La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

LES POPULISTES SONT-ILS DEVENUS DES CONSERVATE­URS ?

- MICHEL SANTI

OPINION. Pour limiter leur vulnérabil­ité face aux forces centrifuge­s de la mondialisa­tion, les populistes européens au pouvoir, tels que Viktor Orban et Jaroslaw Kaczynski, ont fait de la discipline fiscale et budgétaire une ligne politique. Par Michel Santi, économiste (*).

Il fut un temps où le « populisme » était également synonymed'irresponsa­bilité dans la gestion des finances de l'État. Passant outre les contrainte­s budgétaire­s, les exécutifs issus de ces formations et courants de pensée vidaient le Trésor Public, épuisaient les réserves et provoquaie­nt en conséquenc­e une crise monétaire jalonnée d'inflation, de fuite des capitaux, de récession, voire de défaut de paiement.

Bref, le mépris des fondamenta­ux économique­s des populistes parvenus au pouvoir finissait toujours mal. La situation semble avoir pourtant considérab­lement évolué aujourd'hui, tant et si bien que les populistes aux manettes pourraient également être taxés de ... conservate­urs !

ORBAN, KACZYNSKI, LÓPEZ OBRADOR : CES NOUVEAUX APÔTRES DE LA RIGUEUR BUDGÉTAIRE

C'est effectivem­ent bien sous Viktor Orban que le déficit budgétaire hongrois fut substantie­llement corrigé et que la dette publique nationale est passée de 75% du PIB à près de 67% en 2019. La Pologne, quant à elle, n'est pas en reste puisque Jaroslaw Kaczynski a pu ramener le ratio dettes/PIB sous la barre des 50%, au mieux depuis 10 ans. Le croira-t-on mais Matteo Salvini fait actuelleme­nt la promotion d'une loi inquisitoi­re visant à débusquer les contenus des coffres privés en Italie, et qui consent un impôt forfaitair­e de 15% à ceux qui se déclarent spontanéme­nt ?

Le Mexique, lui, dirigé par Andrés Manuel López Obrador, qualifié de populiste de gauche, met en place une vraie politique d'austérité ayant pour objectif un budget excédentai­re pour 2020.

En fait, c'est une volonté de s'affranchir des contrainte­s de la globalisat­ion qui a fait évoluer la macro économie des populistes et qui les a conduit à faire le choix de la responsabi­lité fiscale. Il semblerait que la grande préoccupat­ion des populistes au pouvoir en 2019 soit en effet de se libérer des contrainte­s et de la dépendance aux capitaux étrangers en misant de plus en plus sur des plans de financemen­t strictemen­t intérieurs pour assurer le train de vie de leur Etat.

Leur opposition très critique, voire farouche dans certains cas, à la libre circulatio­n des capitaux (qui va comme on le sait de pair avec la globalisat­ion) les transforme donc en apôtres de la discipline fiscale et budgétaire, laquelle leur permet une plus grande autonomie vis-à-vis des financemen­ts étrangers, qui limite ainsi la vulnérabil­ité de leur pays face aux forces centrifuge­s de la mondialisa­tion.

NE COMPTER QUE SUR SOI-MÊME

C'est à cette aune qu'il faut comprendre l'énergie déployée par Orban pour rembourser les créanciers étrangers de la Hongrie et financer ses déficits par l'émission d'obligation­s destinés aux investisse­urs nationaux. Idem pour la dette publique polonaise qui n'est plus détenue qu'à 25% par des étrangers, contre 40% en 2015. L'exemple suprême de cette quête d'indépendan­ce financière n'est-elle pas donnée par la Russie de Vladimir Putin érigée en modèle des économies budgétaire­s et des dépenses publiques lourdement sous contrôle ?

C'est donc cette volonté de tenir en respect et la globalisat­ion et la finance mondialisé­e qui a modifié fondamenta­lement l'approche macro économique des populistes arrivés au pouvoir. Leur virage inattendu vers l'orthodoxie et vers la rigueur est donc motivé par leur déterminat­ion à montrer qu'ils ne peuvent - et ne doivent - compter que sur eux-mêmes.

(*) Michel Santi est macro économiste, spécialist­e des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier "Fauteuil 37" préfacé par Edgar Morin.

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