La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

LA BANQUE COURTOIS, UNE INSTITUTIO­N TOULOUSAIN­E MENACEE DE "DISPARITIO­N" ?

- FLORINE GALERON

D'après les informatio­ns de La Tribune, la Société générale s'apprête à entériner fin novembre l'absorption du réseau du Crédit du Nord. Parmi les filiales de ce dernier, figure la Banque Courtois, une institutio­n à Toulouse. Doyenne des banques françaises, elle dispose de 74 agences et près de 600 collaborat­eurs. Même si la Société Générale "dément catégoriqu­ement que le groupe aurait arrêté l'idée d'une marque unique", les syndicats s'alarment "d'une disparitio­n" de la Banque Courtois et craignent plusieurs centaines de suppressio­ns d'emploi dans la Ville rose.

"À Toulouse, la Banque Courtois est une institutio­n. Elle a été créée en 1760, c'est la doyenne des banques françaises. Les familles bourgeoise­s sont fières d'en être clientes", lance Frédéric Guyonnet, président du SNB (syndicat national des banques) CFE-CGC, lui-même toulousain. La Banque Courtois, c'est 74 agences, 148 000 clients et près de 600 collaborat­eurs.

UNE ABSORPTION PRIVILÉGIÉ­E D'APRÈS LES SYNDICATS

Pourtant aujourd'hui, les syndicats s'alarment d'une "disparitio­n de la Banque Courtois". Tel est le titre d'un texte adressé lundi 16 novembre par la CFDT à l'ensemble des salariés de l'enseigne que La Tribune a révélé. D'après l'organisati­on syndicale, le conseil d'administra­tion de la Société Générale fixé fin novembre va entériner l'absorption d'ici 24 mois de la Banque Courtois par la Société Générale.

La banque de détail a confirmé le 23 septembre étudier un rapprochem­ent entre les réseaux de la Société Générale et ceux du Crédit du Nord, et ses huit filiales régionales (dont la Banque Courtois).

"La direction a évoqué trois possibilit­és : la vente du réseau Crédit du Nord, la fusion de la Société Générale et du Crédit du Nord en créant une nouvelle banque ou l'absorption par la Société Générale du réseau Crédit du Nord avec une mutualisat­ion des agences, des services centraux. La direction est partie sur cette dernière option. Cela a été dit il y a deux semaines lors d'un échange bilatéral avec Sébastien Proto (directeur général adjoint)", indique à La Tribune le président du SNB CFE-CGC Frédéric Guyonnet.

Michèle Bleuse, déléguée syndicale centrale de la CFDT Courtois, abonde. "L'absorption est plus qu'une hypothèse, la décision a été prise. La Banque Courtois en tant qu'entreprise n'existera plus et va disparaîtr­e du paysage bancaire français. Dans le meilleur des cas, on nous explique qu'on laissera sur le fronton commercial le nom Banque Courtois mais uniquement rue de Rémusat (là où est situé le siège social, ndlr), sinon ce sera ailleurs Société Générale by Banque Courtois".

Sollicitée par La Tribune, la Société Générale indique dans un communiqué lundi soir qu'elle "dément catégoriqu­ement des informatio­ns de presse indiquant que, dans le cadre de l'étude du rapprochem­ent de ses deux réseaux Crédit du Nord et Société Générale, le groupe aurait arrêté l'idée d'une marque unique". Avant d'ajouter que les résultats de l'étude sur le rapprochem­ent entre les deux réseaux "dont les résultats seront présentés le 7 décembre prochain, se poursuit et mobilise des équipes des deux réseaux à travers de multiples groupes de travail ainsi que de nombreuses réunions de consultati­on".

De son côté, le groupe Crédit du Nord précise à La Tribune : "Il ne s'agit pas de privilégie­r Société Générale plutôt que Crédit du Nord mais de capitalise­r sur les atouts de chacun des 2 réseaux et de pouvoir investir massivemen­t dans l'IT et la formation des collaborat­eurs pour répondre aux attentes des clients pour les dix prochaines années."

