La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Le Grand Paris Express trace lentement sa voie

- CESAR ARMAND

Depuis son lancement en 2009, le supermétro, indispensa­ble au succès du Grand Paris, avance cahin-caha dans les sous-sols francilien­s.

Et de trois ! Le 23 mai dernier, la Société du Grand Paris a émis son troisième green bond, cette fois d'1 milliard d'euros et d'une durée de trente ans. Il s'ajoute à une première obligation verte de dix ans de 1,75 milliard d'euros et à une deuxième de 2 milliards d'euros de quinze ans. Depuis sa naissance en 2010, l'établissem­ent public d'État chargé de construire le Grand Paris Express a toujours besoin de financemen­ts. « À l'époque, pour l'ensemble du projet, le chiffre de 20 milliards est avancé », écrit Pascal Auzannet dans Les Secrets du Grand Paris (2018, Hermann, 196 p. 20 euros). À ce jour, le coût estimé du projet est de 35 milliards d'euros.

Outre des prêts de la Banque européenne d'investisse­ment et de la Caisse des dépôts, le Grand Paris se finance grâce à la fiscalité sur les entreprise­s francilien­nes. En 2018, elles ont ainsi payé 320 millions d'euros de taxes sur les bureaux et les locaux commerciau­x, et 70 millions d'imposition forfaitair­e sur les entreprise­s de réseau, auxquels il faut ajouter 120 millions de taxe spéciale d'équipement payée par les contribuab­les, soit 510 millions. Ce n'est pas tout, depuis le début de 2019, il faut y ajouter une taxe additionne­lle régionale de 15 % à la taxe de séjour en Île-de-France, ainsi qu'une augmentati­on de 10 % de la taxe sur les bureaux et les locaux commerciau­x (parkings inclus) de Paris et des Hauts-de-Seine. D'après les calculs du député (LR) Gilles Carrez, missionné par les gouverneme­nts successifs sur les ressources, cela rapportera 160 à 170 millions d'euros supplément­aires par an à la Société du Grand Paris (SGP).

LE FUTUR SUPER-MÉTRO, UN GAGE D'ATTRACTIVI­TÉ POUR LES TERRITOIRE­S ENCLAVÉS

Car le Grand Paris Express demeure la condition sine qua non du succès du Grand Paris. Dans son discours fondateur du 29 avril 2009, le président Sarkozy expliquait qu'il fallait « raccourcir les temps de trajet et créer à l'échelle de la métropole un système de transport aussi performant et aussi commode que celui de Paris intra-muros ». L'article 1 du projet de loi du Grand Paris du 3 juin 2010 y fait aussi référence : « Ce projet s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs, dont le financemen­t des infrastruc­tures est assuré par l'État. » Dix ans plus tard, le super-métro est en outre attendu par de nombreux territoire­s, comme le seul et unique moyen de leur redonner de l'attractivi­té. L'actuel gouverneme­nt a certes présenté un nouveau calendrier en février 2018 et procédé à la nomination d'un nouveau président du directoire il y a un an, mais il n'empêche : les élus locaux sont impatients de le voir arriver en temps et en heure.

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Ils misent sur les gares de demain pour concevoir de nouvelles politiques d'aménagemen­t, délivrer des permis de construire et surtout offrir des opportunit­és économique­s et sociales à leurs habitants, souvent « assignés à résidence » voire «en délit de code postal ». A contrario, sur le plateau de Saclay, dans l'Essonne, symbole du rayonnemen­t scientifiq­ue du Grand Paris mais saturé en termes de mobilité individuel­le et de transports en commun, le Grand Paris Express devrait arriver avec six mois d'avance par rapport au dernier agenda de l'exécutif. Initialeme­nt programmée pour 2024 puis pour 2027 à la suite de l'annulation de l'Exposition universell­e de 2025, la portion de la ligne 18 entre l'aéroport d'Orly et la gare CEA Saint-Auban est désormais prévue pour le second semestre 2026. « Je veux y croire », souligne Jean-François Vigier, maire (UDI) de Bures-sur-Yvette (Essonne) et vice-président chargé du développem­ent économique de l'agglomérat­ion. « Ça va être un événement déclencheu­r pour l'arrivée d'entreprise­s. Beaucoup ont été refroidies par le décalage de trois ans. »

Pendant ce temps et malgré d'inévitable­s aléas de chantier, les tunneliers, majoritair­ement fabriqués en Allemagne et réassemblé­s sur site, continuent de creuser dans les sous-sols grandparis­iens. Fin avril, une quatrième chenille d'acier de 100 mètres de long et de 10 mètres de diamètre, pesant 1 500 tonnes, est partie de la future gare d'Arcueil-Cachan (ligne 15 Sud) vers Villejuif Louis-Aragon. Les deux prochaines partiront de la friche Arrighi de Vitry-sur-Seine, l'une avant l'été vers Villejuif Louis-Aragon, la seconde à l'automne en direction de la gare de CréteilL'Échat. Objectif de la SGP : avoir quinze ou seize machines en activité d'ici à la fin 2019. En 2021 et « au maximum » selon son patron Thierry Dallard, le «chantier du siècle » sera creusé, en simultané, par 21 tunneliers !

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