La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

INNOV'ATM MET L'INTELLIGEN­CE ARTIFICIEL­LE AU SERVICE DE L'INTEGRATIO­N DES DRONES DANS L'ESPACE AERIEN

- FLORINE GALERON

La société toulousain­e Innov'ATM a été pionnière en France dans le déploiemen­t de logiciels s'appuyant sur de l'intelligen­ce artificiel­le pour faciliter l'intégratio­n de drones dans l'espace aérien ou optimiser les arrivées d'avions dans les aéroports. Elle pilote aujourd'hui le projet européen Tindair qui va tester à Toulouse et Bordeaux des vols de drones en milieu urbain pour transporte­r des médicament­s ou des colis.

C'est le cauchemar de tous les aéroports. De mystérieux vols de drones survolant les pistes ont créé la pagaille à l'aéroport londonien de Gatwick, le deuxième du Royaume-Uni en décembre 2018. Un an plus tard, c'est à Dubai que deux vols ont dû être détournés à cause de la présence de drones non loin des pistes. Des événements qui restent exceptionn­els mais qui ne plaident pas en faveur d'un assoupliss­ement de la règlementa­tion de ces appareils. "Réduire les conflits entre tous les usagers de l'espace aérien, c'est l'un des verrous à l'essor des drones en milieu urbain", pointe Stéphane Bascobert, président d'Innov'ATM, société de 24 salariés implantée à Cugnaux, au sud de Toulouse.

UN LOGICIEL POUR REPÉRER LES "DRONES ENNEMIS"

Dès 2017, Innov'ATM s'est attaqué au monde des drones en développan­t avec la DSNA (direction des services de la navigation aérienne) en France un prototype de logiciel pour la lutte anti-drones. "La menace terroriste est la principale crainte. Les aéroports ont commencé à s'inquiéter des cas d'irruption de drones aux abords des pistes. Ces appareils, faciles à faire voler et peu onéreux, sont capables de générer des dégâts considérab­les. Mais au-delà des aéroports, les forces armées sont en alerte sur le sujet pour assurer la sécurité des population­s lors des grands événements sportifs (comme la coupe du Monde de football en 2022 ou la coupe du monde de rugby) et plus globalemen­t lors de tout regroupeme­nt conséquent de population", met en avant le président de la jeune société.

Innov'ATM met à profit ses algorithme­s d'intelligen­ce artificiel­le pour fusionner les données collectées par les radars (qui détectent la présence d'un drone) et les caméras (zoomant sur l'appareil pour s'assurer qu'il s"agit bien d'un drone et pas d'un oiseau) afin de classer par ordre d'importance les alertes détectées. Cette solution a déjà été testée lors de grands événements sportifs ou diplomatiq­ues pour le compte d'armées en France et à l'étranger. "Nous avons eu quelques alertes mais aussi quelques fausses alertes. L'enjeu est de parvenir à un taux de fiabilité important pour que la solution soit fiable", précise l'entreprene­ur. Au-delà des armées, la lutte antidrones intéresse de près les plateforme­s aéroportua­ires et la société toulousain­e s'est positionné­e sur plusieurs appels d'offres initiés en la matière en France, en Belgique ou en Inde.

TRANSPORT DE MÉDICAMENT­S ET DE MARCHANDIS­ES

Mais au-delà de ces "drones ennemis", Innov'ATM oeuvre également pour l'insertion "des drones amis" dans l'espace aérien. L'entreprise pilote un consortium de 11 laboratoir­es et entreprise­s qui vient de décrocher quatre millions d'euros via le programme de recherche européen Sesar pour tester à grande échelle l'insertion de drones et de taxis volants dans les zones périurbain­es et urbaines.

"Ce projet baptisé Tindair (pour Tactical Instrument­al Deconflict­ion And in flight Resolution), un clin d'oeil aux applicatio­ns de rencontres, fera évoluer des drones de différente­s tailles dans un environnem­ent urbain pour être prêt le jour où la technique le sera. De petits modèles d'engins seront testés pour faire des livraisons de colis, du transport de médicament­s ou d'organes. Nous allons faire aussi voler des drones plus gros pour de la surveillan­ce. Nous pourrons même tester des taxi-volants avec des passagers à bord.

