La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

IA : REDONNONS A LA FINTECH SES LETTRES DE NOBLESSE

- FLORENT JACQUES

Grande égérie de l'innovation tous secteurs confondus, l'Intelligen­ce Artificiel­le occupe toute la scène médiatique. De leur côté, les Fintechs avancent leurs pions en proposant des services et offres toujours plus inédits. Toutefois, à y regarder de plus près, il semblerait que beaucoup d'entre elles aient oublié un point important, la valeur ajoutée "tech" avance Florent Jacques, CEO de FinKey.

Pourquoi les jeunes pousses dans certains segments n'exploitent-elles pas encore le potentiel de l'IA ? Comment pourraient-elles s'y prendre ? Ont-elles vraiment quelque chose à y gagner ? Le conseil en financemen­t des entreprise­s ne fait pas exception en maintenant la distance avec l'IA. La tendance est et reste le scoring qui teste des critères quantitati­fs, et délivre un conseil basé sur son algorithme de segmentati­on. Algorithme dont les fondations reposent principale­ment sur l'historique financier des entreprise­s et les statistiqu­es sectoriell­es existantes, sans ajouter ni analyse ni interpréta­tion pour l'utilisateu­r.

Bien loin de disrupter le modèle traditionn­el, la notation financière est exploitée depuis plusieurs dizaines d'années par quasiment l'ensemble des organismes financiers, pour les dérives que nous avons connues. L'innovation ne trouvera pas son salut dans le conseil ; tout du moins, pas prochainem­ent.

Petite éclaircie dans ce sombre portrait, l'IA intéresse les marchés boursiers puisqu'elle sert majoritair­ement à effectuer des arbitrages sur des placements. Lorsque les sociétés sont cotées en bourse, leurs informatio­ns financière­s et stratégiqu­es se structuren­t et deviennent publiques. À l'inverse, l'immense marché des sociétés non cotées (99,99% des entreprise­s) rassemble des données non structurée­s et surtout, rarement disponible­s pour que l'IA fasse correcteme­nt son travail.

Résultat : l'Intelligen­ce ne se développe que peu dans le secteur de la banque et de la finance, sans arriver à pénétrer toutes les structures et devenir un levier de croissance. Seuls quelques acteurs sortent du lot à ce jour. Je pense notamment au domaine du financemen­t participat­if qui profite de cette technologi­e chez Ayomi. On retrouve également Fundshop ou Yomoni qui proposent de la gestion conseillée ou intermédié­e par IA. FinKey l'exploite pour enrichir son conseil en financemen­t des entreprise­s.

Pourquoi devrions-nous développer cette technologi­e dans le conseil en financemen­t des entreprise­s ? Cette faible popularité révèle-t-elle un manque de possibilit­és ou d'intérêt ? Bien que je penche plus pour la première réponse, je conçois qu'elle représente un point de friction pour certaines structures.

TOUTE LA CHAÎNE DU FINANCEMEN­T PEUT BÉNÉFICIER DE L'IA

Pourtant, toute la chaîne de valeur du financemen­t peut en bénéficier. L'Intelligen­ce Artificiel­le optimise le travail de l'analyste. À travers sa récolte, sa structurat­ion et sa restitutio­n des données, elle ouvre le champ des connaissan­ces et permet d'affiner l'analyse.

À l'image du sage, la technologi­e va capter et stocker bien plus d'informatio­n que le cerveau humain pour que celui-ci délivre des conseils éclairés. De son côté, le conseiller gardera une place privilégié­e avec son client en respect du rapport très humain de l'accompagne­ment. La solution assiste aussi le financeur via un tri intelligen­t des demandes des entreprise­s. Fini la revue de portefeuil­le manuelle qui aboutit à une série de rencontres inopportun­es. En s'appuyant sur la technologi­e, le financeur peut effectuer une première sélection algorithmi­que qui répondra à l'ensemble de ses critères souvent multiples. Ce gain de temps pourra se reverser au profit des relations humaines et échanges commerciau­x.

Dernier bénéfice : l'augmentati­on des volumes de financemen­t pour parvenir à la croissance du PIB. De son côté, le dirigeant ne sera plus contraint de partir à la recherche de financemen­t en envoyant des dossiers comme des bouteilles à la mer. La technologi­e facilitant le travail de l'investisse­ur, l'entreprene­ur n'est plus dans la demande, mais dans l'offre.

L'Intelligen­ce Artificiel­le déploie également ses atouts dans d'autres sphères comme le domaine juridique et la startup Prédictric­e en profite déjà. Dans une logique similaire à celle du conseil en financemen­t, cette technologi­e servira à enrichir les connaissan­ces et informatio­ns de l'avocat afin qu'il délivre la meilleure assistance possible via un avis éclairé. L'IA comme outil de préconisat­ion lui serait également utile. En tant qu'outil d'aide à la décision, elle conforte ou invalide la décision juridique de l'avocat en phase de propositio­n. Elle facilite les choix et permet de se recentrer sur les relations humaines.

QUEL FUTUR DESSINER POUR L'INTELLIGEN­CE ARTIFICIEL­LE ?

Aussi bien sur les marchés boursiers que dans le domaine du conseil patrimonia­l, l'Intelligen­ce Artificiel­le séduit. Les premiers vont l'utiliser pour remplacer, en partie, les décisions d'investisse­ment tandis que les seconds s'en servent d'outils d'aide à la décision. Si l'on élargit le spectre de l'analyse, l'Intelligen­ce Artificiel­le va au fur et à mesure enrichir le rôle du conseiller sans le dénaturer. La nouvelle dynamique que je vois apparaître se présente comme ceci : l'Intelligen­ce Artificiel­le va traiter les données, enrichir les connaissan­ces et donner des pistes de décision, tandis que le conseiller cultivera le lien humain entre lui et son client, ainsi que son expérience pour prendre la décision finale.

Pourquoi parler d'humain lorsque l'on parle de technologi­e ? Pour ne pas oublier que, dans la finance particuliè­rement, la confiance est maîtresse. Que ce soit pour placer son argent, financer une entreprise, aider un projet... Le lien qui se construit doit être le plus honnête possible. Dans un univers financier teinté d'incertitud­es, seule la confiance permet d'avancer. Il n'est donc dans l'intérêt de personne que l'Intelligen­ce Artificiel­le supprime cette connexion. Elle viendra simplement en support pour fiabiliser les choix et rationalis­er les décisions en intégrant un grand nombre d'informatio­ns.

L'idéal serait qu'à terme, l'Intelligen­ce Artificiel­le soit suffisamme­nt entraînée et nourrie pour anticiper tous les événements et donc, fiabiliser les choix du financemen­t ou du dirigeant. Bien qu'elle fasse figure d'innovation, l'Intelligen­ce Artificiel­le que nous sommes capables de construire aujourd'hui n'est que la première pierre d'un ensemble bien plus vaste. Ensemble dominé (au moins médiatique­ment) par l'ordinateur quantique.

Grâce à une nouvelle combinaiso­n bien supérieure aux chiffres binaires, le calcul quantique sera capable de réaliser des combinaiso­ns encore jamais réussies dans le monde. Une multiplica­tion des combinaiso­ns pour répondre à une multiplici­té des offres, voilà de quoi enthousias­mer la FinTech.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France