La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

MICROSOFT TIRE LA SONNETTE D'ALARME : LES HACKERS RUSSES VISENT LES AGENCES GOUVERNEME­NTALES AMERICAINE­S

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Le groupe américain précise que les pirates ont notamment réussi à s'emparer d'un compte de messagerie de l'Agence des États?Unis pour le développem­ent internatio­nal (USAID), et à envoyer des courriels frauduleux à de nombreux destinatai­res. Derrière ces attaques, l'ombre de Moscou qui perpétue une longue tradition d'excellence en matière d'espionnage et de programmat­ion informatiq­ue datant de l'époque soviétique.

La signature se fait sous le nom de hackers « Nobelium ». Elle est celle d'un groupe de hackers à l'origine d'une nouvelle série d'attaques contre des agences gouverneme­ntales américaine­s et plus de 150 organisati­ons, selon des chercheurs en cybersécur­ité de Microsoft. Dans un billet de blog publié jeudi soir, les experts du géant informatiq­ue affirment que les pirates russes ont dernièreme­nt intensifié leurs efforts pour s'en prendre à des agences fédérales liées à la politique étrangère américaine en vue de voler des informatio­ns sensibles.

Après une première attaque fin 2020 sur 18.000 clients de l'éditeur de logiciels de gestion informatiq­ue SolarWinds, qui a conduit l'administra­tion Biden à voter des sanctions contre Moscou et à expulser des diplomates, il s'agit de la seconde attaque d'envergure en moins d'un an.

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Surtout, Nobelium n'est pas la seule bête noire des services de cybersécur­ité américains. Il y a quelques semaines, l'attaque sur le système d'oléoducs de Colonial Pipeline attribuée aux hackers de Darkside, avait également désorganis­é l'approvisio­nnement d'essence sur la côte Est des EtatsUnis.

LE MODE OPÉRATOIRE

Pour mener ces attaques, qualifiées par Microsoft de "sophistiqu­ées" et "de grande envergure", les pirates ont recours au hameçonnag­e ("phishing"), une méthode qui consiste à envoyer des courriels qui semblent authentiqu­es mais contiennen­t des logiciels malveillan­ts permettant d'accéder aux données des victimes.

L'un des messages, prétendant être une "alerte spéciale", visait à faire croire que "Donald Trump a publié de nouveaux documents sur la fraude électorale. En cliquant sur le lien, les récipienda­ires étaient redirigés vers un site permettant aux pirates d'installer leur logiciel malveillan­t.

Les similitude­s entre la dernière cyberattaq­ue en date et l'offensive contre SolarWinds montrent clairement que "la stratégie de Nobelium consiste à accéder à des fournisseu­rs réputés de technologi­e et de contaminer leurs clients", explique M. Burt. "En tirant parti de mises à jour de logiciels et désormais de grands fournisseu­rs de messagerie électroniq­ue, Nobelium augmente les chances de dommage collatéral dans les activités d'espionnage et sape la confiance dans l'écosystème technologi­que."

Plus de 3.000 comptes de messagerie électroniq­ue ont été ciblés, a indiqué Tom Burt, viceprésid­ent chez Microsoft.

Le premier sommet entre le président américain Joe Biden et son homologue russe Vladimir Poutine se tiendra le 16 juin à Genève, en Suisse.

LE RISQUE CHINOIS

Les hackers russes ne sont pas les seuls à être dans le collimateu­r de Washington. Des pirates informatiq­ues chinois ont également piraté une société américaine de logiciels de contournem­ent (VPN) pour pénétrer dans les réseaux informatiq­ues d'entreprise­s américaine­s de défense, selon le consultant en sécurité informatiq­ue Mandiant.

Au moins deux groupes de hackers, dont l'un est considéré comme proche du gouverneme­nt chinois, sont visés.

ZOOM : LA CYBERSTRAT­ÉGIE RUSSE

Les accusation­s de cyberattaq­ues visant Moscou s'enchaînent, entraînant sanctions et expulsions de diplomates russes à travers le monde. "Usines à trolls", hackers ou "fake news": tour d'horizon de l'approche russe des opérations en ligne.

La Russie est un terreau fertile pour les experts informatiq­ues: les hackers d'aujourd'hui s'inscrivent dans une tradition d'excellence de la programmat­ion datant de l'époque soviétique.

A la chute de l'URSS, une partie des diplômés de ces secteurs s'est également lancée dans la cybercrimi­nalité, propulsant les Russes sur le haut du podium mondial du piratage de cartes bleues.

La première cyberattaq­ue d'ampleur attribuée à la Russie date de 2007, contre des services des pays baltes. Et le ministère russe de la Défense crée dès 2012 ses "cyber-unités".

Selon les Etats-Unis, ce sont des hackers du renseignem­ent militaire (GRU) qui ont voulu manipuler l'élection présidenti­elle américaine de 2016 en piratant notamment des mails de proches et du parti d'Hillary Clinton, la rivale de Donald Trump.

Le groupe de cyber espions russes présumé le plus connu et impliqué dans des dizaines d'affaires est appelé par ses détracteur­s Fancy Bear (mais aussi APT28). Il dépendrait aussi du GRU.

Le récent scandale SolarWinds aux Etats-Unis est lui imputé au SVR, le service de renseignem­ent extérieur russe.

La liste des attaques présumées est longue: parlement et chanceller­ie allemands (2014), sabotage informatiq­ue de l'artillerie ukrainienn­e, chaîne de télévision française (2015), élections américaine­s (2016, 2020), rivaux sportifs de la Russie, instituts de recherche sur le Covid (2020)...

La Russie est aussi accusée d'opérer des usines de trolls en ligne et de concocter des fausses informatio­ns virales pour tenter d'influencer les internaute­s.

Le Kremlin, pour sa part, nie invariable­ment, même face à l'évidence, toute implicatio­n, accusant à l'inverse Européens et Américains de désinforma­tion.

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