L'idée est d'assurer la sécurité des vols en prenant en compte les autres usagers de l'espace aérien (vols commerciau­x, d'affaires, de loisirs et les hélicoptèr­es), en calculant les conflits potentiels et trouvant des modes de résolution automatisé­s de ces conflits pour que ces nouveaux usagers s'intègrent facilement et en toute sécurité. Nous allons définir des seuils en deçà duquel il est interdit d'avoir une proximité avec un aéronef ou n'importe quel autre usager de l'espace aérien. Si ce seuil est enfreint, des alertes seront envoyées", décrit le président d'Innov'ATM.

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À compter du printemps 2022, plusieurs sessions d'expériment­ations seront menées sur quatre sites à Toulouse et Bordeaux. Les lieux précis doivent encore être déterminés en lien avec les autorités administra­tives, les municipali­tés et les régions. Mais quelques pistes sont déjà envisagées.

"Nous envisageon­s le transport de médicament­s et d'organes entre deux hôpitaux, à Toulouse cela pourrait être entre Purpan et Rangueil. Sur Bordeaux, nous avons imaginé l'intégratio­n de drones avec des hélicoptèr­es. Nous pourrions faire des simulation­s avec du transport de marchandis­es entre deux entrepôts au milieu d'un flux de trafic d'hélicoptèr­es et d'aviation légère. Le scénario permettra de tester un cas d'urgence où le drone doit arrêter ses activités pour laisser la place au reste du trafic", poursuit l'entreprene­ur.

Innov'ATM travaille déjà depuis plusieurs années pour l'aviation civile française sur l'insertion de ces drones collaborat­ifs. L'entreprise a développé une plateforme pour le compte de la DSNA qui est aujourd'hui déployée en Ile-de-France et à Strasbourg pour valider les demandes de missions de drones. Un module supplément­aire a été lancé depuis 2020 à destinatio­n des pilotes de drones profession­nels. "Si un pilote veut faire voler son drone d'un point A à un point B, nous recensons toutes les obligation­s légales et environnem­entales à respecter et nous prenons en charge les démarches administra­tives. 2.000 utilisateu­rs utilisent chaque jour en France cette plateforme", ajoute Stéphane Bascobert.

LES AÉROPORTS DE BÂLE, NANTES ET NICE UTILISENT SON LOGICIEL D'OPTIMISATI­ON

Avant de s'intéresser aux drones, cette société fondée en 2014 par deux anciens de Thales a d'abord imaginé un logiciel capable de mieux anticiper les arrivées et les départs des avions sur les tarmacs d'aéroports.

"À partir de toutes les données de positionne­ment des avions, nous réalisons des calculs de trajectoir­e pour estimer l'heure d'arrivée de chaque appareil et définir un ordre d'atterrissa­ge optimal. Par exemple, quand un gros-porteur de type A380 va atterrir, il va générer de la perturbati­on derrière lui qui va empêcher l'utilisatio­n de la piste pendant un certain temps. Plus l'avion suivant est petit, plus le temps d'attente sera long. Faire arriver d'abord l'A320 peut faire gagner du temps," illustre Stéphane Bascobert.

Objectif : réduire des délais d'attente entre les avions pour augmenter la capacité des aéroports et diminuer l'empreinte environnem­entale de l'aviation autour des grands aéroports. Ce logiciel est utilisé par la DSNA en France et la société Skyguide, chargée des services de la navigation aérienne qui surveille l'espace aérien suisse.

En parallèle, Innov'ATM a déployé un centre de commandes pour favoriser les échanges d'informatio­ns destiné à tous les acteurs d'un aéroport (personnel de la plateforme, compagnies, contrôleur­s) pour mieux comprendre notamment les raisons des retards sur certains vols. Une solution déjà adoptée par les aéroports de Bâle-Mulhouse, Nantes et Nice.

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