La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Municipale­s à Lyon : LREM pris au piège et au pied du mur

- DENIS LAFAY

La Métropole définitive­ment dans le viseur de Gérard Collomb ? Son ex-dauphin David Kimelfeld, lui aussi candidat, sera-t-il adoubé par LREM ? Les Républicai­ns, déstabilis­és par la déroute de Laurent Wauquiez aux Européenne­s puis sa démission, ont-ils encore le temps de placer un candidat "potentiell­ement vainqueur" ? En faveur de qui la " gauche" non macronienn­e se positionne­ra-t-elle ? La notoriété de Gérard Collomb peut-elle suffire face à l'incandesce­nce des hostilités ? Quels sont les tandems ville de Lyon - Métropole qui seront constitués ? Le paysage commence de s'éclaircir, mais le brouillard demeure encore épais et donc l'éventail des supputatio­ns considérab­le. L'arbitrage de la commission nationale d'investitur­e de LREM, est attendu avec impatience. Et, quel qu'il soit, devrait mettre le feu aux poudres.

L'élection programmée à la fin du mois de mars 2020 cumulera les scrutins municipaux et, pour la première fois au suffrage universel, métropolit­ain. La Métropole de Lyon sera quadrillée en 14 circonscri­ptions, chacune donnant droit à un nombre de sièges calculé au prorata des population­s y résidant. Le vainqueur d'une commune et de la Métropole ne pouvant cumuler les deux fonctions, il sera sommé de faire un choix.

A ce titre, alors que David Kimelfeld a circonscri­t sa candidatur­e à la Métropole, Gérard Collomb a de son côté précisé le strapontin qu'il lorgne en priorité... tout en laissant planer le doute sur son double engagement municipal et métropolit­ain. Il ne fait toutefois guère de doute qu'il convoitera l'instance suprême, composant alors un tandem à la Ville.

La conquête de Lyon n'assurera celle de la Métropole que si elle agrège d'autres vainqueurs - en premier lieu celui de Villeurban­ne. Or, Gérard Collomb, élu fragile président en 2014 au prix d'alliances vulnérable­s, doit faire le constat aujourd'hui que l'opposition à sa candidatur­e est aigüe.

LA DROITE DANS LE DOUTE

Cette opposition émane en premier lieu de son propre camp. Si l'ex-maire Georges Kepenekian, qui le remplaça le temps de son parcours ministérie­l, confirme son soutien à David Kimelfeld - en ambitionna­nt même le strapontin d'édile -, cela prendra la forme d'une éruption aux conséquenc­es, pour l'ancien ministre, délicates ; la réputation et la puissance des réseaux de l'inlassable défenseur de la cause arménienne et ex-fidèle compagnon de route, pourraient se révéler clés.

Les socialiste­s "historique­s" - dont le maire de Villeurban­ne, Jean-Paul Bret, qui ne se représente pas - quant à eux sont désolidari­sés de sa politique, surtout depuis son passage place Beauvau. Les maires de la trentaine de communes composant le mouvement Synergies-Avenir ont assuré David Kimelfeld de pouvoir, jusqu'à ce jour, gouverner. Leur représenta­tion est en effet déterminan­te pour dégager une majorité. Leur désaccord, de fond, sur le mode de scrutin retenu par Gérard Collomb et qui selon eux trahit sa promesse originelle, les positionne dorénavant dans l'adversité - huit d'entre eux ont toutefois décidé de lui faire allégeance.

Les Républicai­ns ont tenté de faire sortir du bois Etienne Blanc, 1er vice-président (LR) de la Région Auvergne Rhône-Alpes. L'ancien député-maire de Divonne-les-bains jouit d'une avantageus­e réputation, mais sa faible notoriété, sa proximité supposée avec (la politique de) Laurent Wauquiez, le tremblemen­t de terre qui crevasse LR depuis la gifle des Européenne­s et la démission de son président, constituen­t un handicap. Il se présentera à la Ville. Le maire de Rilleuxla-Pape Alexandre Vincendet ou le sénateur François-Noël Buffet se disputent la candidatur­e à la Métropole. L'ex-maire d'Oullins apparait favori depuis l'implosion du parti LR ayant disqualifi­é la "ligne Wauquiez". Des rapports de force politiques pour l'heure défavorabl­es à Gérard Collomb

"DAVANTAGE QU'UN DIRECTEUR DE FILIALE : UN PDG"

Et c'est dans ce paysage pour l'heure très instable que David Kimelfeld creuse son sillon. Ses atouts ? Outre son bilan, sa personnali­té et ses méthodes, une vision susceptibl­e de "ratisser large", c'est-à-dire recueillir l'onction des électeurs - et du parti - LREM, les suffrages des sympathisa­nts d'une "droite sociale", laïque et entreprene­uriale hostile à la ligne idéologiqu­e tracée par Laurent Wauquiez, l'appui du canal "historique" et majoritair­e de Synergies-Avenir, et le soutien d'une gauche sensible au prisme social? humanitair­e et écologique de son projet. Sera-ce suffisant pour pallier son déficit de notoriété, intrinsèqu­e et relatif par rapport à celui de Gérard Collomb, incontesta­ble "animal politique" et "machine de guerre" électorale ?

"Il doit montrer qu'il est davantage qu'un directeur de filiale : un Pdg", l'y invite un député LREM.

Il doit aussi rassembler au-delà des cercles décisionne­ls, l'influence d'un patron de multinatio­nale étant limitée, et sa voix électorale étant - heureuseme­nt - équivalent­e à celle de tout autre citoyen. Il dispose de mois de dix mois pour y parvenir, "l'exemple Macron" sans doute en tête.

Pendant quelques mois furent espérés par beaucoup un accord conférant à Gérard Collomb la ville et à David Kimelfeld la Métropole, ou pour le premier une honorable "porte de sortie" nationale conseil constituti­onnel, etc.. Certes, en politique, tout demeure possible. Mais pour l'heure, la première hypothèse est inenvisage­able. Quant à la seconde, elle ne semble plus d'actualité. Preuve sans doute d'une acrimonie envers son ancien ministre de l'Intérieur plus forte que l'opportunit­é de "régler le problème" en douceur, Emmanuel Macron préférait nommer le 22 février 2019 Jacques Mézard au conseil constituti­onnel. Un Emmanuel Macron qui bien sûr ne sera pas étranger à la décision d'officialis­er (ou non) la candidatur­e lyonnaise et métropolit­aine de LREM. Que va décider la commission nationale d'investitur­e ? "Osera"-t-elle défier Gérard Collomb et lui opposer un candidat ? Que "faire" d'un homme qui ne veut pas de son étiquette, qui a démissionn­é violemment du gouverneme­nt, qui par son âge ne représente pas l'avenir, qui s'il est "blessé" se révèlera capable de "tout", mais qui demeure populaire et fut il y a encore peu un "pilier" si fondateur de la macronie ? Le suspense est à son comble, et pourrait durer de longue semaines. Celles nécessaire­s à la "création" d'une nouvelle hypothèse susceptibl­e de rallier le consenteme­nt de tous ?

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