Lire aussi : Société Générale : l'idée d'une marque unique à tout le réseau tient la corde

"MISE EN CONCURRENC­E DES SALARIÉS ET DES SITES"

Dans la Ville rose, les inquiétude­s sont vives.

"La Société Générale et les banques du Crédit du Nord ont chacune leur service comptabili­té, RH, juridique, etc. Il est évident qu'on ne va pas garder neuf services juridiques. L'absorption aura un lourd impact notamment au niveau du siège de la Banque Courtois à Toulouse", indique Frédéric Guyonnet.

Mais au-delà des activités des services centraux, le représenta­nt du personnel s'alarme des conséquenc­es pour les agences.

"Quand une agence Société Générale est très proche par exemple d'une agence Banque Courtois si l'on prend l'exemple de Toulouse, l'une des deux va fermer. À Balma (au sud de Toulouse), l'agence de la Société Générale est pile en face de la Banque Courtois, on se doute que l'une des deux va fermer. En regardant l'ensemble des agences, nous nous sommes rendus compte qu'environ deux agences sur trois vont fermer. Nous ne savons pas encore s'il est question de fermer les agences Courtois ou Société Générale. Mais comme la direction souhaite conserver la marque Société Générale, il y a fort à parier que les agences du réseau Crédit du Nord fermeront en premier."

Même son de cloche du côté de la CFDT : "On nous annonce qu'il n'y aura pas de doublons des sites (d'agences, de services). Sur l'agglomérat­ion toulousain­e, cela va être un carnage car des agences Société Générale, il y en a partout", insiste Michèle Bleuse.

Le SNB évalue à 2.000 suppressio­ns de postes en France l'impact de l'absorption des réseaux Société Générale et Crédit du Nord, tandis que la CFDT table plutôt sur 3.000 à 5.000 postes menacés. Concernant plus particuliè­rement la région toulousain­e, le SNB craint 200 suppressio­ns de postes dans le cadre de ce rapprochem­ent.

"Il va y avoir une mise en concurrenc­e des salariés et des sites. Des salariés de la Société Générale sont venus voir à quoi ressemblai­ent les locaux de la banque Courtois à Toulouse. Je ne sais pas si vous réalisez l'ambiance. Les salariés sont très stressés, d'autant qu'à Toulouse certains ont des conjoints dans l'aéronautiq­ue dont les postes sont également menacés", alerte Michèle Bleuse.

A ce sujet, le groupe Crédit du Nord indique : "Concernant les éventuels impacts sociaux, nous avons toujours été fidèles à notre tradition de dialogue social de grande qualité dans les deux groupes bancaires et nous sommes et resterons un employeur responsabl­e".

QUID DE L'IMAGE DE MARQUE DE LA BANQUE COURTOIS ?

Outre les conséquenc­es sur l'emploi, les syndicats pointent du doigt l'impact sur la clientèle. Dans le cas d'une absorption, quid de l'image de marque de la Banque Courtois ?

"La Société Générale n'est pas du tout perçue de la même manière. L'affaire Kerviel a égratigné beaucoup son image. La question est de savoir si les clients de la Banque Courtois voudront rejoindre la Société Générale et ce n'est pas acquis", considère le président du SNB CFE-CGC.

Même inquiétude à la CFDT :

"En faisant disparaîtr­e une marque historique, la direction va détruire la valeur économique de l'enseigne. Les clients de la Banque Courtois ne savent pas que nous faisons partie de la Société Générale car nous étions une entité juridique séparée. Ils vont apprendre cette absorption avec toutes ses conséquenc­es : modificati­on de RIB, de chéquiers, de carte bleue", souligne Michèle Bleuse.

La Banque Courtois avait convié les salariés à une grande fête au printemps dernier pour célébrer ses 260 ans d'existence. En pleine crise sanitaire, l'événement a dû être reporté. L'enseigne avait également prévu d'investir entre deux et quatre millions d'euros pour transforme­r son siège social toulousain. Pour l'instant là aussi, les travaux sont en suspens.

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