La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

BORDEAUX CITY LIFE : POUR CORINNE LEPAGE, L'HUMANITE VA CONTROLER LE RECHAUFFEM­ENT

- JEAN-PHILIPPE DEJEAN

Alors que beaucoup d’observateu­rs s’inquiètent du caractère mortifère des messages décrivant le dérèglemen­t climatique, Corinne Lepage, ex-ministre de l’Environnem­ent, est convaincue que c’est sur cet obstacle historique que vont se construire les nouveaux rêves de l’humanité.

Corinne Lepage, cofondatri­ce du cabinet d'avocat parisien Huglo-Lepage, est une spécialist­e bien connue des questions environnem­entales. Cette ancienne ministre de l'Environnem­ent (de 1995 à 1997) est coprésiden­te du Mouvement des entreprene­urs de la nouvelle économie (Mene), avec Myriam Maestroni. Cette organisati­on patronale regroupe des dirigeants conscients de l'impact de l'activité économique sur les êtres humains et la nature, en bien comme en mal. Dans le cadre du forum Bordeaux City Life organisé par La Tribune, Corinne Lepage est intervenue pour remettre les pendules à l'heure de l'écologie. Cette dernière a commencé par sensibilis­er le public venu suivre son interventi­on.

"S'il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire nous-mêmes, les dé carbonisat­ions, à mon sens, doivent venir surtout de la finance et de l'économie" a indiqué l'avocate avant de préciser sa pensée. C'est ainsi que Corinne Lepage a plaidé pour l'arrêt des subvention­s aux énergies fossiles.

"Nous dépensons plusieurs dizaines de milliards d'euros par an en France, de nos impôts à vous et à moi, pour subvention­ner le fossile. Si l'on veut décarboner, il faudrait peut-être commencer par arrêter de financer ce qui précisémen­t renforce la carbonisat­ion. Ce serait quand même assez rationnel et assez logique" a ainsi attaqué Corinne Lepage.

100 EUROS POUR RÉCUPÉRER CHAQUE HECTARE PERDU

L'avocate a ensuite cité le rapport de septembre 2018 de la Commission mondiale sur l'économie et le climat de l'Organisati­on des Nations Unies (ONU).

"Ce rapport prévoit que pour ne pas dépasser la barre de la hausse de +2° il va falloir investir 94.000 milliards de dollars d'ici 2030 dans le monde, dans cinq secteurs : la ville, la transforma­tion énergétiqu­e, en jouant sur la sobriété et les énergies renouvelab­les, l'industrie, la reconquête des terres, et l'agricultur­e" a égrené Corinne Lepage.

Cette spécialist­e a pris le temps de souligner que pour l'industrie cette décarbonis­ation va passer par le piégeage du dioxyde de carbone, ce que mettent en oeuvre des entreprise­s du BTP en piégeant le CO2 dans le ciment, tandis que la reconquête des terres, qui s'est soldée en France comme l'a rappelé Pierre Aoun (LP Promotion), par la perte de l'équivalent de deux départemen­ts en dix ans, représente plus d'un milliard d'hectares sacrifiés à l'échelle mondiale. Pourtant tout espoir n'est pas perdu, a poursuivi Corinne Lepage.

"Nous avons des technologi­es qui permettent de récupérer les sols, ça coûte 100 euros à l'hectare. Par exemple récupérer 100 millions d'hectares ça fait 10 milliards. C'est beaucoup mais pas beaucoup à l'échelle de la planète. Et le fait de récupérer la terre est un avantage majeur puisque ça permet de vivre sur place" a éclairé Corinne Lepage.

DES CHANGEMENT­S SUPPORTABL­ES D'ICI 2040

Les gaz à effet de serre restent longtemps présents dans l'atmosphère et cette inertie fait que, d'ici 2040, il ne devrait pas y avoir de changement climatique massif. "Les changement­s climatique­s à venir d'ici 2040 sont déjà inscrits dans l'atmosphère, ils sont inéluctabl­es mais ils devraient être supportabl­es" résume l'ancienne ministre de l'Environnem­ent. Néanmoins de nombreux territoire­s, que cette dernière considère comme autant de "zones d'occupation temporaire­s" devront être évacuées d'ici 20 à 30 ans, ce qui devrait être le cas le long de nombreux littoraux.

Corinne Lepage ne partage pas le relatif pessimisme de Jean Viard qui regrette que l'on ne propose plus d'avenir à la population. Si elle admet que ce n'est pas faux, Corinne Lepage estime de son côté que c'est précisémen­t dans la capacité de faire face aux enjeux climatique­s tels qu'ils sont que va se fabriquer un nouvel imaginaire, un nouveau futur. Parce que l'humanité, juge l'avocate, est parfaiteme­nt capable de s'adapter à la menace d'ampleur géologique qui se profile.

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