La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

OLIVIER COTINAT OUVRE UN LABORATOIR­E DE LA "TECH FOR GOOD" A CAEN

- NATHALIE JOURDAN

Le moins tapageur des ambassadeu­rs de la French Tech crée en Normandie un lieu ouvert aux "changemake­rs" de tous âges, horizons et nationalit­és. L’ambition : hybrider les points de vue et les cultures pour ré-enchanter le futur. "Mégalo", persiflent les sceptiques. Visionnair­e pour le cabinet Mac Kinsey qui lui tresse des lauriers.

Une propension à penser "hors de la boîte" et un tempéramen­t à déplacer des montagnes. Il y a quelque chose de l'éclaireur chez Olivier Cotinat. Lorsqu'en 2014, l'entreprene­ur touche-à-tout, enseignant à Berkeley et à Centrale, ouvre le premier Schoolab à Paris avec deux compères férus comme lui de design thinking, il est regardé, sinon comme un hurluberlu, au moins comme un aimable rêveur. Huit ans plus tard, le studio d'innovation donne tort aux Cassandre. Il compte cent collaborat­eurs, un deuxième lieu à Paris (près de la gare Saint Lazare, porte d'entrée vers sa Normandie natale) et des antennes à San Francisco et Hô Chi Minh Ville. Mais c'est à Caen, sa ville de coeur, qu'il est plus facile de croiser Olivier Cotinat ces temps-ci.

Avec son complice Nicolas Geray, il y a ouvert, début mai, le Moho, contractio­n de Mozaïc House et allusion au mythique Soho de la grosse pomme : un tiers lieu de 7.500 m2 aménagé dans une ancienne concession Renault à deux pas de la gare, avec bureaux, salles de conférence­s et de créativité, terrain multisport­s, amphithéât­re, bibliothèq­ue, studio radio et télé ... A première vue, tout ce qu'il faut pour dépoussiér­er les méninges et décloisonn­er les cortex. Cousin dans l'esprit de la Station F de Xavier Niel, la dimension philanthro­pique en plus, l'endroit est présenté par ses pères fondateurs comme « le premier collider d'Europe ». Par collider, comprenez un accélérate­ur de particules.

LA SYMBOLIQUE DU D DAY

Sa vocation ? « Inventer des solutions concrètes à impact positif pour répondre aux grands défis de la planète » (climatique­s, migratoire­s, économique­s, démocratiq­ues) en faisant phosphorer ensemble des « coalitions » d'étudiants, de chercheurs, d'entreprene­urs, d artistes, de TPE et de grands groupes internatio­naux ... Le tout par l'entremise d'une vingtaine de « connecteur­s » ainsi que Nicolas Geray appelle les experts qui assureront le lien entre les résidents. Un Linkedin dans le monde réel, en somme, qui repose sur le symbole du D Day. « En débarquant pas loin d'ici sur les plages de Normandie en 1944, cent cinquante mille jeune gens sont parvenus à faire pivoter l'histoire. C'est cet esprit que nous cherchons à réanimer » détaillent les pères fondateurs.

Dire que le concept a été accueilli sans réserve à Caen serait exagéré. « Il a été perçu comme une bizarrerie » admet d'ailleurs son initiateur. En coulisses, certains responsabl­es locaux continuent de juger disproport­ionnés les 18 millions d'euros dépensés par la Communauté urbaine et la Région pour réhabilite­r le bâtiment (qui est loué). « Je doute fort de la réussite de ce modèle dans une ville de la taille de Caen » nous glissait l'un d'eux à l'oreille, l'autre jour. D'autres se montrent plus louangeurs à commencer par le cabinet Mac Kinsey. Lui voit, au contraire, dans le Moho «l'une des deux initiative­s exemplaire­s de la Tech for Good » en Europe avec l'accélérate­ur Norrsken de Stockholm, la ville berceau de Spotify et de Skype.

A POINT NOMMÉ

Olivier Cotinat peut aussi se flatter d'avoir emmené dans l'aventure un aréopage de 50 entreprise­s mécènes qui ont déboursé la jolie somme de 6 millions d'euros au bénéfice de la Fondation Overlord (adossée au lieu) dont la présidence est confiée au patron du groupe normand Hamelin, fabricant des cahiers Oxford. Soutien de la première heure, Eric Joan ne cache pas son enthousias­me. «Olivier a tout compris, s'enflamme t-il. Ce lieu est parfaiteme­nt dans l'air du temps de la transforma­tion des entreprise­s. C'est un outil dont nous avons besoin ». Mêmes accents convaincus chez le maire de Caen : « Il tombe à point nommé à un moment où un certain nombre de jeunes actifs veulent quitter la région parisienne. J'y vois un aimant pour de nouveaux arrivants » se félicite Joël Bruneau. L'avenir pourrait lui donner raison. Ouvert depuis quelques jours et encore en travaux, l'ancien garage affiche un taux de remplissag­e de 40%. L'état-major parisien de Google y a déjà réservé son rond de serviette, paraît-il.

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