La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Les impôts de production dans le viseur du conseil d'analyse économique

- GREGOIRE NORMAND

Le centre de recherches rattaché aux services du Premier ministre préconise de supprimer la contributi­on sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour renforcer la compétitiv­ité de l'appareil productif français.

Le centre de recherches rattaché aux services du Premier ministre préconise de supprimer la contributi­on sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour renforcer la compétitiv­ité de l'appareil productif français.

Les leviers pour tenter d'améliorer la compétitiv­ité des entreprise­s françaises suscitent toujours autant de débats. Dans une note réalisée par le conseil d'analyse économique (CAE) publiée ce mardi 25 juin, le président du centre de réflexion, Philippe Martin, et l'économiste à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Alain Trannoy, plaident pour la suppressio­n totale de la contributi­on sociale de solidarité des sociétés (C3S) calculée sur le chiffre d'affaires des entreprise­s. Outre cette taxe, ils ont examiné l"impact de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprise­s (CVAE) et la cotisation foncière des entreprise­s (CFE) sur le comporteme­nt des firmes. À eux seuls, ces trois prélèvemen­ts représente­nt 24,3 milliards d'euros recettes pour les finances publiques.

Dans le contexte actuel de relance de l'activité par des mesures en faveur du pouvoir d'achat, il se pourrait que le gouverneme­nt fasse encore traîner ces dossiers. En effet, l'exécutif planche depuis longtemps sur ce vaste chantier réclamé par le patronat français. En mai 2018, lors d'une réunion du Conseil national de l'industrie (CNI), le Premier ministre Edouard Philippe avait écarté de nouvelles baisses d'impôts de production pour les entreprise­s avant 2020 en évoquant "un environnem­ent contraint" au niveau budgétaire et la nécessité d'une concertati­on avec les collectivi­tés territoria­les.

Avec la crise des "gilets jaunes" et les mesures d'urgence économique­s et sociales, l'exécutif pourrait une nouvelle fois revoir ses ambitions à la baisse. Par ailleurs, la baisse de la fiscalité sur les ménages de 5 milliards d'euros annoncée par Emmanuel Macron pourrait limiter les marges de manoeuvre du gouverneme­nt sur les impôts de production.

> Lire aussi : Fiscalité de production : le gouverneme­nt revoit ses ambitions à la baisse

DES EFFETS EN "CASCADE" POUR LA C3S

La contributi­on sociale de solidarité des sociétés (C3S) pèse environ 3,8 milliards d'euros en 2019. Pour l'organisme rattaché au Premier ministre, "la C3S est l'impôt le plus nocif à supprimer en priorité". Selon Philippe Martin, "c'est une aberration économique de taxer le chiffre d'affaires". Cette fiscalité, qui repose sur le chiffre d'affaires, entraîne des effets de "cascade" importants sur la chaîne de production, "parce qu'à chaque étape de production la taxe elle même est taxée". D'après les travaux menés par le CAE, cette taxe aurait des répercussi­ons sur le choix des entreprise­s d'intégrer ou non des services en interne ou de procéder à des délocalisa­tions. Outre ces risques, "elles mettent en danger l'existence même de certaines entreprise­s fragiles". Enfin, elles "représente­raient une taxe sur les exportatio­ns et une subvention à l'importatio­n".

Sa suppressio­n pourrait réduire le déficit manufactur­ier de 14% en augmentant les exportatio­ns et en réduisant les importatio­ns. Elle pourrait également accroître les gains de productivi­té d'après les calculs des auteurs. Pour tenter de compenser le manque à gagner pour l'administra­tion fiscale, les économiste­s proposent, à partir d'une précédente note publiée en début d'année, de revenir sur les allègement­s de cotisation­s sociales pour les salaires intermédia­ires qui n'ont pas fait leur preuve pour redynamise­r la compétitiv­ité des entreprise­s. "Ces baisses de charges au-dessus de 1,6 SMIC) pourraient être reconfigur­ées de telle sorte que l'impact de la suppressio­n de la C3S soit neutre sur les finances publiques et pour les entreprise­s au niveau global", expliquent les experts.

> Lire aussi : La baisse des charges au-dessus de 1,6 SMIC critiquée par des économiste­s

LA CVAE EN LIGNE DE MIRE

L'autre taxe sur laquelle ont insisté les universita­ires est la contributi­on sur la valeur ajoutée des entreprise­s (CVAE). Si en apparence, cette fiscalité est "moins nocive car elle ne taxe pas de façon asymétriqu­e les différents facteurs de production et ne taxe par les consommati­ons intermédia­ires", elle peut générer des distorsion­s. "En taxant à la fois la masse salariale et l'excédent brut d'exploitati­on, il affecte directemen­t les capacités d'investisse­ment des entreprise­s, faute de pouvoir déduire de la base taxable des charges économique­ment liées à leur production" résument les économiste­s. Pour favoriser la simplifica­tion des la fiscalité des entreprise­s, l'organisati­on propose même de privilégie­r la disparitio­n de la CVAE plutôt que de prévoir de nouvelles baisses d'impôt sur les sociétés "au-delà de celles déjà programmée­s".

La suppressio­n de cet instrument fiscal pourrait être risquée. En effet, les collectivi­tés locales dépendent en bonne partie du produit de cette taxe qui rapporte environ 14 milliards d'euros en 2019. Déjà sous pression, les administra­tions locales ont eu des relations tendues avec le pouvoir central depuis le début du quinquenna­t d'Emmanuel Macron même si ce dernier a affiché sa volonté de mieux prendre en compte les corps intermédia­ires depuis la crise des "gilets jaunes".

Pour éviter un nouvel affront sur le sujet des ressources, les économiste­s préconisen­t de "ne pas créer un nouvel impôt local sur les entreprise­s mais d'affecter une fraction d'un impôt national tel que la TVA avec pour clé de répartitio­n l'emploi et le foncier des entreprise­s". Alain Tranoy a par exemple évoqué la suppressio­n de la niche sur la TVA appliquée dans la restaurati­on qui n'a pas rempli ses objectifs en termes de réduction des prix aux consommate­urs et d'emplois comme l'ont montré plusieurs études. Les experts proposent également d'élargir la base taxable de l'impôt sur les sociétés avec une taxation plus efficace des multinatio­nales.

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