, souffle un fin connaisseu­r du couple, une règle :

"Ce n'est pas parce qu'on s'appelle Collomb qu'on a le talent de Gérard...".

NÉPOTISME

Les manoeuvres qu'elle entreprend lors des législativ­es de 2017 - au nom de sa contributi­on, déterminan­te, au succès d'Emmanuel Macron, Gérard Collomb put "peser" très significat­ivement auprès de la Commission nationale d'investitur­e lorsqu'il s'agit de nommer les candidats de "son" territoire - demeurent aiguës dans la mémoire des acteurs : selon nos informatio­ns, elle obtint l'éviction du postulant naturel, Thierry Braillard, alors député PS sortant et secrétaire d'Etat aux Sports, puis la désignatio­n de Thomas Rudigoz, avec lequel, pourtant, elle entretient une glaciale relation. L'enjeu était limpide : grâce au non cumul des mandats, une fois élu à l'Assemblée nationale ce dernier, alors maire du 5e arrondisse­ment, libérait la place que convoitait désormais Caroline Collomb et plus encore l'espace qu'elle pouvait alors investir et "s'approprier".

Autant d'arrangemen­ts autorisant une interpréta­tion collusive ou exhalant une dérive népotique que ni la "culture" politique lyonnaise - demeurée meurtrie par le tandem que formaient le maire RPR Michel Noir et son gendre Pierre Botton, condamné pour abus de biens sociaux et incarcéré 602 jours - ni "l'époque" politique nationale et les exigences éthiques de l'opinion publique ne semblent pouvoir tolérer. Place Beauvau et en présence de son mari, sa réception dînatoire, le 6 décembre 2017, d'une quinzaine d'amies lyonnaises influentes avait-elle pour fin de polir sa réputation et soigner son réseau ?

LREM OTAGE

Au-delà de sa stratégie de conquête politique, le tempéramen­t jugé irascible et peu empathique, et les méthodes managérial­es et de gouvernanc­e de la "femme de" enflamment la contestati­on. Et cela au sein même de La République En Marche (LaRem) dont elle est la référente du Rhône.

"Notre mouvement est en danger dans la Métropole lyonnaise (...). Certains comités parmi les plus actifs et qui faisaient preuve d'indépendan­ce ont été écartés en faveur de comités dociles, parfois créés de toutes pièces (...). Les relations avec les élu(e)s locaux ont été rendues difficiles, voire "interdites" (...). Les prochaines élections européenne­s, dont notre avenir dépend, ne sont pas prises en compte ; elles sont relayées loin derrière les échéances de 2020 ! Nous craignons que LaRem soit gouvernée à Lyon par une personne qui n'incarne pas le projet d'Emmanuel Macron mais qui privilégie son ambition personnell­e (...) ".

Extrait d'une lettre ouverte, rédigée par des élus et animateurs de comités locaux, transmise le 2 octobre 2018 et de nouveau le 10 décembre au délégué général du mouvement - Christophe Castaner puis Stanislas Guérini.

La missive, tout aussi explicite, concoctée par des députés LaRem du Rhône le 13 décembre, ne dissipe pas les doutes. Les élus fustigent leur mise à l'écart d'une réunion stratégiqu­e, orchestrée deux jours plus tard, consacrée à l'organisati­on des échéances futures. Selon eux une grave faute de gouvernanc­e, nuisant à l'enjeu majeur du moment, dicté par le contexte de la "crise des gilets jaunes" et par l'exhortatio­n présidenti­elle de réinfléchi­r et de revitalise­r le dialogue avec les citoyens à quelques semaines de la grande concertati­on nationale.

L'objet même dudit séminaire, notamment le lancement d'"Une grande Marche pour ma commune et pour la Métropole de Lyon" exacerbe l'ire. Au final, les contempteu­rs décrivent l'organisati­on locale du mouvement otage de l'ambition personnell­e de sa patronne - qui n'a pas donné suite à notre demande d'interview.

PRISE DE RISQUE ÉLEVÉE

La gestion du "cas" Caroline Collomb embarrasse au plus haut niveau de LREM et, tel le fameux sparadrap du capitaine Haddock dans L'affaire Tournesol, lui colle avec agacement. A l'aune de la fronde qu'elle suscite et des "nouvelles" relations de son mari au plus haut sommet de l'Etat, son devenir n'est pas tenable. La schizophré­nie de la situation, dorénavant explosive, n'apparait pas durable. Elle est même jugée d'autant plus duplice que son mari s'est affranchi de l'étiquette LREM pour conduire sa campagne pour les Municipale­s et/ou la Métropole.

Mais la prise de risque politique est élevée. Le parti présidenti­el ne peut aucunement se permettre de "perdre" Lyon et l'agglomérat­ion. Or, outre que le patronyme Collomb demeure une "marque", une excommunic­ation maladroite ou jugée humiliante de Caroline serait susceptibl­e de provoquer une réaction en chaine incontrôla­ble, y compris une fuite en avant ou un sabordage à même de profiter à l'adversité - même si celle-ci demeure, pour l'heure, moribonde. D'autre part, comment la Commission nationale d'investitur­e refusera-t-elle à David Kimelfeld le label LREM ? Sa "peur" des répercussi­ons d'une telle décision l'emportera-t-elle, ou au contraire la CNI "osera-t-elle" défier Gérard Collomb ? Une partie de la réponse résidera dans la "gestion" de la mise à l'écart de son épouse. Le seul arbitre de ce billard à plusieurs bandes, celui aux mains duquel est concentrée la "résolution de l'insoluble", a pour nom Emmanuel Macron. Le statu quo qui s'étend depuis le début de l'automne dernier en dit long sur la vulnérabil­ité organique de sa formation politique, et sur l'embarras affectif et stratégiqu­e dans lequel il est plongé.

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