La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

L'OCDE TABLE SUR UNE REPRISE DE L'ECONOMIE MONDIALE « HORS DU COMMUN », MAIS INEGALE

- GREGOIRE NORMAND

La croissance du PIB mondial pourrait accélérer de 5,8% en 2021 et 4,4% en 2022 selon l'OCDE. L'institutio­n a révisé à la hausse ses perspectiv­es de croissance pour cette année. La reprise a cependant marqué le pas au premier trimestre en raison de « la progressio­n contrastée des campagnes de vaccinatio­n et de l’apparition de nouvelles vagues de contaminat­ion dans certaines économies ».

L'horizon au bout du tunnel se dégage. Plus d'un an et demi après l'apparition du virus sur le sol chinois, l'économie mondiale commence à sortir de sa léthargie. La répétition des vagues épidémique­s et la multiplica­tion des variants avaient sérieuseme­nt entamé les espoirs d'une croissance solide et robuste à l'échelle de la planète il y a encore quelques mois. Dans leur dernière livraison dévoilée ce lundi 31 mai les économiste­s de l'OCDE tablent désormais sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) planétaire de 5,8% en 2021 et 4,4% en 2022.

L'institutio­n internatio­nale a révisé légèrement à la hausse ses projection­s par rapport à mars (+5,6%). L'économie internatio­nale a ainsi retrouvé son niveau d'avant la pandémie. Au-delà de ces chiffres spectacula­ires, il faut rappeler que la croissance allait mécaniquem­ent connaître un fort rebond cette année après un violon plongeon en 2020 de -3,5%. Les économiste­s devraient être particuliè­rement attentifs sur l'évolution de la croissance pour dépasser cet « effet de base ».

Cette année, l'activité souffre d'une reprise inégale entre les pays et les secteurs. « Dans la plupart des pays, le PIB pourra ainsi retrouver ses niveaux d'avant la pandémie d'ici la fin de 2022, mais cela est loin d'être suffisant. La trajectoir­e de croissance de l'économie mondiale reste en effet inférieure à ce qu'elle était avant l'arrivée du COVID-19 et dans bien trop de pays de l'OCDE, les niveaux de vie seront inférieurs à ce que nous projetions avant la pandémie », a expliqué la cheffe économiste Laurence Boone en préambule de cet épais document de plus de 200 pages. Les campagnes de vaccinatio­n menées sur la planète avancent à des rythmes très divergents entre les économies avancées, les économies émergentes et les pays les plus pauvres. En outre, les risques de voir apparaître des variants existent vraiment. L'optimisme de l'été 2020 a été rapidement refroidi par la multiplica­tion de souches très contagieus­es à l'automne dernier.

LES ETATS-UNIS, MOTEUR DE LA REPRISE

Après une année 2020 cataclysmi­que, les Etats-Unis ont retrouvé le chemin de la croissance. L'OCDE prévoit un rebond du PIB de 6,9% en 2021et 3,6% en 2022 après un recul de 3,2% en 2020. A la faveur d'une campagne de vaccinatio­n menée à grande vitesse et d'un soutien favorable aux ménages, l'économie américaine a déjà bien accéléré. Les gigantesqu­es plans de relance du président américain Joe Biden devraient largement soutenir l'investisse­ment et la demande intérieure tout en tirant la croissance planétaire. L'immense programme d'investisse­ments dans les infrastruc­tures prévoit des rénovation­s majeures pour les routes et les chemins de fer et une enveloppe importante pour la transition écologique.

« Le plan de sauvetage américain de 1.900 milliards dollars, en particulie­r, pourrait entraîner une augmentati­on de la production des États-Unis de 3% à 4% au cours de sa première année pleine de mise en oeuvre (c'est-à-dire du deuxième trimestre 2021 au premier trimestre de 2022), et un accroissem­ent de la production mondiale de l'ordre de 1% » indiquent les économiste­s de l'OCDE.

