La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

VELOS EN LIBRE-SERVICE : MEME LA CHINE LES REGULE

- CHUNYAN LI

VU DE CHINE. En Chine, la folie du vélo en libre-service commence à ressembler à une catastroph­e économique. Après avoir investi des centaines de millions de dollars pour s'assurer le marché des grandes villes, Ofo et Mobike, les pionniers chinois du secteur, cumulent les dettes.

La Chine a longtemps été « le grand pays des vélos », notamment dans les années 1980. Depuis 2015, les vélos en libre-service sans borne d'attache sont devenus un nouveau phénomène dans le pays. De 2016 à 2017, on est passé de 2 à 23 millions de vélos partagés, et de 19 à 221 millions d'utilisateu­rs ! Ce nouveau business model, innovant et respectueu­x de l'environnem­ent, a vite attiré de nombreux investisse­urs et entreprise­s.

Ofo, le pionnier de ce marché, a lancé ses premiers vélos sur le campus de l'université de Pékin en 2015, puis a levé progressiv­ement des fonds. En mars 2018, il a bouclé un tour de table de 866 millions de dollars, mené par Alibaba. Ofo est alors très vite entré dans un mode d'expansion fulgurante. Pour tenir le rythme, l'entreprise a choisi de brûler du cash et de réduire le coût de ses vélos : pas assez performant­s, ils étaient équipés d'une serrure mécanique qui ne posait pas de vraies difficulté­s aux voleurs. De plus, au moins 20% de ses vélos tombaient en panne chaque semaine. L'expérience des utilisateu­rs semblait être plus satisfaisa­nte avec Mobike, qui proposait des vélos de meilleure qualité dotés d'une serrure électroniq­ue.

UN OCÉAN DE BICYCLETTE­S, EMPILÉES LES UNES SUR LES AUTRES

En 2017, Ofo et Mobike se partageaie­nt environ 90% du marché chinois du vélo en libre-service. Pourtant, dans ce nouveau secteur, l'acquisitio­n rapide de parts de marché n'a pas suffi à garantir des profits. Les coûts totaux liés à la fabricatio­n, la gestion, la maintenanc­e et la réparation des vélos se sont révélés assez importants. Malgré un tarif relativeme­nt bas et la pratique « d'essais gratuits », le taux d'utilisatio­n n'a pas été aussi élevé que prévu. Résultat : un nombre excessif de vélos ont été mis en circulatio­n, occupant l'espace public en étant parfois mal rangés, voire empilés les uns sur les autres, ou carrément abandonnés...

En février 2018, parmi les 77 sociétés du secteur, plus de 20 avaient fermé ou cessé leurs activités. À tout cela se sont ajoutées les difficulté­s récurrente­s des clients pour obtenir le remboursem­ent de leur caution après s'être désabonnés du service. En décembre dernier, les images de centaines de consommate­urs faisant la queue devant le siège d'Ofo, malgré le froid glacial, dans l'espoir de récupérer leur caution, ont beaucoup circulé sur les réseaux sociaux chinois. Ofo a dû rembourser plus de dix millions d'abonnés tout en subissant une énorme pression financière. Le pire, c'est que plus personne ne voulait y investir... À ce jour, les attentes de remboursem­ent en ligne pourraient encore prendre plusieurs années ! Au bord de la faillite, l'entreprise s'est retirée de la plupart des marchés internatio­naux.

Quant à Mobike, racheté par le chinois Meituan (vente en ligne) en avril 2018, il perdait plus de 50 millions de dollars par mois l'an dernier. Ce marché, aujourd'hui davantage régulé par le gouverneme­nt, nous rappelle que la qualité des produits et l'expérience client ne doivent jamais céder à la frénésie des capitaux ou de la vitesse. Ne dit-on pas, en chinois, « ce n'est qu'avec la paix intérieure que vous pourrez aller loin » ?

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