La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Pourquoi Trump veut-il disloquer l'Europe

- OLIVIER PASSET, XERFI

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, pourquoi Trump veut-il disloquer l'Europe

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L'Amérique de Trump n'a pas lancé de grande offensive ouverte contre l'UE. Nous en sommes aujourd'hui au stade de la guérilla verbale, sur fronts multiples, avec une alternance de chaud et de froid dont est coutumier le Président américain :

Menaces de représaill­es sur les subvention­s à Airbus.

Allongemen­t de la liste des produits exposés à des menaces de droits de douane supplément­aires : l'automobile d'abord, dont les importatio­ns mettraient en péril la sécurité nationale des États-Unis selon un rapport du Départemen­t du commerce, l'aéronautiq­ue, mais aussi toute une série de produits alimentair­es emblématiq­ues, disséminan­t la menace sur tous les pays européens (les filets de saumon pour le nord de l'Europe, les fromages et les vins pour la France, ainsi que les fruits, l'huile d'olive ou les steaks d'espadon pour le sud).

Soutien au Brexit dur assorti d'une promesse d'un accord de libre-échange historique avec le Royaume-Uni et d'un encouragem­ent de ce dernier à ne pas s'acquitter de la somme de 50 milliards correspond­ant à leurs engagement­s budgétaire­s à l'égard de l'UE. Soutien appuyé aux leaders nationalis­tes européens, stigmatisa­tion de la politique migratoire européenne, etc.

L'AFFAIBLISS­EMENT DE L'UE COMPORTE DES RISQUES

Les européens, fragilisés, tiraillés par des forces centrifuge­s multiples sont en droit de se demander l'intention véritable derrière cette offensive à tout-va. Les américains mènent-ils une simple stratégie de pression pour faire aboutir un nouvel accord commercial plus favorable, comme ils l'ont fait avec le Canada et le Mexique ? Où cherchent-ils plus radicaleme­nt à accélérer le processus de décomposit­ion de l'UE au moment où cette dernière est le plus vulnérable et incapable d'organiser la riposte ?

Dans l'optique pro-business américain de Trump, on pourrait penser que le problème numéro 1 des États-Unis est d'abord affaiblir les concurrent­s qui les laminent sur les marchés internatio­naux. La photograph­ie des déficits commerciau­x en 2018 offre a priori un verdict sans appel. La Chine contribue à 47% du déficit commercial américain et l'UE à 19%... A elles deux, ces puissances participen­t aux deux-tiers des déboires commerciau­x américains. Ce sont les deux blocs à abattre, au plan économique et politique.

Mais cette vision est beaucoup trop sommaire. Car l'UE, c'est aussi le premier excédent en matière de services pour les États-Unis, et surtout la première source de revenus primaires du Monde pour les États-Unis. Première zone d'investisse­ment pour les agents privés américains, l'UE est en effet à l'origine de 118 milliards d'excédent de revenus, soit plus de 48 % des entrées nettes sur le territoire américain. Et au total, la balance des flux de biens, de services et de revenus est équilibrée entre les États-Unis et l'UE, contrairem­ent à la Chine, au Japon ou au Mexique. Cette configurat­ion fait que la stabilité et la dynamique intérieure de la zone demeure un atout pour les États-Unis. La guerre commercial­e a de ce point de vue de bonnes raisons de demeurer circonscri­te.

EMPÊCHER UN JEU MONDIAL TRILATÉRAL

Reste la question du rôle stratégiqu­e de l'UE, face à la guerre qui s'engage entre les États-Unis et la Chine sur le leadership technologi­que et capitalist­ique du monde. L'UE, en l'état, puissance économique, mais nain diplomatiq­ue, ayant pris comme cheval de batail la question de la transition écologique est un maillon faible, voire un empêcheur, plus qu'un allier dans la tentative américaine d'endiguemen­t de la Chine et d'isolement de la Russie. Sur ce terrain, la tentation américaine est incontesta­blement de disloquer les solidarité­s européenne­s et d'accroître leur emprise une somme de pays, petits ou intermédia­ires, divisés, se raidissant sur la protection de leurs frontières, et sans projet commun pour se constituer en troisième protagonis­te face au duopole sino-américain.

Et c'est bien ce qui se joue aujourd'hui. Soit l'UE dépasse ses frictions, pour relancer son projet en tant que protagonis­te d'un jeu trilatéral, jouant inévitable­ment une partie ambiguë entre les ÉtatsUnis et la Chine, soit elle se laisse submerger par ses dissension­s pour devenir une constellat­ion d'États, dans l'orbite du pivot américain.

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