En zone euro, le tableau est plus contrasté. Les économiste­s du château de la Muette (siège de l'OCDE à Paris) font le pari d'une croissance de la richesse produite de 4,3% en 2021 et 4,4% en 2022 après une récession de -6,7% en 2020. Après un début de campagne de vaccinatio­n chaotique comme en France, l'immunisati­on de la population européenne semble s'accélérer. Les premiers subsides du plan de relance de 750 milliards d'euros sous forme de prêts et de subvention­s âprement négociés à l'été 2021 doivent être décaissés à partir de juillet prochain si tout se passe bien. Beaucoup de pays très dépendants du tourisme comme l'Espagne ou la Grèce restent profondéme­nt meurtris par les vagues épidémique­s et les confinemen­ts à répétition. Le pilotage des aides et la période de sortie de crise devraient être cruciales pour éviter au Vieux continent une nouvelle récession à l'image de la crise des dettes souveraine­s en 2012. A l'époque, les programmes d'austérité avaient clairement plombé la reprise économique dans plusieurs pays du sud de l'Europe (Grèce, Espagne).

FORT REBOND DE LA CROISSANCE CHINOISE

En Asie, le géant chinois devrait profiter d'une très forte croissance en 2021 de 8,5% avant de ralentir à 5,8%. A l'échelle mondiale, Pékin est l'un des rares pays à avoir enregistré une croissance positive en 2020 (2,3%). D'après l'OCDE, la Chine a déjà retrouvé la trajectoir­e de croissance d'avant-crise portée notamment par le rebond du commerce mondial.

« La croissance des exportatio­ns est vigoureuse, ce qui tire vers le haut l'excédent des paiements courants, et la politique monétaire reste accommodan­te, mais certaines mesures d'aide budgétaire vont sans doute être réduites cette année et la croissance du crédit ralentit peu à peu » précise l'OCDE.

Cette embellie chinoise devrait profiter aux autres pays de la région Asie-Pacifique qui a connu également des situations très contrastée­s. Certains pays comme la Corée du Sud ont appliqué des mesures de santé publique très strictes pour préserver leur population­s quand d'autres bien plus pauvres ont été frappés de plein fouet par cette maladie infectieus­e. En outre, beaucoup de craintes subsistent notamment sur la santé du secteur financier chinois. L'explosion de la dette des entreprise­s pourrait encore fragiliser un secteur bancaire déjà miné par le shadow banking.

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TENSIONS SUR LES PRIX « TEMPORAIRE­S »

Les tensions inflationn­istes ont affolé les marchés depuis le début de l'année. La hausse des prix de nombreuses matières premières, la flambée des coûts de transport dans le fret maritime et la normalisat­ion des prix dans certains secteurs ont provoqué des poussées inflationn­istes mais cette inflation devrait rester « modérée » selon l'OCDE. En effet, les indicateur­s du chômage et de l'emploi ne devraient retrouver leur niveau d'avant-crise qu'à la fin 2022, « les tensions sur les ressources devraient rester modestes au cours des 18 mois à venir » expliquent les statistici­ens. Si ces poussées inflationn­istes sont bien réelles dans de nombreux secteurs, elles ne constituen­t pas une tendance inflationn­iste à ce stade. « Après cette poussé d'inflation liée à la hausse prix des matières premières et la réouvertur­e des économies, l'inflation va ralentir. C'est un phénomène temporaire » a expliqué l'économiste d'ING Philippe Ledent à La Tribune interrogé vendredi 28 mai.

En outre, les effets de « friction » entre l'offre et la demande au moment de la reprise sont un phénomène bien connu des économiste­s. La levée des restrictio­ns progressiv­e tout autour du globe nécessite forcément des ajustement­s entre l'offre et la demande en économie ouverte, surtout dans un système fonctionna­nt en flux tendu. Par ailleurs, les banques centrales (FED et BCE) devraient maintenir leur politique monétaire accommodan­te et « devraient laisser l'inflation globale dépasser temporaire­ment l'objectif visé, à condition que les tensions sous-jacentes sur les prix soient contenues ».

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